Contribution aux débats du conseil national de la FSU-SNUipp 12 et 13 mars 2024
« Depuis 2020, les cinq hommes les plus riches du monde ont doublé leur fortune. Au cours de la même période, près de cinq milliards de personnes se sont appauvries. », indique le dernier de rapport d’Oxfam. « En faisant peser la pression sur les travailleurs et les travailleuses, en évitant l’impôt, en privatisant l’État et en participant grandement au réchauffement climatique, les grandes entreprises creusent les inégalités et contribuent à gonfler toujours plus la fortune de leurs riches propriétaires. »
Les 1 % les plus riches, émettent plus de CO2 que les deux tiers les plus pauvres de l’humanité et les plus durement touchés par la crise climatique. Les capitalistes non seulement vivent au-dessus de nos moyens, mais ils ont une part prépondérante dans les dérèglements du monde dont les peuples sont les victimes. C’est de fait àune véritable guerre à laquelle ils s’adonnent pour maintenir leurs privilèges malgré son coût social, environnemental et humain.
Et cette guerre n’a rien de métaphorique. Le comité international de la Croix Rouge rappelait en 2020 que sur les vingt pays considérés comme les plus vulnérables au
changement climatique, douze se trouvent en situation de conflit armé.
Dans un contexte de raréfaction des matières premières, de pressions climatiques sur les populations, les situation de guerre augmentent ainsi que la montée des courants politiques de droite extrême ou d’extrême-droite porteursde discours belliqueux et antisociaux. La guerre en Ukraine dure depuis maintenant 2 ans. Elle est emblématique, tant par ses motivations – conquête de territoires stratégiques par la Russie – que par ses conséquences économiques – envolée du cours du blé qui a participé de l’inflation en Europe et de situations de pénurie conduisant à la famine dans certains pays du Sud.
Les effets du conflit sur une possible victoire de Trump, tout comme celles des extrêmes droites en Europe, montrent l’intrication des dimensions géopolitiques et de politiques intérieures. En Argentine, se mettent en place des réformes ultralibérales, violentes sous fond de logiques d’un régime dictatorial. Au Moyen-Orient, alors que la bataille pour l’accès aux ressources en eau est un des éléments explicatifs des campagnes de colonisation de la Palestine par Israël, Netanyahou à la tête d’un gouvernement intégrant l’extrême-droite mène une guerre aux accents génocidaires.
En France, Macron n’est pas en rupture avec cette logique générale. Tout en renonçant à toute ambition climatique, il réprime les mobilisations des militant·es écologiques et mène une guerre contre les pauvres avec ses mesures sur l’assurance-chômage ou le RSA. Ses interventions contiennent tout un champ lexical martial. Cette stratégie de communication, empruntée à l’idéologie ultra-droitière, viriliste avec l’emploi de « réarmement démographique », révèle un projet politique qui nous accoutume à l’idée de la guerre. Guerre sociale, après la réforme des retraites et la poursuite des politiques austéritaires.
Faire face aux politiques austéritaires
Pour résorber le déficit de l’État, le gouvernement fait le choix de l’austérité et des économies sur les domaines comme l’écologie, les solidarités, le logement, l’accompagnement à l’emploi, la recherche et l’éducation Après avoir dévoilé son plan à dix milliards d’euros d’économies, le gouvernement prépare les esprits à de nouvelles coupes sévères dans le budget de l’Etat.
Il aurait pu choisir de faire rentrer des recettes plus importantes en reprenant les cadeaux fiscaux faits aux grandes entreprises et en réintroduisant l’impôt pour les plus grandes fortunes. Depuis 6 ans, le gouvernement a organisé la suppression de l’ISF (5 milliards), flat tax (3 milliards) – qui permet aux contribuables les plus riches de faire des économies substantielles d’impôts – le CICE (le crédit d’impôts pour la compétitivité aux entreprises, 20 milliards), la baisse des impôts de production (10 milliards), et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE, plus de 10 milliards), crédit impôt recherche (6 milliards)…
Bref, de l’argent, il y en a ! Et pas d’inquiétude, les plus riches et les grandes entreprises se portent très bien. Celles-ci ont encore vécu une année record en profits et dividendes. 153,6 milliards d’euros pour les principaux groupes français l’an dernier. Les dividendes comme les rachats d’actions atteignent des montants inégalés (67,8 et 30,1 milliards d’euros).
