Selon la dernière évaluation de l’ONU, les engagements actuels des États mènent le monde vers un réchauffement de +2,7 °C. Dans son discours devant les ministres à Milan, le secrétaire général de l’ONU a insisté sur les enjeux : « Nous avons un pouvoir immense. Nous pouvons soit sauver notre monde soit condamner l’humanité à un avenir infernal ». Il a par ailleurs encouragé la jeunesse mobilisée derrière Greta Thunberg, à maintenir sa pression sur les gouvernements.
Malgré cela, la COP 26 de novembre prochain à Glasgow s’annonce comme un grand rendez-vous de « green-washers », riches et vaccinés. L’objectif « zéro émission nette » va certes être affiché dans tous les discours. Mais les dirigeant·es des grandes puissances mondiales sont toujours confit·es dans leurs certitudes sur les bienfaits du marché. Un changement profond de modèle économique et productif dans une visée de sobriété et de transformation des usages de l’énergie n’est clairement pas l’objectif poursuivi par la plupart. Un développement des mécanismes d’absorption ou de séquestration du carbone leur semble préférable pour continuer de remplir les poches des actionnaires, maintenant et à court terme, et tant pis si ça ne fonctionne pas en fin de compte… Les profiteur·ses d’aujourd’hui ne seront pas les payeur·ses de demain !
En France, sans surprise, le gouvernement ne prend toujours pas de mesures fortes non plus en la matière. La baisse du chômage conjoncturelle ne peut masquer les dizaines de plans sociaux subis par les travailleur·euses. Pas plus qu’elle ne peut effacer les millions de privé·es d’emplois et le renforcement de la précarité. La reprise économique ne profite pas à tout le monde. Les plus riches continuent de s’enrichir outrageusement quand les pauvres s’appauvrissent toujours plus. La manifestation des retraité·es du 1er octobre a mis en avant leur paupérisation et le refus structurel du gouvernement d’augmenter significativement les pensions.
La réforme de l’assurance chômage est entrée en vigueur au 1er octobre, avec des conséquences dramatiques sur le niveau d’indemnisation de certain·es chômeur·ses, au point que la réponse de Pôle emploi consiste à équiper progressivement ses agent·es de systèmes d’alarmes en cas d’agression.
La politique anti-sociale menée par le gouvernement entraîne une grande paupérisation d’une partie de la population : le gouvernement n’a pas anticipé la hausse du coût de l’énergie pour les foyers, ce qui aura de lourdes conséquences au quotidien. Par ailleurs, il poursuit une gestion erratique de la crise sanitaire, soufflant le chaud et le froid, choisissant d’alléger certaines mesures mais en laissant la porte ouverte ouverte à des excès de zèle pour d’autres (comme c’est le cas envers les Psy dans l’EN par exemple).
Mais la grande affaire médiatique du moment est la zemmourie en marche vers les élections présidentielles. Ce contexte est non seulement nauséabond, mais surtout très inquiétant. La folie médiatique est attisée par certains milliardaires d’ultra-droite qui utilisent les médias dont ils ont pris le contrôle pour promouvoir leurs idées. Les publications incessantes de sondages d’opinion à l’initiative des uns et des autres pour voir où ils se placent dans la course l’alimentent également. Les droites LR et LREM s’alignent pour ne pas être distancées dans ces sondages, qui semblent de plus en plus vus comme des prophéties auto-réalisatrices. Les candidat·es semblant dans leur grande majorité avoir conclu que l’élection présidentielle 2022 se ferait très à droite, sur des questions sécuritaires, ou d’immigration. Ce qui explique la multiplication de discours et d’actes xénophobes et répressifs de la part du gouvernement : réduction de 50 % de la délivrance de visas à l’Algérie et au Maroc et de 30 % à la Tunisie, insistance sur des obligations de contrôles beaucoup plus strictes dans le pacte migratoire européen encore en négociation, arrestation ciblée de militants sans papiers venus protester contre le sommet Afrique-France… De son côté, la gauche, fragmentée et illisible, non seulement n’offre à ce jour aucune perspective crédible de victoire possible, mais encore peine à résister à la radicalisation à droite du débat public.
