Claire Bornais (secrétaire nationale)
Chères et chers camarades,
Ce congrès s’ouvre juste après une journée de mobilisation interpro, rare en période pré-électorale. Et nous en aurons d’autres ! À commencer par le 8 mars, pour les droits des femmes !
En même temps, notre pays est aujourd’hui marqué par une campagne présidentielle aux relents nauséabonds. Le risque est très fort de déboucher sur une situation empirée, avec un président réélu. Ou alors, sur la pire des situations, avec un fascisme au pouvoir !
Nous ne savons pas ce qui ressortira de cette séquence électorale. Mais nous savons ce qu’il nous faut faire, nous, syndicalistes, pour essayer de faire entendre les salarié·es, les sans emplois, les jeunes, les retraité·es. Il nous faut porter la voix de notre camp social, nos exigences revendicatives, afin d’imposer la question sociale dans la campagne. Pour maintenant, tout de suite, et pour peser demain et après demain ! C’est la responsabilité du syndicalisme !
Et, oui, disons le ensemble, les mobilisations sociales sont la meilleure réponse à apporter dans le climat pré-électoral : ce sont elles qui mettent au cœur de la campagne les questions sociales, sociales ET écologiques.
Même si elle n’a pas mobilisé autant que nous l’aurions voulu, la journée du 27 a permis, par les grèves et manifestations, par l’irruption des salarié·es dans le débat public, de remettre centralement à l’ordre du jour la question des salaires.
Il est clair que le mouvement social est en difficulté depuis longtemps face aux déferlantes libérales . Mais en plus, ces deux dernières années, la crise sanitaire inédite a pesé : elle a freiné l’expression revendicative et désorienté les salarié·es. Pas facile dans un tel contexte de garder le cap et d’arriver à redonner confiance ! Et pourtant il fallait essayer et il faut continuer à le faire !
Nous portons la question des salaires depuis bien longtemps à la FSU, et nous avons raison de le faire : cette question est centrale dans les préoccupations de l’opinion, l’inflation galopante la rend très aiguë. Des luttes sont déjà menées dans de nombreux secteurs depuis 2021 pour des meilleurs salaires : à Leroy-Merlin, Labeyrie, Décathlon,… (liste non exhaustive ! ). Le G9 a fortement mobilisé les retraité·es en décembre pour leurs pensions et les appelle à descendre à nouveau dans la rue fin mars. Demain, dans le secteur social comme à Pôle Emploi, les salarié·es seront en grève pour les salaires, les conditions de travail et le service public. À EDF, le 26 janvier, 40 % des personnels étaient grévistes, pour leurs salaires, mais aussi contre les annonces du gouvernement visant à garantir les profits de Total et Engie en plongeant EDF dans le rouge.
Le 13 janvier, à l’initiative de la FSU, une grève majoritaire s’est construite dans l’éducation pour la première fois depuis 2017. Majoritaire et au-delà : 3 enseignantes et enseignants en grève sur 4 dans le premier degré ! Disons le : une grève historique. Elle a permis aux personnels de ce secteur de relever enfin la tête, après cinq années à subir une politique de casse du service public d’éducation. 5 années qui ont vu une dégradation des conditions de travail, un mépris médiatique et surtout un renoncement assumé à la démocratisation scolaire. Blanquer se souviendra sûrement longtemps de cette gifle reçue. Blanquer, dont l’ÉÉ réclame d’ailleurs la démission depuis longtemps !
La conflictualité est bien là.
Il nous faut trouver les moyens de faire des combats sectoriels le carburant d’une lutte d’ampleur contre le libéralisme et pour l’égalité sociale.
Les salarié·es sont de plus en plus révolté·es, par la maigreur de leur fiche de paie, de leur retraite ou de leurs indemnités de chômage. Mais aussi par l’augmentation faramineuse des profits, des dividendes et des inégalités. L’écart se creuse entre la pauvreté de plus en plus répandue dans le monde et les profits capitalistes qui explosent ! C’est indécent, et il faut que cela cesse !
