Bulletin EE Normandie n°134

Articles publié dans le bulletin de l’école émancipée de septembre 2022

Manifestation lycéenne contre la réforme Woerth-Sarkozy des retraites
(c) Romani sur phototheque.org

Retraites : vers un passage en force pour un gouvernement sans majorité !

Coup de tonnerre le 12 septembre : E. Macron annonce devant les journalistes de l’association de la presse présidentielle que la réforme des retraites entrera en vigueur dès l’été 2023.
Pour tenir ce calendrier, 2 possibilités : soit le vote d’une loi au parlement cet automne avec un très fort risque qu’elle soit rejetée, soit le passage via un amendement à la loi de finances de la sécurité sociale et le recours au 49.3 qui permet de passer en force.

Quelle que soit la solution choisie, il est clair qu’il s’agira d’aller vite et de passer outre l’éventuelle mise en minorité du gouvernement par l’assemblée nationale.
Concrètement, cela signifie donc qu’en cette période inédite de baisse importante de pouvoir d’achat pour les salarié.es, les retraité.es et la jeunesse, d’accroissement continu des inégalités, de difficultés majeures pour tous les services publics, de conséquences évidentes du réchauffement climatique qui nécessitent des mesures d’urgence … le président de la république souhaite imposer une réforme qui dégradera une fois encore le système de retraites par répartition.

Le message est clair : non à la taxation des super-profits, oui aux mesures qui pèsent sur les salarié.es, les retraité.es et la jeunesse par la diminution des allocations chômage et la baisse des pensions, conséquence inévitable du recul de l’âge de départ en retraite.

Face à cette « guerre-éclair », le mouvement social, les organisations syndicales et les partis de gauche doivent impérativement trouver les clés pour construire une mobilisation de très grande ampleur qui imposera une défaite à ce gouvernement minoritaire. Les grèves et les mobilisations en Grande-Bretagne, inédites depuis plusieurs décennies, montrent que c’est possible.

Pierre-Emmanuel BERCHE, Université de Rouen

Évaluations d’écoles, ni maintenant, ni jamais !

Après une phase d’expérimentation, le ministère met en œuvre à cette rentrée les évaluations d’écoles. Elles étaient prévues dans la loi « pour une école de la confiance », contre laquelle les collègues s’étaient fortement mobilisé·es au printemps 2019.

Ce dispositif consiste en une phase d’auto-évaluation, suivie d’une évaluation interne, à laquelle doivent participer les enseignant·es, les parents, les élèves, ainsi que les personnels de la collectivité locale.

Sont également pris en compte les résultats des évaluations nationales.
Une phase d’évaluation externe est ensuite menée, par des IEN, des directeurs.trices…

Pour la FSU-Snuipp, ce dispositif est chronophage, inutile et dangereux !
En donnant aux élèves et aux parents des questionnaires « de satisfaction », on transforme le service public en prestataire et les usagè·res en client·es.

De plus, les enseignant·es risquent de se voir imposer des axes travail qu’ils et elles n’auront pas choisis. Ces évaluations renforceront également la mise en concurrence des écoles entre elles.

La FSU-SNUipp, dans le cadre d’une intersyndicale nationale, demande l’abandon de ce dispositif. Seule une partie des écoles sont concernées cette année, mais toutes les écoles y passeront à terme.

C’est aujourd’hui le moment d’organiser la mobilisation contre ces évaluations, de soutenir les équipes qui s’engagent dans le refus et de convaincre les collègues de toutes les écoles de signifier dès maintenant leur refus !

Bulletin EE Normandie n°134 Septembre 2022

Christophe HAMON, remplaçant Le Havre nord, Stéphanie RIO, Elémentaire Curie, Le Havre,
Pierre VIOT, Elémentaire Césaire Levillain, Grand Quevilly

RESF : construire une école solidaire

L’an dernier, des enseignants et enseignantes se sont retrouvé·es dans leur classe face à des enfants qui n’avaient pas de toit. Déboutés de leurs droits, les parents ne sont pas reconduits à la frontière (même si cette menace pèse réellement pour nombre de ces familles), mais elles doivent se débrouiller entre le 115 (plateforme d’hébergement d’urgence) et la solidarité citoyenne pour trouver des solutions d’hébergement.

Ces situations insupportables ont donné lieu à des mobilisations sur les écoles et à l’échelle de la ville et fait émerger l’urgence de relancer le Réseau Education Sans Frontières (RESF) sur Le Havre. Des militants et militantes, constitué·es en réseau, assureront le lien entre les collègues confronté·es à des élèves sans toit, dont les parents sont sans-papiers et les associations de la ville qui assureront leur protection. En effet, face à la montée de l’extrême- droite et au futur projet de loi sur l’immigration de Darmanin, nous devons informer les collègues pour ne pas les laisser démuni·es, mobiliser la communauté éducative, y compris les parents d’élèves pour créer un collectif qui sera capable d’intervenir pour protéger les élèves et leur famille.

Christelle TALBOT, Ecole Paul Eluard 2, Le Havre Véronique PONVERT, Collège Léo Lagrange, Le Havre correspondantes RESF pour la FSU – Le Havre

RESF FCPE école
phototheque.org (c)

Face au gouvernement des ultra-riches, construire des combats unitaires

En appelant à la grève interprofessionnelle du 29 septembre avec la CGT et Solidaires, la FSU porte lors de cette rentrée sociale ses revendications de transformation sociale. Cette journée d’action fait suite à celle des ATSEM le 5, de l’énergie le 13 et de la santé le 22. Ces échéances de luttes sont un avertissement pour le gouvernement d’E. Borne car elles s’opposent frontalement à ses politiques libérales et de régressions sociales. Le nouveau projet de réforme de l’assurance- chômage est une énième attaque à l’encontre des privé·es d’emploi qui voient leurs droits une fois de plus rognés. Les hausses de salaires dans les Fonctions Publiques ne serviront ni à compenser l’inflation galopante de la période ni à rattraper les années de gel du point d’indice.