Ce gouvernement, élu par défaut, assume donc de mener une politique antisociale, écocide, au mépris de l’intérêt général du pays en sabordant le financement des Services Publics. Moins de retraite, moins de santé, moins de droits sociaux, moins d’écoles pour le peuple et toujours plus de cadeaux pour la minorité qui s’enrichit et pollue impunément. c’est la signature du gouvernement. Ces mesures n’affecteront pas la classe dominante, celle qui décide et accumule les primes, elles sont une attaque contre tous·tes les autres et un abandon des plus défavorisé·es. Une guerre des riches contre les pauvres !
Dans le contexte inflationniste, cette politique de rigueur et les 10 milliards d’économies sont le symbole d’un gouvernement totalement décomplexé et autoritaire. Il passe, hors vote et par voie réglementaire, un plan d’économies, alors que le budget pour 2024 a été adopté quelques semaines auparavant.
Une autre politique est possible, un autre budget également. Et tout cela doit être porté haut et fort le 19 mars et après ! A l’heure où les instances de carte scolaire se tiennent, il est urgent de revendiquer un plan d’urgence pour l’école et les services publics en général.
Mettre à nu une politique éducative ségrégative et réactionnaire
Cela fait maintenant plus de 20 ans que les politiques éducatives dominantes conjuguées à un sous- investissement chronique ont conduit concomitamment à une dégradation des conditions d’exercices des métiers de l’éducation et à une exacerbation d’inégalités scolaires socialement déterminées.
Si elles ont été profondément marquées d’une logique néo-libérale, dissimulant derrière l’illusion de « l’égalité des chances » un asservissement de l’école à l’employabilité économique (50% d’une classe d’âge à bac –3, 50% à bac +3), ces politiques se sont radicalisées depuis l’arrivée de Blanquer. Elles assument de plus en plus des mesures réactionnaires conniventes avec les droites les plus extrêmes (laïcité excluante et islamophobe, « antiwokisme », abaya, autoritarisme…).
Le port de l’uniforme, qui fut une proposition de loi formulée par les Républicains et rejetée en commission par l’Assemblée Nationale pour finalement être examinée lors de la niche parlementaire du RN en janvier 2023, fait partie aujourd’hui des mesures du choc des savoirs.
Mais le fait le plus marquant réside dans l’abandon explicite du consensus établi entre 1945 et la fin des années 90 ayant conduit à une augmentation générale du niveau scolaire. À l’œuvre depuis le début des années 2000, il est aujourd’hui revendiqué. « Le taux de réussite au brevet et sans doute au bac diminuera dans les années à venir. J’en ai conscience et je l’assume. », disait Gabriel Attal lors des annonces choc des savoirs.
Recours au redoublement ou aux groupes de niveau – dont la recherche a montré qu’ils augmentaient les inégalités scolaires et le caractère socialement déterminé des destins scolaires – promotion de compétences de bas niveau ou réécriture des programmes d’EMC (qui en renforce le caractère normatif et autoritaire) ne sont pas que des gages donnés aux franges les plus réactionnaires de la société. Ce sont des armes supplémentaires pour garantir des curricula ségrégués selon l’origine sociale. D’un côté, un parcours scolaire restreint, soumis à une employabilité limitée au plus bas de l’échelle sociale, de l’autre, des cursus permettant d’accéder à l’ensemble des savoirs garantissant la pérennité de l’accès aux places dominantes dans la société. La lutte des classes a bien lieu en classe, et le gouvernement actuel, comme sous Jean-Michel Blanquer, fait des pratiques enseignantes le champ de cette bataille.
Mais il y a une bonne nouvelle. Face à cette radicalisation des politiques éducatives, on observe le rassemblement de l’ensemble des forces de progrès, lucides sur l’exacerbation du tri social qui s’opère. Le collectif Riposte en éducation rassemble plus de 130 chercheur·es, l’arc syndical du SGEN à Sud éducation, les mouvements pédagogiques et les associations complémentaires de l’école. Il se donne comme objectif la tenue d’un Grenelle alternatif « pour relever le défi d’une école plus égalitaire, pour former des citoyennes et des citoyens de demain éclairé·es, à même de relever les enjeux majeurs posés par les crises climatiques, démocratiques, sociales qui pèsent sur nos sociétés ». Les tribunes se multiplient condamnant les orientations ministérielles. L’intersyndicale premier degré au complet appelle à l’abandon des évaluations nationales. De plus, le front de soutien au ministère se lézarde. Fait symptomatique, des membres influant du CSEN, dont Yann Algan qui fut l’une des deux figures du Grenelle de l’éducation, viennent de le quitter pour contester les mesures du choc des savoirs.
