En dehors du fait que l’installation du nouveau logiciel créé par le ministère a provoqué des blocages, un retard important à la rentrée et qu’aucune formation digne de ce nom n’a été dispensée pour les personnels, SCONET pose des problèmes de fond considérables.
Il est un instrument de gestion informatique globale, des bases élèves et personnels, en lien direct avec la hiérarchie académique : à partir du moment où la base est renseignée, les éléments sont transmis. On imagine aisément ce que cela permet : surveiller et comptabiliser les absences des collègues, les heures supplémentaires acceptées et effectuées, y compris dans le cadre du Décret Robien…En lien avec nos fameux dossiers i-prof, la gestion au mérite de nos carrières a en fin trouvé son outil facilitateur.
Concernant les élèves, les risques sont réels et ce d’autant plus qu’il est programmé d’étendre SCONET au Primaire. Des informations personnelles sont accessibles et avec les lois dites “de prévention de la délinquance” elles pourraient l’être aussi au niveau des mairies, et d’autres services pour déterminer l’aide sociale « méritée » par les familles. Nous voici donc directement concernés par les questions de délation auxquelles sont confrontés notamment nos collègues éducateurs et assistants sociaux. Il va sans dire que l’on peut craindre également une utilisation particulière des informations sur la nationalité des enfants et de leurs parents.
Certains métiers sont particulièrement dans la ligne de mire du ministère et de la répartition locale des missions de l’Education nationale : il est souvent délégué aux CPE la tâche de transmettre à l’inspection académique les informations d’absentéisme qui peuvent être sanctionnées, y compris sur le plan pénal, pour les élèves et les familles signalées. Ils ont jusqu’à présent une marge de manœuvre qui leur permet d’apprécier chaque situation et d’user de solutions éducatives avant de lancer ce type de procédure. Avec la remontée automatique cette marge disparaît. L’activité des CPE pourrait être mise sous surveillance et notamment leur propension à faire ou non les signalements en application stricte de la loi sur l’obligation scolaire. Sur le fond, ces procédures automatisées de gestion des absences, en disent long sur les missions éducatives que l’on souhaite donner au métier de CPE … et sur la manière dont on appréhende les questions d’échec scolaire. SCONET est le volet scolaire de la surveillance généralisée des citoyens, usagers ou personnels de l’Education Nationale : distinguer les méchants pauvres des bons, les fonctionnaires zélés des vilains « glandeurs » et gérer en conséquence ce à quoi ils ont droit, voilà un système dont Big Brother aurait pu rêver.
Jean Marie Barbazanges, Ingrid Darroman, Edwige Friso, CPE, Ecole Emancipée