Pendant ce temps, le gouvernement prend ses dispositions pour faire payer aux pauvres les mesures exceptionnelles qui ont permis pour une bonne partie de garantir les profits des riches durant la pandémie. Le projet de loi de finances 2022 annonce encore et toujours plus d’austérité pour les services publics. Des créations de poste à l’Intérieur, des suppressions au ministère de l’économie et des finances, et à la transition écologique. Tout le programme Macron s’y lit… Dupont-Moretti se réjouit de la hausse du budget de son ministère mais les agent·es de la PJJ ne la verront pas car elle ira pour la répression, les prisons, la surveillance. Des annonces en trompe l’œil sont faites sur le pôle ministériel transition écologique : de fait, les secteurs les plus touchés par les restrictions seront le logement, l’habitat, les transports…
Le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale n’est pas en reste. Il n’est pas de nature à répondre aux besoins déjà existants, mis en évidence et aggravés par la crise sanitaire (manque de personnels de santé, d’infrastructures hospitalières). Au contraire, sa présentation annonce des réformes structurelles qui seraient nécessaires pour le financement à venir de la Sécurité Sociale du leur point de vue libéral et comptable , telle celle des retraites ! Il défend des politiques restrictives du service public : moins de lits hospitaliers, plus d’ambulatoire ; maintien à domicile des personnes âgées dépendantes sans donner les moyens des aides nécessaires, pas de création de structures d’accueil pour les personnes en perte d’autonomie, simple rénovation bâtimentaire des Ehpad existants…, Quant au projet de loi Grand âge, il est réduit à la création d’une 5ème branche de la Sécurité sociale non financée pour la perte d’autonomie.
Le gouvernement continue aussi de compléter son arsenal répressif. La loi « responsabilité pénale et sécurité intérieure » a été adoptée le 30/9 en première lecture à l’assemblée nationale. Son orientation est clairement une augmentation de la pression pénale sur la population, pas d’améliorer le fonctionnement de la justice ni de protéger réellement les populations fragiles. La FSU doit surveiller de très près et analyser ce texte pendant le reste de son parcours législatif. Elle devra également continuer à combattre le « contrat d’engagement républicain » imposé par la loi ex « séparatisme », attentatoire aux libertés associatives, alors que la décision du Conseil d’État de valider la dissolution du CCIF « risque de faire jurisprudence, plaçant une épée de Damoclès au-dessus des associations de défense des droits et libertés » selon la LDH et « d’avoir un effet dissuasif sur les libertés d’expression et d’association des personnes qui travaillent dans le domaine de la non-discrimination en France » selon Human Rights Watch.
Avec le sommet France-Afrique qui s’est tenu début octobre à Montpellier , E. Macron a voulu donner un semblant de renouveau dans les relations entre l’Afrique et la France. Si la forme fut inédite, sur le fond, ce type de sommet n’est en rien une rupture avec la politique dite de Françafrique, que pratiquent sans discontinuité les gouvernements français. Exemple flagrant récent en date, lors du coup d’État militaire au Tchad en avril 2021, la France a manifesté sans retenue son soutien au Conseil Militaire de Transition mis en place par le fils du président défunt en dépit de la Constitution, ignorant la violence envers les manifestations contre cette prise de pouvoir, où la jeunesse, la même que celle à laquelle il donne gracieusement la parole lors de ce sommet, était réprimée. Le contre-Sommet , organisée par des mouvements associatifs et syndicaux -mais malheureusement pas par la FSU- a permis d’aborder les piliers de la Françafrique comme la domination économique (conférence sur l’aide publique au développement et conférence sur le FCFA) et la présence militaire, mais aussi les migrations, les résistances (Sankara et la panafricanisme) et l’actualité des racines coloniales qui irriguent ces politiques (conférence sur l’anticolonialisme et la pensée décoloniale).
