Inclusion, changer le paradigme

intervention de Mathilde Blanchard secrétaire nationale au titre de l’école émancipée


Parce qu’elle est régulièrement associée à des souffrances professionnelles et familiales, l’inclusion, telle qu’elle est mise en œuvre par les politiques néolibérales, préoccupe l’école. Au point qu’il est parfois devenu difficile de maintenir le consensus que toutes et tous les élèves ont leur place dans le service public d’éducation. Car c’est bien un paradoxe actuel de l’inclusion : prétendre inclure l’ensemble des enfants, tout en détricotant l’école du toutes et tous capables.

L’inclusion est instrumentalisée pour démanteler les structures spécialisées, modifier les missions des personnels, dévoyer des RASED absorbés dans les Pôles ressources ou encore détourner les moyens de l’adaptation scolaire vers le handicap. L’enseignante, l’enseignant, se retrouve seul∙e pédagogiquement, face aux difficultés diverses des élèves dont certaines et certains sont accompagné∙es, quand les moyens le permettent, par une AESH dont la reconnaissance d’un métier est toujours refusée. Les réponses consistent alors à se tourner vers une externalisation et une médicalisation de l’aide, renvoyant à une forme d’essentialisation des difficultés d’apprentissage. L’aide prônée est sur-individualisée, dans une demande de constante adaptation des parcours scolaires, éloignant des dynamiques collectives et d’une culture commune ambitieuse. Comme si finalement tout le monde avait sa place à l’école, tant qu’elle maintient l’ordre social préétabli.

Et c’est là un second paradoxe, l’inclusion réfère non seulement aux enfants en situation de handicap mais aussi à toutes celles et ceux qui ne s’inscrivent pas dans la norme scolaire attendue, autrement dit le plus souvent, aux élèves issu.es des familles de milieu populaire. Ces derniers et dernières sont ainsi assimilé∙es, dans une confusion entretenue, à des situations personnelles de handicap, invisibilisant le poids des origines et inégalités sociales.

Les sections, interpelées au quotidien par ces problématiques ont poussé le SNUipp à accélérer nos réflexions. Il importe à présent de prolonger le chantier :

  • Continuer à chercher des réponses aux souffrances professionnelles, au sentiment d’être démuni∙es et revendiquer les moyens nécessaires à une inclusion, que nous devons caractériser précisément, dans la perspective d’une stratégie syndicale dès la rentrée.
  • Elaborer la feuille de route d’une campagne remettant les RASED en lumière, au cœur des équipes enseignantes, dans des missions de prévention et d’aide directe aux élèves.
  • Être l’occasion de poser les premières pierres pour la reconnaissance d’un métier d’AESH. Au-delà des mobilisations indispensables pour obtenir des améliorations salariales et un statut, nous pourrions ainsi amorcer un chantier autour de leur expertise professionnelle, et de ce qui fait aussi, LEUR métier.
  • Enfin, l’inclusion, parce qu’elle s’inscrit dans notre projet d’une école pour toutes et tous, doit pleinement faire partie de nos pistes d’actions syndicales visant à reconstruire la professionnalité enseignante. Décrypter les divers champs associés à l’inclusion et leurs conséquences c’est aussi l’occasion de recentrer l’école sur le rapport aux savoirs des enfants de familles populaires. En effet, si leurs modalités d’apprentissage deviennent la référence, l’inclusion pourra alors prendre une autre définition, une autre dimension, celle de l’émancipation de toutes et tous.