Réforme de la formation des enseignant⋅es: normaliser et contrôler les pratiques

Intervention de Mathilde Blanchard

Le document de préparation de la nouvelle nouvelle réforme de la formation initiale se nomme : « Ecoles normales du 21e siècle ». 
 Une appellation contrôlée pourrions-nous dire. Car il s’agit bien de « normaliser » les pratiques enseignantes, les « standardiser », et d’avoir le plein contrôle sur la formation. 
« Le parcours sur cinq ans est réglé sur un référentiel de compétences décliné en maquettes nationale avec un degré de granulité très fin » explique le texte, attribuant clairement le pouvoir à l’employeur aux dépens des universités. Un principe affirmé en préambule: « le maintien de la formation à l’université doit s’accompagner d’une profonde transformation en terme de gouvernance, de RH et de pilotage ».
 
Cette confiscation universitaire se fait ainsi à divers niveaux :
–         La part des enseignant.es chercheurs dans les équipes de formation s’amenuise encore, au profit de PE et de PLC, choisi⋅es. (La détention d’un CAFIPEMF n’est même pas évoqué). Sans dénier l’importance du terrain et de l’expertise professionnelle, celle-ci prend un caractère autarcique et devient quasi omnisciente. 
–         Les formatrices et formateurs, nommé.es par le ministère, seront précarisé.es sur des contrats de trois ou quatre ans réexaminables, dans un « objectif de renouvellement régulier », et la rémunération des directeurs-directrices sera liée à l’atteinte d’objectifs … De quoi s’assurer une adhésion docile au projet.
–         Cette mise de côté se traduit également dans les contenus que ce soient ceux du concours ou ceux des maquettes de licence. Par exemple, l’emploi du terme « fondamentaux » renvoie directement à des compétences scolaires et non à des savoirs disciplinaires. De même, les épreuves d’admissibilité pourront être remplacées par des tests, loin d’analyses reposant sur des savoirs universitaires et didactiques. Les PLP seront de leur côté recrutés simplement sur leurs connaissances techniques dans la résolution d’une situation.
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Alors que l’architecture d’un concours fin L3 avec deux années de formation rémunérées, validées par un master, aurait pu favoriser une formation ambitieuse, le ministère met en place une formation visant à formater. 
 Au lieu de permettre à toutes et tous les futurs professeur.es  de construire l’ensemble des savoirs à enseigner et pour enseigner, en s’appuyant sur une maîtrise seconde des disciplines comprenant leur histoire, leur épistémologie, sur des connaissances sociologiques, psychologiques ou de l’institution scolaire, au lieu de travailler à la manière de les transformer pour penser des situations d’apprentissage permettant de lutter contre les inégalités scolaires et répondant aux enjeux contemporains… la formation initiale constitue une pièce du puzzle du «  choc des savoirs ».  
Car il est vrai que des enseignants et enseignantes conceptrices constitueraient un obstacle à l’application de l’école du tri social en marche, visant à dispenser à des élèves, (considéré.es comme n’étant pas tous et toutes capables d’apprendre) des savoirs non émancipateurs. Le renoncement assumé à des qualifications élevées est général. 
–         Cette mainmise sur la formation, qui plus est avec une application au pas de charge tentant d’annihiler les temps de résistance possibles, nous impose une réaction fédérale, intersyndicale, afin d’être audibles et de peser pour contrer ce projet participant pleinement à un changement radical en cours du Service Public d’éducation. 
Il y a urgence à faire lutte commune !