Contribution « collège » de l’Ecole Emancipée

Lors de la CAA (le « parlement » ) du SNES Créteil du 19 juin 2017, l’école émancipée a produit une contribution d’analyse de la réforme du collège.


En collège, l’année qui vient de s’écouler est la suite d’une importante défaite syndicale. Malgré une forte mobilisation de la profession contre la réforme du collège, celle-ci a été imposée de force à la rentrée dernière. Pour le Snes, qui avait mené cette bataille, l’enjeu, dont il ne s’agit pas ici de minimiser la difficulté, était donc de gérer cette après-défaite, en l’assumant pour mieux reconstruire son discours et jouer un rôle protecteur vis-à-vis des collègues.
Le mot d’ordre du S4, appelant à la « résistance pédagogique », n’a fait que renvoyer au local le rapport de force, pourtant pas en faveur des collègues en ce moment, les mettant en difficulté en particulier face à leur chef-fes d’établissement. Dans ce contexte, sur le terrain, il s’est traduit la plupart du temps plutôt par de la « survie pédagogique ». Car, à côté de la réforme du collège, c’est l’ensemble du train de réformes (grilles horaires, EPI, AP, LSU, nouveau brevet, nouveaux programmes), imposées de manière très verticale et sans considération pour la temporalité du travail enseignant, qui ont pesé sur nous et nos collègues toute l’année, conduisant à un sentiment de « burn-out » généralisé.

La mise en place de certains des aspects de la réforme, comme l’AP, la modulation des horaires ou les EPI, a été très variable. Nous ne pouvons nous satisfaire de ce renvoi au local, qui contribue à isoler encore davantage les équipes et les collègues dans leur combat.

Aujourd’hui, il nous parait donc nécessaire de faire le bilan d’une année éprouvante pour notre profession, et notamment en se redonnant les outils syndicaux adéquats. Et au-delà, alors que les débats et le front disparate d’opposition à la réforme du collège ont contribué à brouiller le discours progressiste, alors que le nouveau ministre promet un « assouplissement » sélectif de la réforme, il est vital de réaffirmer une vision cohérente du collège que nous défendons, un collège unique visant l’émancipation de toutes et tous.

Des enseignements disciplinaires à respecter

Surchargés par les tâches annexes, obligés de préparer plusieurs nouveaux programmes à marche forcée tout au long de l’année, impactés par les réductions horaires, les enseignant-es de collèges ont été déstabilisé-es dans ce que nous connaissons et maîtrisons normalement le mieux : notre enseignement disciplinaire. Il est crucial de (re)faire entendre la voix de notre profession afin que la réalité de notre travail soit entendue et respectée.

Projets et interdisciplinarité, mais dans de bonnes conditions

L’introduction forcée des EPI, sans donner les moyens ni la concertation nécessaire, nous a mis dans une position compliquée. Cependant, la réalité sur le terrain étant souvent plus complexe que les caricatures que nous en faisons parfois, un certain nombre de collègues s’y sont investi-es et ont utilisé ce dispositif à des fins positives, .. L’interdisciplinarité, permet aux élèves de confronter méthodes et point de vue et ainsi de développer leur esprit critique. La forme pratique des EPI et, dans les textes, la volonté de les mettre en œuvre sous forme de projet rencontrent aussi des pratiques déjà développées par les collègues. Toutes les propositions d’aménagement, comme les propositions de semaine interdisciplinaires qui permettraient d’intervenir à plusieurs et même de dégager du temps de concertation, ont été accueillies très fraîchement par l’administration. Supprimer purement et simplement les EPI n’est pas une solution. L’interdisciplinarité ne peut se mettre en place dans les établissements que sur la base du l’initiative des enseignant-es et nécessite des moyens et du temps dédié à la concertation sans pression hiérarchique.

Pour une diversité des enseignements et options, contre l’élitisme et le tri social

Le débat sur le caractère élitiste des options et des classes à profil, impulsé par l’ancien gouvernement, était et reste nécessaire. Mais la dissolution pure et simple de ces options ne peut être une solution. Cette politique a bousculé de nombreux postes et forcé un certain nombre d’enseignant-es à travailler sur plusieurs établissements. Mais surtout, elle a restreint drastiquement l’offre d’enseignements de tous les collèges. Revenir à la situation antérieure, comme le propose Blanquer, n’est qu’une manière de répondre à la demande des classes moyennes et favorisées en occultant un débat pourtant nécessaire. Cela aura pour effet de favoriser encore plus le tri social entre les établissements et à l’intérieur même de chacun d’entre eux. Proposons au contraire des options variées et nombreuses pour tou-tes.

Pour une évaluation au service des élèves et de la pédagogie

La mise en place du LSU a été une importante source de désordre dans les établissements, les chef-fes d’établissements étant aussi perdu-es que les collègues. Les tableaux du LSU sont illisibles pour les élèves et leur famille, peu clairs pour les enseignants eux-mêmes. Le Snes Créteil n’a pas réussi à impulser un mot d’ordre clair et suivi largement par les collègues. Cette « évaluation » a ainsi été mise en œuvre de manière extrêmement variée selon les collèges, affectant certes les résultats au DNB, mais aussi l’orientation des élèves. Elle a de plus réintroduit une évaluation de vie scolaire que nous avions combattue. Sur le livret de compétences, pour lequel le gouvernement PS avait poursuivi la politique des gouvernements de droite, Blanquer ne s’est d’ailleurs pas prononcé. Il nous faut donc rapidement repenser un discours syndical clair sur l’évaluation. Comment avoir des outils communs qui produisent une mesure ne servant pas à trier mais permettant un dialogue efficace tripartite entre les élèves, les familles et les enseignant-es.

Autonomie ou liberté pédagogique

Hormis un discours pédagogiquement rétrograde, la philosophie du nouveau ministre est marquée par son goût prononcé pour l’autonomie des établissements. Celle-ci occupait déjà une place centrale dans la réforme du collège, et c’est l’une des raisons principale de notre opposition à celle-ci. Derrière cela il y a le risque d’un système éducatif à (au moins) deux vitesses, donc une sorte de résignation complice face aux mécanismes de la reproduction sociale, ce que nous devons continuer à combattre. Mais il est cependant vrai qu’inventer, essayer, chercher des solutions nouvelles, sont au cœur du métier de pédagogue. Ce qui est faux, c’est de croire que cela puisse s’inscrire dans les dispositifs bureaucratiques et autoritaires que sont les contrats d’objectifs, les conseils « pédagogiques », et le pilotage par les chef-fes d’établissement. Au contraire, cela ne peut surgir que dans le travail quotidien, émancipé des pressions hiérarchiques, enrichi par le collectif de pairs, assuré par le principe de la liberté pédagogique.