Une nouvelle enquête internationale de journalistes vient de sortir sur l’évasion fiscale. La FSU doit se saisir de cette actualité pour communiquer à destination des personnels. Attac a lancé une campagne « Prélèvements à la source » et mis en place un observatoire de la fiscalité. La FSU, membre fondateur, doit continuer de s’associer à toutes les actions qui se mènent sur le sujet. Ce refus de paiement de l’impôt entraîne des ravages en termes de financement des services publics. Cela constitue à la fois un appauvrissement des plus pauvres qui n’est pas médiatisé, et un frein à une augmentation de la rémunération des agent·es.
La défense des services publics peut également être un élément fédérateur entre usagers et agents car l’ensemble des territoires sont touchés et la précarité touche maintenant tous les ministères.
Et si sur le plan politique, la question électorale va peser inévitablement dans les débats, cela ne doit pas être paralysant. Sans la volonté du mouvement social, les questions sociales, féministes, anti-racistes et écologiques ne s’imposeront pas toutes seules dans le débat public. Le mouvement syndical a la responsabilité de remettre les questions sociales au centre des préoccupations des travailleur·euses, en imposant ces débats sur les lieux de travail, en reconstruisant les collectifs, en élaborant des revendications communes. Cette étape, « au plus près » des travailleur·euses, est une étape indispensable pour construire un mouvement social de poids et donner des perspectives d’action ultérieures. C’est en partant des préoccupations du terrain que nous pouvons bouleverser le paysage social.
L’examen au parlement de la loi de finances, dont les premières analyses montrent son ancrage néolibéral, peut être une échéance interprofessionnelle après la première journée de mobilisation du 5 octobre qui montre le poids de l’interpro pour construire le rapport de force.
Dans le secteur de l’Éducation nationale, il faut continuer à ériger l’expérimentation à Marseille en symbole de l’ensemble de la politique de Blanquer/Macron. Cela passe par des actions visibles à portée nationale, comme c’est le cas du meeting du 12/10 avec les SG des syndicats sur ce sujet, ou des actions contre la loi Rilhac. La journée de mobilisation du 23 septembre n’a pas permis de mettre une majorité de collègues dans l’action, Pourtant, jamais la situation dans l’éducation n’a semblé aussi dégradée : les collègues réalisent la lente entreprise de déstabilisation et de déréglementation de l’école publique en cours. Toutes ces revendications ont par ailleurs bien été relayées par les médias qui ont permis de mettre en relief les carences et les difficultés du secteur. Il convient désormais d’envisager une autre date de mobilisation, plus lointaine (pour avoir le temps de la construire dans les salles des profs et des maîtres·ses) et de l’annoncer bien en amont pour se projeter et créer une dynamique.
Il convient donc de s’appuyer sur des intersyndicales larges et les collectifs locaux « Plus jamais ça ». En effet, pour mener la lutte urgente contre les effets du dérèglement climatique, et traiter en même temps des questions sociales, le cadre PJC correspond à ce que porte la FSU. La recherche de l’unité la plus large, y compris ponctuellement avec des formations politiques progressistes, doit rester un souci constant.
Face au projet de société global du néo-libéralisme, la réponse du mouvement social ne doit pas se cantonner à un aspect purement sectoriel mais doit tisser des liens. Lien entre justice sociale et lutte contre le réchauffement climatique, lien entre domination capitaliste et patriarcat, etc. S’engager dans les mobilisations à venir (COP 26, lutte contre les violences faites aux femmes…) permettra de construire et de renforcer l’opposition résolue au gouvernement, et d’imposer nos idées et projets dans le débat public de la campagne présidentielle. A l’occasion du 25 novembre, journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes, la FSU doit s’impliquer dans toutes les mobilisations et à leur construction dans les cadres unitaires avec les autres organisations syndicales et les associations féministes partout en France. La FSU doit appeler ses adhérent·es à y participer. La construction d’une riposte nationale et internationale aux formes les plus brutales de l’oppression des femmes est un élément important dans l’indispensable réponse idéologique à l’extrême droite.
Prendre toute notre part dans la construction d’un mouvement social fort permettra de lutter contre l’offensive libérale et contre la montée des idées d’extrême-droite mais aussi de travailler à une alternative politique de transformation sociale.