Au moment où la « conférence nationale sur les rythmes scolaires » va rendre la synthèse des consultations qu’elle a menées, il nous semble pertinent d’interroger les raisons qui poussent le ministre à se lancer dans un chantier qu’on sait miné. Les intérêts en jeu sont si nombreux et divers qu’avancer dans cette entreprise est toujours une gageure. On peut subodorer, à la lumière de l’ensemble des réformes engagées depuis le début du quinquennat de Sarkozy, que les propositions de la commission et les décisions que prendra le ministre n’iront ni dans le sens d’une amélioration des conditions de travail des enseignants, ni dans celui d’un meilleur apprentissage des élèves, en particulier de ceux des classes populaires.
En même temps qu’il lançait ce débat, le ministre proposait une expérimentation « école le matin, sport l’après-midi », qui annonçait par avance quelles orientations avaient sa préférence. Le système allemand, véritable mythe des cours de récréation françaises, est ainsi imité alors que dans son propre pays, notamment parce qu’il est très inégalitaire, il est fortement remis en cause. Il renforce les inégalités sur le plan social, les enfants de parents aisés bénéficiant majoritairement des activités post-méridiennes, et sur le plan géographique : par choix politiques des collectivités (länder ou communes) subventionnent parfois les après-midi. La philosophie de Chatel a autant des relents de troisième République que de libéralisme faussement moderne : « Le sport, c’est aussi un approfondissement moral, l’exercice de la volonté. C’est l’occasion de savoir ce que peuvent valoir d’efforts, de sueur, la conquête de quelques mètres de terrain ou le gain de quelques dixièmes de seconde… ». Plus de ligne bleue des Vosges à conquérir, mais un marché chinois à envahir !La réalité est pourtant là ! Nous avons recueilli les témoignages de lycéens de Reims et de Meaux qui nous ont surtout expliqué que dans un cas l’expérimentation se résume à quelques adaptations horaires dans une section sport-études classique et que dans l’autre, elle est une vitrine permettant à un proviseur de se faire valoir… Les élèves sont « crevés », l’obligation de pratiquer les activités sportives ne peut pas être remise en cause et ne fait l’objet d’aucun choix.
Des partenaires bien choisis
La consultation est donc terminée. Si des syndicats de personnels ou de lycéens, les parents d’élèves et associations complémentaires de l’école publique ont pu s’exprimer, d’autres « partenaires » choisis par le ministre semblent être mis sur le même plan et seront – parions-le – autant écoutés : le Comité national du tourisme souhaite une modification du calendrier scolaire qui « répondrait ainsi parfaitement au besoin des opérateurs qui doivent impérativement anticiper la mise en marché des produits sur une période minimale de 18 à 24 mois » ; la Fédération nationale des syndicats de commerçants des marchés de France s’« impose de ne pas perdre de vue l’impact, en terme de rentabilité, des rythmes scolaires sur l’économie marchande et touristique » ; la Fédération nationale des transports de voyageurs, la Fédération protestante de France, la Conférence des évêques de France… autant d’organismes qui, n’en doutons pas, ne perdent jamais de vue l’intérêt des personnels de l’éducation autant que des élèves, tant qu’il reste au service du leur. Vigilance, donc. La FSU et ses syndicats ne doivent pas se laisser entraîner à ne serait-ce que sembler coopérer à ce qui sera sans doute une attaque de plus contre le service public d’éducation. [(Premier degré : d’autres choix sont possibles A l’école primaire, une réforme des rythmes scolaires s’est toujours heurtée au sacro-saint principe du « un maître – une classe » qui contribue à « rigidifier » tout le système. La suppression du samedi matin en septembre 2009, outre l’aspect « cadeau » aux parents, n’a été que l’alibi pour mettre en place l’aide personnalisée, qui, depuis son origine, est jugée au mieux inefficace par l’ensemble de la communauté éducative. Cette aide personnalisée a deux objectifs : supprimer, à terme, les RASED dont un tiers des postes a déjà disparu, et remettre sur le devant de la scène la pédagogie de la répétition au détriment d’une pédagogie centrée sur le sens des apprentissages qui nécessite plus de temps et a surtout le désavantage, pour nos dirigeants, d’apprendre à penser…Pourtant, les axes d’une modification positive des rythmes des jeunes élèves sont maintenant bien connus : moins d’heures de classe quotidiennes, plus de régularité, une alternance 7 semaines classe et 2 semaines repos…
Des solutions simples peuvent être développées, à condition de garder en tête un paramètre indispensable à la mise en œuvre d’une réforme cohérente et réussie : l’amélioration des conditions de travail des enseignants du premier degré par, notamment, la diminution réelle et sensible du temps de travail et par « plus de maîtres que de classes ».)]