Intervention d’Arnaud Malaisé
La situation sociale n’est pas des plus simples à attraper, l’introduction de Benoit l’a bien montré.
Néanmoins, lors des prochaines semaines, notre syndicalisme peut agir et contribuer à bousculer ce qui pourrait apparaître comme inéluctable.
De la montée électorale de l’extrême-droite au décuplement de l’austérité budgétaire combiné à l’aveuglement dans le dogme d’une fiscalité au seul profit des plus riches, s’appuyant sur un rejet violent des pauvres comme des privé·es d’emploi, en passant par la profonde remise en cause de l’école, en forme de changement complet de paradigme, une école qui perdrait toute visée émancipatrice pour l’ensemble des élèves.
Le choc des savoirs marquerait en effet la fin du caractère universel du service public d’éducation. Et ce pour l’ensemble du système éducatif, au-delà de la seule exacerbation du tri social durant le collège avec les groupes de niveaux.
La logique de Parcoursup et le renoncement à toute démocratisation de l’élévation de qualification et de culture commune viendraient ainsi s’inviter non seulement à la fin du collège avec le couperet du brevet ou à la fin du primaire avec la détermination de quel élève dans quel groupe mais également tout au long de la scolarité, dès la maternelle.
Pour l’empêcher, une effervescence de mobilisations a débuté par la très belle grève du 1er février qui a permis d’obtenir très rapidement une première victoire avec le départ d’Oudéa Castera. Cette séquence est marquée également par une démultiplication des mobilisations locales, liées à la carte scolaire et aux DHG, mais pas uniquement, l’idéologie contenue dans les groupes de niveau au collège est un élément fort et symbolique de cette dynamique. Et, en miroir, c’est bien son rejet massif qui fragilise le pouvoir. Nous avons remporté ainsi quelque part la bataille culturelle sur le fond, obligeant à un maquillage grossier par la formulation euphémisée de groupes de besoins.
Dans la continuité des affaires de symbole, la mobilisation du 93, en lutte depuis la rentrée des vacances d’hiver autour de l’exigence d’un plan d’urgence et du rejet du choc des savoirs. Cette mobilisation est inspirante, même si elle n’est pas réplicable à l’identique. Aucun autre département hexagonal ne vivant une école aussi ségréguée et démunie, et c’est tant mieux…
Pour poursuivre dans une forme d’objectivation du réel, il faut également prendre en compte le petit flop de la grève du 19 mars. Cette mobilisation Fonction publique, centrée sur les seuls salaires, a été très mitigée dans l’éduc (et très parcellaire ailleurs) avec un nombre de grévistes divisés par deux dans le second degré et par trois dans le premier degré comparé au 1er février.
On voit bien les difficultés réelles à mobiliser les personnels malgré le travail de décryptage engagé et une intersyndicale éduc très large, mais, durant ce printemps, il nous faut éviter un attentisme, ou une résignation militante, qui autoriserait cette réforme à passer et à s’appliquer dès la rentrée prochaine.
L’enjeu du CDFN c’est bien de partir de cette situation pour étoffer et dessiner un véritable plan d’action pour demain, au-delà de la simple, mais indispensable, proposition d’une manif nationale en mai avec les parents.
Il s’agit bien d’essayer de mutualiser les pratiques militantes locales qui pourraient infuser pour réussir à dynamiser l’ensemble des départements.
On pourrait imaginer de rééditer des mobilisations au retour de chaque zone de vacances de printemps sur la thématique « on ne fait pas la rentrée avec ce choc des savoirs et l’absence actuelle de moyens ».
On pourrait également imaginer une date de grève nationale à la mi-mai, posée unitairement et le plus rapidement possible, une forme de 7 mars 2023, mais en mai 2024 et où on gagne à la fin, une journée où on arrêterait l’école partout et où on se donnerait les moyens de prolonger cet arrêt avec une reconduction nationale de la grève déjà posée pour la semaine suivante. Une reconduction basée sur une forme d’ultimatum exigeant un abandon des mesures du choc des savoirs doublé d’un choc des moyens.
Il nous faudra surmonter le petit hiatus premier/second degré qui se traduit aussi dans les rythmes de mobilisation : la journée de grève d’aujourd’hui se limite nationalement au second degré avec néanmoins des départements où la FSU appelle à la grève dans toute l’éduc. Le rejet des groupes de niveau est un levier sur lequel continuer de s’appuyer. Pour autant il apparaît indispensable d’amplifier le travail de terrain de conviction et de mobilisation pour montrer la cohérence, l’ampleur, la radicalité, la violence… de chaque mesure du choc.
Dernier élément indispensable, la dynamique actuelle des mobilisations rassemblant nombre de parents d’élèves reste à amplifier partout en démultipliant les événements locaux tout en leur donnant un cadre national, la perspective d’une manifestation nationale pouvant être ce chapeau.
En plus de préparer la bagarre contre la future loi Fonction publique, loi qui mettrait à mal, au-delà de la seule éducation, tous les personnels et donc la totalité des services publics, il nous faut attraper ensemble une stratégie de mobilisation fédératrice dans l’éduc.
Une stratégie qui tienne compte du réel mais surtout, cette réforme étant inacceptable, une stratégie volontariste pour gagner.