Rentrée sociale sous le feu des urgences

Contribution de l’École Émancipée aux débats du CDFN des 20 et 21 septembre 2022

Le gouvernement, sous l’impulsion du Président, décide d’accélérer son agenda libéral en cette rentrée, les retraites après l’assurance-chômage, le tout sans répondre aux urgences criantes tant sociales que climatiques. Face à cette course en avant effrénée, à la nécessité vitale pour l’ensemble de la population de pouvoir mener une existence digne dans un monde écologiquement viable et socialement juste, à la menace d’une extrême-droite… le syndicalisme a un rôle important de riposte à jouer en s’appuyant notamment sur des luttes locales et sectorielles comme celles existantes à l’échelle européenne et en tenant compte d’un paysage politique offrant une alternative de rupture avec le libéralisme. Réussir la grève du 29 septembre, poursuivre résolument les mobilisations pour mettre en échec le gouvernement sur les retraites et obtenir des augmentations salariales, enclencher une bifurcation écologique avec « Plus jamais ça », gagner les élections professionnelles forts de ce profil combatif tout en œuvrant à l’unité syndicale et en construisant les bases d’une unification syndicale… l’agenda émancipateur de la FSU est également bien chargé en cette rentrée !

Peu après des élections législatives bouleversant le paysage politique, la rentrée sociale se déroule sous le prisme de l’urgence écologique et sociale, pour laquelle notre syndicalisme a un rôle important à jouer.

La très forte inflation, touchant très durement les classes populaires à travers notamment l’envolée des prix de l’alimentation et de l’énergie, a encore renforcé la vive urgence sociale. Cela appuie et démontre, si besoin, la nécessité d’une augmentation massive des salaires et des minimas sociaux pour permettre à l’ensemble de la population de vivre dignement. Car, pour le moment, ce sont globalement les salarié·es, les privé·es d’emploi, les retraité·es, les précaires, les étudiant·es… qui paient le coût de l’inflation en subissant une diminution de leurs revenus réels, tandis que les profits des entreprises s’envolent comme l’illustre le record atteint par les dividendes de celles du CAC40. Imposer une profonde réforme fiscale pour partager les richesses est bien un des enjeux forts de la rentrée, illustré notamment à travers le débat autour d’une taxe sur les superprofits.

Les multiples conséquences de la sécheresse de cet été illustrent, elles, avec acuité l’urgence climatique qui impose de rompre radicalement avec le modèle de société productiviste actuel. Ces deux urgences, sociale et climatique, résonnent entre elles car, en effet, les liens sont très étroits entre fin du monde et fin du mois. L’urgence sociale n’est pas une simple affaire de « pouvoir d’achat » pour assouvir une surconsommation frénétique mais il s’agit bien de gagner pour toutes et tous le droit à une existence digne dans un monde écologiquement viable et socialement juste. De quoi bousculer l’ensemble du mouvement syndical pour qui il devient indispensable de s’emparer des deux dimensions, sociale et écologique, dans un même élan.

De son côté, et sans surprises, le gouvernement déroule des mesures libérales sans répondre à cette double urgence.

La loi votée cet été poursuit la politique des petits chèques et les aides non ciblées socialement pour contenir les prix de l’énergie tout en refusant à la fois une hausse généralisée des salaires, toute idée de taxation des profits et de revenir sur les mesures fiscales favorables aux plus riches. L’écologie se limite aux petits gestes et à une responsabilisation individuelle, bien davantage guidés par la pénurie à venir de gaz que par la nécessité d’une bifurcation.

Le pouvoir institue à dessein une confusion entre « fin de l’abondance » et austérité pour tenter de faire passer cette dernière comme incontournable et éluder ainsi toute visée vers une sobriété partagée fondée sur le principe de justice. Le gouvernement lance ainsi dès à présent une nouvelle réforme de l’assurance-chômage envisageant de diminuer encore les droits des privé·es d’emplois, entend poursuivre la libéralisation des services publics et notamment de l’école, gesticule autour d’un nouvel objet communicationnel avec le CNR et projette toujours un recul de l’âge de départ en retraite dès l’été prochain…

Ces réponses du gouvernement conjuguée à sa majorité relative à l’Assemblée font surgir une troisième urgence qui s’ajoute aux deux premières, celle de prendre enfin en compte de façon démocratique les priorités et exigences de la population.