En France, il est malheureusement possible que le gouvernement qui sortira des urnes cherche à poursuivre l’œuvre du précédent en matière de destruction des services publics, d’augmentation des injustices. Qu’il continue de désigner des boucs émissaires pour masquer les effets de ses politiques. Qu’il cherche à poursuivre la restriction des libertés, dont le capitalisme a besoin pour écraser les révoltes sociales qu’il engendre. Il est peu probable qu’il prenne en compte l’urgence environnementale et revienne sur les choix catastrophiques déjà faits.
Il y a urgence pourtant : il faut que les priorités politiques changent dans ce pays !
Car la pandémie a mis en évidence le caractère essentiel des services publics pour le maintien du fonctionnement de l’économie réelle. Une autre réalité, c’est que les salarié-es en première ligne face au Covid pour faire tenir la société, ce sont surtout des femmes, aux métiers les plus mal payés.
Nous devons nous appuyer sur cette prise de conscience pour mieux mobiliser.
Des mouvements sociaux ont émergé en dehors des syndicats ces dernières années, à partir de révoltes contre les injustices ou les dominations patriarcales, comme celles des Gilets jaunes ou de Metoo. Les luttes climatiques se sont développées. Nous ne devons pas regarder de tels mouvements de loin, mais, au contraire, chercher les voies pour nous en rapprocher. C’est ainsi que nous pouvons travailler à l’hégémonie culturelle de nos valeurs.
Nous nous y efforçons au quotidien. Il faut poursuivre, ouvrir le syndicalisme et construire des alliances, comme nous l’avons fait avec Plus jamais ça, pour porter ensemble les revendications sur le plan social ET environnemental.
Notre fédération le dit depuis longtemps : il faut que les forces progressistes, combatives, du mouvement syndical se rapprochent, bien plus durablement. Nous devons constituer un bloc capable d’entraîner mieux les salariés, et leur donner des perspectives. Les choses avancent en ce sens chez nos partenaires CGT et Solidaires : pour preuve, les récents congrès de Solidaires, de l’UFSE-CGT ont pris des positions en faveur du rapprochement des syndicats de transformation sociale. Enfin !
Notre congrès doit se saisir de cette opportunité. Dans la fonction publique, nos organisations risquent d’être confrontées à l’automne à un dilemme. Comment mener campagne pour les élections sans être en concurrence puisque, dans le même temps, nous devrons absolument mener ensemble des batailles contre les premières attaques du nouveau gouvernement ? Il faut donc, dès maintenant, penser aux modalités qui permettront de surmonter cette difficulté.
Disons publiquement à CGT et Solidaires que nous souhaitons avancer, concrètement, vers un rapprochement du syndicalisme de lutte et de transformation sociale. Cela pourrait être une avancée décisive vers une unité plus générale du monde du travail. Disons fortement que nous voulons construire un outil commun ensemble !
Comment ? On peut commencer, par exemple, par la publication d’un appel commun à se syndiquer, par la mise en place de plus de stages communs de formation syndicale, par un appel aux équipes militantes des trois organisations à préparer, ensemble, les réunions d’instances lorsqu’elles y siègent ensemble. Enfin, par la mise en œuvre commune d’états généraux du syndicalisme de transformation sociale.
Dans cette période compliquée, un appel de CGT-Solidaires-FSU à construire ensemble un nouvel outil syndical, serait une réponse aux divisions qui nous affaiblissent. Ce serait un signal fort pour les salarié·es, les retraité·es, les privé·es d’emploi, les jeunes, pour résister aux attaques et construire les bases de la contre-offensive, ensemble et dans la durée.
Pour l’École Émancipée, dans cette période si particulière, ce congrès est un magnifique point d’appui pour installer cette nouvelle dynamique.
La FSU, avec sa synthèse et son pluralisme, est l’outil qu’il nous faut pour relever les enjeux et aller vers l’unification syndicale. Je nous souhaite à toutes et à tous un très bon congrès !