Le Snes-FSU à la croisée des chemins

Le congrès du Snes-FSU se tiendra du 18 au 22 mars 2024 à La Rochelle. à l’heure où la conflictualité sociale est forte, en raison notamment des menaces qui planent sur la démocratie et la planète, ce congrès, qui se tient sur fond de divergences au sein d’U&A, suscite des interrogations sur la capacité future du Snes-FSU à s’inscrire pleinement dans la lutte et la transformation sociale.

Les textes de congrès sont normalement autre chose qu’une addition de plateformes revendicatives : c’est une manière de présenter une compréhension du monde et comment on pense qu’il faut le changer. Mais la direction Unité et action (U&A) a souhaité supprimer le thème 3, qui justement traite traditionnellement des alternatives et des droits et libertés.

Cette suppression, qui a été votée à une courte majorité et sans les voix de l’ÉÉ, a été présentée comme le moyen d’aborder ces questions de manière plus transversale dans les trois thèmes restants. Or, l’architecture des fiches (puisque tous les textes seront présentés ainsi) tend à montrer un resserrement corporatiste du traitement des sujets, qui, quand ils ne sont pas purement et simplement évacués, viennent s’additionner les uns aux autres, sans véritablement irriguer la réflexion globale.

Des propositions de modifications statutaires seront également discutées. Ce sont des débats importants parce qu’ils touchent au fonctionnement interne : démocratie et pluralisme, renforcement et renouvellement militant, lutte contre les discriminations y compris au sein du syndicat. Or, certaines propositions de modifications statutaires émanant de l’ÉÉ ont été jugées irrecevables par une partie d’U&A, qui n’a pas été en capacité de se mettre d’accord et en proposera plusieurs autres.

Thème A :

« Pour un second degré démocratisant et émancipateur »

Les réformes éducatives rétrogrades accélérées par Attal (groupes de niveaux au collège, « fondamentaux », etc.) posent la question de la démocratisation scolaire, à un moment où le lien entre inégalités scolaires et sociales et la persistance de celles-ci entre les différentes voies sont patents.

Pour assurer l’égalisation des destins scolaires, il s’agira de porter l’idée d’« école commune » (expression du Groupe de recherche sur la démocratisation scolaire – GRDS) de 3 à 18 ans, dont l’objectif est notamment de garantir la réussite de l’ensemble des élèves au collège, en évitant le tri entre celles et ceux destiné·es à l’enseignement supérieur et celles et ceux orienté·es vers l’enseignement professionnel.

Contrairement à l’école actuelle, centrée sur des dispositifs de remédiation, l’école commune cherche à conduire les élèves vers un tronc commun, ce qui implique notamment de réfléchir aux contours d’un lycée commun, ou polyvalent et polytechnique. Ce lycée n’impliquerait pas l’uniformisation du développement intellectuel dans les seules disciplines académiques, mais offrirait la possibilité aux élèves de développer leurs savoirs dans des domaines « de prédilection ». Il garantirait à toutes et tous des connaissances communes et ambitieuses dans les disciplines générales, technologiques et professionnelles.

Thème B :

« Pour des personnels respectés et revalorisés et un service public renforcé »

Les débats sur ce thème opposent habituellement U&A et ÉÉ, avec deux conceptions du métier : une vision élitiste qui s’accommode du néomanagement hiérarchisant les collègues versus notre conception qui met au centre le travail collectif et collaboratif. C’est pourquoi nous ne nous faisons aucune illusion sur la nature de la classe exceptionnelle, qui a été créée dès le début comme un outil managérial de domestication.

Une autre divergence concerne la formation initiale. La réforme Attal prévoit une entrée dans le métier sans réelle progressivité, mais qui s’accompagne d’un véritable formatage par l’employeur, à rebours du métier de concepteur·trice que nous revendiquons. Si le recrutement à la licence est un gage de démocratisation, il doit s’accompagner d’une véritable formation universitaire.

Les débats au sujet du statut et du métier des assistant·es d’éducation (AED) ont été douloureux au congrès précédent de Montpellier : faut-il les reconnaître comme professionnel·les avec un statut pérenne ou en rester à la revendication d’un statut d’étudiant·e-surveillant·e ? Un mandat d’étude, auquel des camarades AED ont participé, va rendre compte de ses travaux. Mais il reste du travail pour que le Snes-FSU devienne un espace de luttes collectives, comme cela devrait aussi être le cas pour les accompagnant·es des élèves en situation de handicap (AESH). a fortiori, les choix à venir de la macronie risquent de rendre encore plus difficiles la défense et l’autodétermination de ces personnels.

Pour les non titulaires, U&A s’accommode d’un plan de titularisation aux contours mal définis, ne permettant ni la résorption de la précarité ni le nécessaire coup d’arrêt à la mise en concurrence des statuts. Dans le contexte d’un départ massif en retraite d’agent·es d’ici à 2030, il convient de prendre la mesure des risques qui en découlent sur l’organisation et la conception de nos métiers.

C’est d’ailleurs dans le thème B que devraient être traitées les questions de services publics et de fiscalité, jusqu’ici traitées dans le thème 3, comme la protection sociale abordée sous l’angle de la politique de santé des agent·es.

Thème C :

« Notre syndicalisme de luttes et de transformation sociale »

Le puissant mouvement contre la réforme des retraites a en partie rebattu les cartes du nouvel outil syndical sur lequel nous avions avancé à Metz en congrès FSU, puis à Montpellier. U&A Snes est divisée sur la question. Quand certain·es plaident pour un rapprochement avec la seule CGT, éventuellement après absorption des SN second degré dans le Snes-FSU, d’autres voient le Snes et la FSU comme le trait d’union entre syndicalisme réformiste d’un côté, et de lutte et de transformation sociale de l’autre.

Il faudra certainement remettre sur le métier la différence entre unité d’action et unification, et éclaircir les étapes de ce processus, en tenant compte des apports du mouvement retraites, comme de l’urgence face à la montée de l’extrême droite, sans perdre de vue le cap des luttes et de la transformation sociale.

Les luttes à mener contre l’extrême droite, et la politique antisociale, liberticide et écocide de la macronie, qui accentuent le risque de la voir accéder au pouvoir, doivent servir de boussoles pour sortir du congrès de La Rochelle avec de bons mandats, y compris sur les questions précédemment traitées dans le thème 3 : écologie, droits et libertés, lutte contre les discriminations, à l’échelle nationale comme internationale (alors que cette question n’est abordée que sous l’angle de la coopération syndicale).

Le renforcement des sections d’établissement (S1) et des sections départementales (S2), du travail fédéral, les moyens concrets à mettre en œuvre pour développer la syndicalisation, favoriser le renouvellement militant et la prise de parole et de responsabilité des femmes, pour mieux associer syndiqué·es et les collègues, doivent rester les chantiers prioritaires du Snes-FSU. ■

Par Les élu·es École émancipée

au bureau national du Snes-FSU

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