Contre l’extrême droite : s’armer intellectuellement et riposter !

Intervention de Grégory Bekhtari (CA DL)

Nous vivons un moment propice aux pires dérapages et passages à l’acte : 3 projets d’attentats d’extrême droite déjoués en 1 mois, attaque du siège de la CGIL par des fascistes en Italie, fichage des militantes et militants par un site d’extrême droite…

En France, le déni du crime d’état du 17 octobre 1961 ( la FSU a signé l’appel unitaire à commémorer les 60 ans), et plus largement de tout ce qui touche au passé colonial de la France est un des éléments révélateurs de l’état du débat public aujourd’hui. C’est bien parce que les pires exactions racistes commises au nom de la France peuvent encore aujourd’hui être niées que Zemmour peut se livrer au révisionnisme et réhabiliter Pétain.

Et dans quel but ? Celui de nier dès maintenant les droits humains des migrant·es, des musulman·es, des juifs, des Rroms etc. et de légitimer les enfermements, la « remigration » et autres violences envisagées contre eux par l’extrême droite, au nom d’un bien supérieur, celui de la France.

La contamination d’une grande partie du champ politique et médiatique est en cours : obsession identitaire, inflation continue des discours à connotation raciste très au-delà de l’extrême droite. Par exemple Gérald Darmanin fait l’éloge du « modèle grec » de contrôle des frontières : camp « fermé et à accès contrôlé » entouré de barbelés et de miradors.

Dans un contexte aussi incertain et risqué, nous devons nous emparer des analyses les plus récentes en sciences sociales, qui permettent de discerner au mieux les problèmes actuels auxquels nous devons faire face et les pistes pour lutter contre.

Reza Zia-Ebrahimi, historien au King’s College de Londres, vient de publier un livre intitulé Antisémitisme et Islamophobie : une histoire croisée.

L’auteur y définit la notion de « racialisation » comme le processus de « construction sociale » par lequel une population vient à être vue comme une race à partir de traits essentialisants.

Il distingue trois formes de racialisation, une qui se fonde sur des traits biologiques, une autre sur des caractéristiques religio-culturelles, et une dernière qu’il nomme « racialisation conspiratoire », dont des théories du complot forment la base et l’articulation conceptuelle.

Il est évident que, dans beaucoup de situations historiques, les trois formes de racialisation – biologique, religio-culturelle et conspiratoire – se sont combinées de manière complexe.

Selon lui, les théories du complot sont partie intégrante du racisme, puisqu’elles assignent des caractéristiques comportementales. Ces complotismes représentent le stade ultime de la racialisation, puisqu’ils ne se contentent plus d’altériser la population juive ou musulmane : ils l’élèvent au statut de menace existentielle pour la « civilisation occidentale ». Ce stade de racialisation est essentiel pour justifier des violences physiques à leur encontre, des violences qui se présentent dès lors comme une défense légitime contre un génocide civilisationnel.

Dans cette vision paranoiaque, l’invasion de musulmans impossibles à intégrer est facilitée par des traîtres à la civilisation occidentale, les « islamo-gauchistes », qui constituent une véritable cinquième colonne.

A l’heure de la vampirisation de la campagne présidentielle par la pensée Zemmour, nous ne pouvons plus aborder le problème de biais sous prétexte de ne pas participer à le nourrir. Nous devons contrer de front les thématiques complotistes et racialisantes au coeur d’une partie significative du débat médiatique, à base de « grand remplacement » et de « racisme antiblanc ». Difficile aussi de se taire sur le fait que les méthodes indignes de répression employées par l’exécutif, et validées par le Conseil d’État, contre une organisation musulmane antidiscrimination comme le CCIF -sous prétexte de protéger les citoyen-nes de l’islamisme- mettent en danger les libertés fondamentales et en particulier les libertés associatives et syndicales, comme l’a dit entre autres la LDH et comme la FSU aurait dû et pu le dire.

Nous pouvons résister à la vague brune en démontant les motifs et les mots clés avec lesquels l’extrême droite cherche à empoisonner la population. Et surtout, en promouvant un projet de société alternatif fondé sur l’égalité et la diversité. Les études récentes nous apprennent en effet que, paradoxalement, les niveaux d’intolérance et d’ethnocentrisme reculent de façon continue sur 30 ans, tout comme les préjugés racistes. Les raisons d’espérer en notre combat en faveur d’une société sans racisme existent, la FSU doit continuer à les partager.