Journées d’Étude de l’École Émancipée 2023 : en avant pour la lutte et la transformation sociale !


Chaque année, les Journées d’Étude de l’École Émancipée (J3E) font alterner temps de débats et moments plus conviviaux. Elles sont un pas de côté apprécié et nécessaire aux militant·es de l’ÉÉ qui œuvrent à la construction de la FSU et de ses syndicats, et à les tourner toujours plus résolument vers la transformation sociale. Pour la troisième année consécutive, les J3E se sont tenues au bord de la mer, à Préfailles (44), du 8 au 11 juillet 2023, et ont réuni environ 120 personnes, dont une vingtaine d’enfants, pris en charge par deux baby-sitters.

Le mouvement social au cœur des débats

Le premier débat centré sur les forces et les faiblesses de l’exceptionnel mouvement contre la réforme des retraites ainsi que sur les perspectives qu’il a ouvertes, a permis d’entrer dans le vif du sujet, et d’échanger sur la stratégie syndicale pour avancer à la fois dans l’unité la plus large tout en développant le syndicalisme de transformation sociale. La construction de structures territorialisées efficaces, les caisses de grèves, le lien avec les associations et partis politiques porteurs d’alternatives pour les milieux populaires, et le rassemblement des forces progressistes derrière la défense de la démocratie et contre l’extrême droite, sont apparus comme les chantiers prioritaires à travailler dès la rentrée.

Ce débat a été prolongé lors des échanges avec deux camarades de Solidaires (Mathilde Peyrache) et la CGT (Fabrice David) autour du nouvel outil syndical : la division actuelle fait le jeu du capitalisme que combat le syndicalisme de lutte et de transformation sociale, à la différence du syndicalisme réformiste avec lequel l’unité d’action peut exister ponctuellement. La lutte retraites a montré la force d’entraînement de cette unité d’action, mais pas son efficacité face à un pouvoir autoritaire. Ce mouvement a été porté dans beaucoup d’endroits à trois : c’est un travail commun qu’il faut poursuivre à tous les niveaux, en veillant à respecter nos différentes cultures syndicales (notamment en terme de droit de tendance). Les terrains ne manquent pas : éducation, travail, écologie, féminisme, extrême droite…

La transformation sociale s’entend aussi sur le terrain de l’écologie

Deux camarades, l’un de la Confédération paysanne et l’autre du SNETAP, avaient fait le déplacement pour débattre des menaces sur l’eau. Un prolongement du dossier du n°102 de la revue de l’ÉÉ. Accaparée en tant que source de profits, l’eau est l’objet de luttes sur tout le territoire et au-delà, car ce combat a aussi une dimension internationale. Ce sont les populations les plus pauvres qui sont les premières victimes du dérèglement climatique : ce combat est à l’intersection de nos luttes et notre syndicalisme doit penser ses revendications en conséquence. L’école est également centrale pour sortir d’une « éducation au développement durable », qui est un concept capitaliste.

L’ÉÉ : tendance syndicale… et pédagogique

Que peut notre syndicalisme contre les inégalités scolaires qui s’aggravent depuis les années 2000 en raison de réformes néolibérales et managériales, et nous éloignent du projet d’école démocratique que nous portons ? Les mandats de l’ÉÉ pour l’école sont justes et pour les faire vivre, il ne faut pas nous laisser déposséder du cœur du métier. Cela passera par le développement des pratiques démocratisantes (explicitation des savoirs visés, exigences communes de haut niveau, refus d’externalisation des apprentissages en dehors de la classe…) et de collectifs syndicaux et de travail dans les écoles et établissements, pour gagner de la force et les moyens nécessaires à l’allègement des effectifs des classes, à la redéfinition des cartes scolaires…

Penser le monde pour mieux penser notre société

Abordé sous l’angle des droits des femmes et des minorités, les apports du débat sur la situation internationale ont été nombreux. En Iran, si le soulèvement, initié par les femmes, premières cibles de l’oppression du régime, a été réprimé dans le sang, la lutte continue sous d’autres formes. La solidarité internationale sera cruciale pour faire plier le régime. En Colombie, c’est la lutte des femmes contre le conflit armé qui a permis d’aboutir à l’accord de paix avec les FARC en 2016. Les femmes s’impliquent aussi dans de nombreux mouvements pour les droits : interculturels, anticapitalistes, anticoloniaux, contre la transphobie, pour la paix, la libération de la Terre mère… Aux États-Unis, depuis l’ère Trump, les discours et les politiques anti-droits des minorités se développent et sont utilisés pour rassembler les conservateurs et les élites derrière les Républicains. Plus globalement, les impérialismes d’aujourd’hui instrumentalisent les droits des femmes et des minorités pour rassembler, se renforcer et se justifier : en les attaquant frontalement comme aux États-Unis ou en Russie (hétéro-nationalisme à la Poutine) ou en les reprenant à leur compte comme en Israël (Tel-Aviv présenté comme vitrine de tolérance pour faire oublier la politique d’apartheid) ou en Europe (où la rhétorique de l’émancipation des femmes et des personnes LGBT sert à justifier des discours islamophobes). L’intégration, dans le discours, des droits des femmes et des personnes LGBT à l’agenda des extrêmes droites européennes est inquiétante et nécessite un travail important de décryptage.

Une question vive : la laïcité

Depuis la fin des années 90, la laïcité a connu une reconfiguration qui a fracturé la gauche politique et syndicale. D’un principe permettant le vivre ensemble, elle est devenue pour certain·es, en particulier à droite, une valeur défensive dirigée principalement contre les musulman·nes. Loin du combat laïc contre un dualisme scolaire qui confine au séparatisme, l’école est devenue l’un des cadres de cette instrumentalisation de la laïcité, que la macronie reprend à son compte, surfant sur la droitisation de la société. L’arsenal répressif (bientôt étendu aux abayas ?) ne résout aucun problème, met les personnels en difficulté et les divise. Pour lutter syndicalement contre cela, il faut renforcer les digues contre l’exclusion et les discours de haine, en rappelant la lettre et l’esprit de la loi de 1905, en objectivant par des chiffres, en visibilisant toutes les actions où des équipes sont parvenues à résoudre des situations de tension, en donnant à voir ce qui se passe dans d’autres pays… La droitisation de la société n’est pas une fatalité.

L’ÉÉ : une tendance bien vivante et dynamique

Les J3E, c’est aussi le temps de l’Assemblée Générale annuelle où sont discutées et décidées les décisions qui concernent le fonctionnement de l’association des Ami·es de l’École Émancipée. Une nouvelle Équipe Responsable issue du GD 60 a été élue. Une nouvelle maquette pour la Revue a été présentée. La tendance s’est lancée cette année dans un nouveau chantier : les podcasts Écoutes émancipées. Une AG non-mixte s’est également tenue, dont un certain nombre de préconisations pour favoriser une prise de parole égalitaire qui en étaient issues ont pu être mises en application sur le champ. Elles ont eu des effets positifs immédiatement mesurables et visibles.

Trois jours pour changer le monde, c’est trop court, mais pas pour y contribuer ! À son échelle, l’École Émancipée fera tout pour continuer à défendre la justice écologique et sociale dans un monde débarrassé des oppressions. A l’année prochaine !