Les mots d’ordre de la grève du 29 septembre portent sur les salaires et les conditions de travail. Nous y revendiquerons le partage des richesses, les alternatives politique et sociale au néolibéralisme. Des premières mesures de justice sociale peuvent être décidées dès maintenant : taxer les super profits des multinationales qui se gavent sur le dos de la guerre en Ukraine, qui ont encaissé les aides gouvernementale liées à la crise sanitaire sans rien faire pour les salaires. Rétablir l’ISF, taxer les actionnaires… Ces mesures permettraient de redistribuer les richesses celles et ceux qui devront faire le choix cet hiver entre se nourrir ou se chauffer. Le Conseil National de la Refondation, instauré par Macron et présidé par Bayrou, est une fumisterie qui ne débouchera que sur des régressions supplémentaires. Cet ersatz de concertation servira de caution aux prochaines attaques, sur les retraites par exemple. L’urgence d’un autre monde n’est plus à prouver, le dérèglement climatique nous l’impose et les questions sociales doivent être en lien avec cette problématique.
À nous de construire le 29 septembre, de préparer les suites pour faire plier le gouvernement. La marche du 16 octobre à l’invitation d’une partie de la NUPES est une possibilité de rebond si elle se construit de manière unitaire entre associations, syndicats et partis. Chacun a sa carte à jouer, dans le respect des propositions et des identités de toutes les parties prenantes.

Clément LEFEVRE, Collège Fernand Léger, Le Petit-Quevilly

Affectations au lycée : un lourd tribut pour les jeunes issu·es des milieux populaires

En juin dernier, certain·es chef·fes ont débuté les conseils de classe du troisième trimestre en insistant sur le manque de places en lycée professionnel (LP), et ont engagé, par conséquent, les enseignant·es à envoyer plutôt l’élève en seconde générale quand c’était envisageable. Les enseignant·es ont vécu cela comme une ingérence mal venue, en réalité, il fallait surtout y voir une pénurie de places en LP très anticipée, pour ne pas dire orchestrée par l’administration ! Le Rectorat savait (en fermant des classes, des sections d’enseignement…) qu’il n’y aurait pas suffisamment de places pour ces jeunes issu·es bien souvent des milieux populaires ! Il l’a sciemment provoqué. L’orientation en fin de troisième est déjà en temps normal un moment difficile, où l’on demande à des adolescent·es très jeunes de faire des choix pour leur avenir, mais la situation devient carrément anxiogène quand leur professeur·e principal·e leur met la pression dès le premier trimestre de troisième. Sous pression depuis que les Psy-EN sont sommé·es de ne plus se charger de l’orientation devant les classes, les équipes pédagogiques se retrouvent face à un casse-tête.

L’algorithme «affelnet» chargé de l’affectation fonctionne désormais à la mode « Parcours- Sup » : un seul tour d’affectation, avec un barème fondé sur l’évaluation du « socle commun » (contrôle continu du DNB) qui invite à la tricherie : surévaluer les élèves dans les domaines de compétence du socle permet en effet à certains établissements de sortir leur épingle du jeu dans la pénurie ambiante. Ainsi pilotée, l’orientation renforce son caractère sélectif et ségrégatoire.
Ainsi, début juillet, il y avait quelque 250 élèves sortant de 3ème sans affectation sur le seul bassin du Havre, un chiffre bien plus élevé que d’ordinaire. A la rentrée, il en restait 150, du jamais vu ! Et environ 300 étaient dans une situation identique sur le bassin de Rouen. Ce sont donc des centaines de jeunes non scolarisé·es en cette rentrée sur l’académie (et ailleurs ?), en attente pour un mois, rattaché·es à la MLDS (mission de lutte contre le décrochage scolaire) chargée de leur organiser des stages et de leur trouver une solution. Début octobre, ils et elles pourront demander un redoublement… après avoir été déscolarisé·es tout le mois de septembre. Ou déscolarisé·es pour de bon.
La plupart du temps, ce sont les jeunes les plus en difficulté qui n’ont pas obtenu d’affectation, celles et ceux qui sont en rupture avec l’institution, alors qu’ils et elles n’ont, bien souvent, que l’école pour apprendre. Que vont devenir ces jeunes aujourd’hui «dans la rue » ? Où vont-ils·elles construire leur avenir professionnel, trouver leur place de citoyen·ne dans la société ? Comment peut-on accepter de sacrifier une partie de notre jeunesse ?
L’École Émancipée invite plus largement toutes et tous à se questionner sur le sens d’une orientation aussi précoce de la jeunesse. N’est-il pas temps d’imaginer un lycée polyvalent capable d’accueillir toute une classe d’âge sans palier d’orientation ? Cela passe par des moyens autrement plus conséquents afin de remédier aux profondes difficultés de bon nombre d’élèves mais cela éviterait ce mois de septembre d’inconnu que beaucoup de jeunes traversent.

Véronique PONVERT, Collège Léo Lagrange, Le Havre
Clément LEFEVRE, Collège Fernand Léger, Le Petit-Quevilly