A l’échelle internationale, les résultats des législatives en Suède et ceux à venir en Italie, comme les élections de mi-mandat aux Etats-Unis ou la présidentielle au Brésil sont inquiétants avec l’extrême-droite en position de force ou très menaçante. Les politiques libérales ont créé des monstres que le mouvement social doit combattre. Notre rôle de solidarité internationale, plus que jamais, est d’actualité.

En France aussi, le positionnement du gouvernement Macron vis à vis de l’extrême droite, qui peut emprunter ses idées et sa rhétorique ou se montrer complaisant envers elle, nourrit cette menace. Politique spectacle autour de l’expulsion d’un imam en contournant toute poursuite judiciaire, mesures discriminatoires dans l’attribution de visas aux ressortissant·es des pays du Maghreb, interdiction préfectorale de distribution de repas et d’eau aux migrant·es à Calais, retrait de subventions à une association écologiste au nom du « contrat d’engagement républicain », silence face à la propagande ultraréactionnaire justifiant la mort de personnes tuées par la police, refus d’accueillir les enfants français nés de parents djihadistes… Autant de signes de la pression de l’extrême-droite sur les libéraux au pouvoir qui cèdent, voire devancent ce qu’ils/elles pensent être des attentes d’une partie de leur électorat.

Face à cette indigence, les tâches qui incombent au mouvement syndical sont d’importance. Une mobilisation interprofessionnelle sur les salaires est d’ores et déjà engagée avec la grève du 29 septembre. Elle pourra s’appuyer sur la kyrielle de mobilisations, locales ou sectorielles, qui se succèdent depuis près d’un an comme sur celles à l’échelle européenne avec notamment le retour de la grève au Royaume-Uni. La grève réussie de la Sncf au début de l’été est un autre point d’appui, notamment pour l’éducation ou la santé qui sont confrontées au même schéma dévastateur d’un déclassement professionnel bien plus large que la seule question salariale conduisant à une forte crise de recrutement.

Et comme l’urgence climatique percute l’urgence sociale, la réponse classique d’un autre partage des richesses financé par l’accroissement de celles-ci perd de sa validité avec la fin inéluctable de la croissance économique infinie. La nécessité de cette profonde bifurcation écologique oblige le syndicalisme, et plus largement le mouvement social, à construire des mobilisations permettant une large convergence autour de cette double urgence. C’est le sens des premiers échanges entre les organisations syndicales (Cgt, Fsu, Solidaires, Confédération paysanne et Unef), des associations (Attac, Oxfam…) et de partis politiques. Pour le moment, l’organisation de manifestations communes mi-octobre n’a pu aboutir, notamment suite au non-respect du cadre retenu pour les co-construire ensemble. Néanmoins, toutes les organisations s’accordent sur la nécessité de poursuivre cette coordination inédite pour débattre, analyser et construire ensemble dans la durée un processus de mobilisation face à la politique sociale et climatique menée par le gouvernement.

Ces urgences, conjuguées à la situation politique, écartelée entre un pouvoir figé dans le libéralisme s’appuyant sur une extrême droite devenue partenaire et un nouveau pôle de rupture, impose au mouvement social de revisiter son rapport au politique sans rien enlever à son indépendance. Les mobilisations organisées par le mouvement syndical et celles des forces politiques progressistes sont complémentaires pour imposer la nécessaire prise en compte des besoins sociaux et climatiques. Après la grève du 29 septembre, la FSU pourrait ainsi proposer au syndicalisme de transformation sociale un appel soutenant la marche du 16 octobre tout en se projetant sur des perspectives de mobilisation communes.

Sur le champ relevant directement de la responsabilité du syndicalisme, il s’agit d’ores et déjà de se projeter sur la façon de poursuivre les mobilisations en menant une campagne au long cours pour gagner sur les salaires et mettre en échec le projet de recul social envisagé sur les retraites. Une campagne unitaire permettant de surmonter les difficultés liées à l’exacerbation de la concurrence syndicale pendant la période d’élections professionnelles dans la Fonction publique. Une campagne prenant également en compte les réalités sectorielles, notamment celles très fortes dans l’éducation entre la réforme de la voie professionnelle et le développement de la contractualisation des personnels (recours accru à la précarité, « nouveau pacte » pour mieux faire oublier la revalorisation limitée aux seuls débuts de carrière…) et des écoles et établissements (« grands débats » locaux, dispositifs d’évaluation, 500 millions de crédit pour le « fond d’innovation pédagogique »…). Cette campagne ambitieuse démontrera au passage l’utilité du syndicalisme, favorisant ainsi la participation aux élections professionnelles et le vote en faveur du syndicalisme de transformation sociale et de la FSU, apparaissant ainsi comme la fédération combative aux côtés des agent·es des services publics dans les secteurs où elle est présente.

