Combattre la loi immigration et la xénophobie

Par Grégory Bekhtari


Le débat et le vote de la version amendée du projet de loi immigration au Sénat relève de ce qu’il faut bien appeler un « effet de bascule ». En effet, les critères qui ont guidé la fabrique de la législation n’étaient plus bornés par les principes de l’État de droit et des conventions internationales sur les droits humains fondamentaux, mais guidés par une volonté d’institutionnaliser, d’inscrire au plus profond de la loi la hiérarchisation et la discrimination entre nationaux et étranger·es sur le territoire français, qu’ils/elles soient établi·es de façon régulière ou sans papiers, de faciliter au maximum leur expulsion  et de refouler et empêcher leur accueil et leur installation durable. 

Ce qu’il est essentiel de voir dans ce qu’il s’est passé au Sénat, c’est que les idées antidémocratiques, xénophobes et racistes de l’extrême-droite travaillent déjà le cœur des institutions de la Vè République, alors même que le nombre d’élu·es RN ou Reconquête dans cette assemblée tient sur le doigt d’une seule main. Les grands médias ont mis l’accent sur la suppression de l’Aide Médicale d’État, le refus de créer un droit au séjour et à régularisation facilité pour les travailleurs-euses des métiers dit en tension ou encore le rétablissement du délit de séjour irrégulier pourtant aboli en 2012. On peut et on doit aussi mettre en lumière une autre mesure symbolique qui ouvre la voie à un marqueur fort du programme du RN, à savoir, la priorité nationale. C’est très clairement la logique qui est amorcée dans la restriction de l’accès aux allocations familiales et à l’APL à 5 ans de séjour régulier. La rupture avec l’universalité dans l’accès à ces prestations sociales n’est rien d’autre que la première étape pour légitimer et banaliser à l’avenir un traitement différencié entre les nationaux et tout·es les étranger·es.

Il est plus que troublant de se dire que le président du Sénat, qui assume politiquement ce texte d’une hostilité xénophobe totalement décomplexée, est la même personne qui a appelé à manifester contre l’antisémitisme, une forme de racisme dont la recrudescence est actuellement préoccupante. Comme s’il était possible ou souhaitable de s’opposer à certaines formes et manifestations de rejet et de discrimination tout en en cautionnant d’autres. Dans la lutte contre le racisme, quelle que soit sa forme, pratiquer le deux poids deux mesures est particulièrement dangereux.   

 Le refus de tracer une frontière avec les idées du RN et Reconquête dans les institutions a trouvé son prolongement logique dans le refus de se séparer des dirigeantes RN et Reconquête dans la rue. Ajoutons à ça le fait que la présidente de l’Assemblée Nationale qui appelait également à cette manifestation avait exprimé un soutien inconditionnel au gouvernement Netanyhau suite aux actes de terreurs et massacres atroces de civils par le Hamas d’un côté, sans jamais avoir dénoncé de l’autre les crimes de guerre, voire les crimes contre l’humanité, commis par l’armée israelienne et documentés par l’Onu. 

Il y avait et il y a toujours de bonnes raisons de manifester contre l’antisémitisme dans ce pays et il ne s’agit pas de juger ceux et celles qui ont choisi de bonne foi de le faire malgré tout dans ce cadre. Cela dit, il est important d’ajouter que d’autres haines essentialissantes, notamment contre les personnes étrangères, mais aussi les personnes perçues comme arabes et/ou musulmanes potentiellement assimilé·es à des soutiens du Hamas et/ou du terrorisme, saturent en même temps le climat social de notre pays. Comme vient nous le rappeller l’élection d’un avatar trumpiste comme nouveau président argentin, nous avons un défi stratégique majeur à relever pour faire reculer l’autoritarisme antidémocratique et raciste sur le temps long. Nous avons besoin d’un cadre large et pérenne qui défende les libertés démocratiques et l’égalité de toutes et tous, et notamment la lutte contre tous les racismes. 

C’est pourquoi la FSU doit poursuivre son investissement dans le cadre en gestation issu des Assises des Libertés Publiques du printemps dernier qui porte cette perspective indispensable.