MOBILISATIONS FEMINISTES 

Le 8 mars débute le 28 septembre

Dans la perspective de construire dès à présent un mouvement d’ampleur lors de la grève féministe du 8 mars prochain, il est important d’investir et construire les mobilisations à venir en faveur des droits des femmes. Le 28 septembre à l’occasion de la journée internationale du droit à l’avortement comme le 25 novembre pour l’éradication des violences faites aux femmes. Sans oublier de communiquer régulièrement sur la réalité des inégalités entre les femmes et les hommes dans nos divers champs professionnels.

TERRITORIALE

Entre inégalités et casse du service public

Le libéralisme créé par la loi de destruction de la Fonction publique ne cesse d’être utilisé par les employeurs locaux avec la privatisation des missions et la mise à disposition d’office des agent.es territoriaux·ales (comme par exemple la privatisation des crèches à Nogent-sur-Oise) ou encore les sociétés privées qui ferment les piscines en arguant le coût de l’énergie, mettant en péril l’apprentissage de la natation pour les élèves et les loisirs de tout·es les usager·es. Pendant ce temps, bien que les lois de décentralisation successives ont accru les disparités de traitement des usager·es selon les territoires, l’AMF en réclame une nouvelle.

Aujourd’hui, les employeurs territoriaux peinent à recruter, mais l’augmentation de la précarisation des contrats publics et l’écart entre le début et la fin de carrière de 150€ environ ne font qu’accentuer ce manque d’attractivité utilisé par ailleurs pour privatiser des missions.

ÉCOLE 

Résister au tourbillon libéral

L’école publique est confrontée un agenda bien garni de réformes libérales sur fond de crise aiguë de recrutement. Alors que les réformes du précédent quinquennat ont contribué, délibérément, à aggraver la situation, Macron et son ministre présentent leurs réformes comme des « solutions » aux problèmes de l’école, alors qu’il s’agit d’attaques libérales supplémentaires destinées à parachever la déréglementation à l’œuvre. Réforme de la voie professionnelle pour adapter les formations aux besoins du patronat, poursuite de la focalisation sur des « fondamentaux » entendus comme savoirs réduits visant l’employabilité, contractualisation forcenée ripolinée en « l’école du futur »… Une libéralisation qui se fera au détriment des élèves des familles populaires et des personnels dont le ministre n’envisage qu’une revalorisation inconditionnelle des débuts de carrière. Les personnels doivent également faire face à une répression aveugle, comme c’est le cas aujourd’hui pour Kai Terada, enseignant au lycée Joliot Curie de Nanterre, que la FSU soutient dans un cadre unitaire intersyndical.

Forte de sa position centrale dans ce secteur, il s’agit pour la FSU de s’engager dans la construction de mobilisations pour résister à ce tourbillon et imposer sa vision d’un service public d’éducation émancipateur et démocratique.

RETRAITES

Endiguer tout recul

Macron confirme son souhait d’enclencher une réforme du système de retraites dès cet automne pour faire travailler plus longtemps. Cette volonté de baisser le montant des pensions en dehors de tout déficit incontrôlé des caisses de retraites suit une même logique : faire reculer les droits sociaux des travailleurs et travailleuses, baisser globalement les dépenses publiques, réformer le marché du travail et faire payer aux salarié·es les besoins sociaux.

Notre syndicalisme devra être unitaire et déterminé pour combattre cette attaque centrale et démontrer en quoi le retour à une retraite à 60 ans serait parfaitement soutenable et juste.

ÉLECTIONS PROFESSIONNELLES

Montrer à voir un syndicalisme de terrain, revendicatif et unitaire

Les élections professionnelles occupent, légitimement, nos esprits dans ce premier trimestre. La FSU doit porter haut et fort son projet et s’organiser pour faire voter massivement pour ses listes et ses candidat·es. Pour gagner ce vote, reconquérir la première place à la FPE et être représentatif à la FPT, c’est bien le maillage militant et le profil de la FSU qui seront déterminants. Pour cela, la bataille qu’ouvre Macron sur les retraites comme l’enjeu salarial avec, par exemple, dans l’éducation nationale le refus de revaloriser la majorité des personnels seront des marqueurs décisifs pour le vote. Gagner la bataille politique face à Macron nous fera aussi gagner les élections professionnelles. La FSU comme moteur de l’unité syndicale sera aussi une balise pour gagner les élections professionnelles et construire l’après.

En avant !