Il y a là une fenêtre d’opportunité pour réengager la bataille culturelle, remettre au premier plan une vision progressiste et émancipatrice de l’école après des années de discours médiatiques saturées d’idéologie de droite. Cette bataille n’est pas simple. Elle implique de faire vivre des cadres unitaires, de mener campagne localement, auprès des personnels et des usager·es de l’école. Mais elle est indispensable pour renforcer la légitimité de nos revendications, qui sont des revendications pour le bien commun. Et elle est plus facile dans un contexte de mobilisation.
Des luttes qui ouvrent des possibles
Le 8 mars et ses cortèges fournis montrent que les questions sociétales rassemblent et mobilisent. L’inscription de l’IVG dans la constitution, gagnée suite à une longue lutte féministe a infusé dans toute la société, et est le signe que les combats peuvent mettre du temps à aboutir. Il ne faut rien lâcher et continuer notre travail de conviction auprès de nos collègues et de la population. Nous devons nous appuyer sur tous les mouvements pour d’abord réussir et installer les suites du 19.
Les boycotts des instances lors des opérations de carte scolaire, les mobilisations associant parents d’élèves, élu·es, citoyen·nes ont lieu ou ont eu lieu sur tout le territoire pour dénoncer les fermetures de classes. Ce choix va encore aggraver nos conditions de travail déjà mises à mal. La colère monte et les mobilisations, en résonance avec les alertes sociales qui avaient été déposées, participent de cette dynamique.
L’administration, de plus en plus décomplexée, ne cache plus son mépris vis-à-vis des représentant·es des personnels et de leur expertise. Les IEN sont réduits au rôle de communiquant orwellien en vantant les politiques ministérielles alors que tout le monde voit que le vernis craque… Problèmes de remplacements, postes supprimés, RASED sacrifiés, classes surchargées… personne n’est dupe !
Le choc des savoirs est aussi un catalyseur : la mobilisation dans le 93 dès le retour des vacances est emblématique. Certains secteurs, en grève à près de 90% mettent la pression sur la ministre en liant les problèmatiques budgétaires et les politiques éducatives. A nous de maintenir la pression.
Nous devons nous appuyer sur toutes ces colères pour obliger le gouvernement à revoir sa copie. Expliciter, rendre visibles les possibles ! Rendre accessibles nos revendications et contrer cette petite musique instaurée par le pouvoir en place qui ne cherche qu’à garder sa place de privilégié.
Pour cela, il faut réussir le 19 mars dans une dynamique fédérale, pour contrer les attaques contre l’école et l’ensemble des services publics. Agir pour réunir les conditions d’une reconduction à partir du 25 mars. Développer un activisme militant le plus localement possible, en s’appuyant sur les réseaux les plus mobilisés. Multiplier réunions publiques, espaces de rencontres pour permettre les prises de conscience et les convergences.
La réussite de l’extension de la mobilisation et de son ancrage n’est pas garantie, mais c’est un passage obligé pour contrecarrer la politique mortifère du gouvernement. Et rien n’est impossible si l’on arrive à tisser les liens entre les secteurs mobilisés, à créer des dynamiques unitaires, s’appuyant sur une campagne volontaire de terrain.
Deux salles, deux ambiances une seule politique
53 km d’autoroute, 300 hectares artificialisés… pour permettre de gagner 20 minutes entre Castres et Toulouse. En 2024, voilà le type de projet qui devrait heurter toutes celles et ceux qui se disent préoccupé·es par les conséquences dramatiques du réchauffement climatique. 53 km concédés au privé pour qu’il puisse racketter les usager·es. 6,77 euros les 53 km.
61 % des habitant·es du Tarn et de la Haute-Garonne sont opposé·es à ce projet et 1 500 scientifiques ont pris position contre. Pourtant, face aux diverses mobilisations, l’État a fait un usage massif de grenades, y compris LBD, a blessé des personnes, a mis le feu à des pneus pour déloger les militant·es qui occupaient les arbres menacés par le projet.
Dans le même temps, s’est développée une mobilisation des agricultrices et agriculteurs. Iels ont bloqué des autoroutes, déversé des tonnes de lisier et de déchets sur la voie publique, dégradés des bâtiments publics. Mais iels ont surtout bénéficié de la compréhension et du soutien de Gérald Darmanin, pourtant prompt à qualifier toute action sortant du cadre légal de « terroriste » ou éco-terroriste ».
A la sortie de cette séquence, les opposant·es au projet autoroutier ont été vaincu·es et réprimé·es, les partisan·es d’une agriculture continuant à utiliser massivement les produits phytosanitaires ont été encouragé·es et ont gagné.
Quelles conclusions en tirer ? D’abord que le caractère légal ou pas des mobilisations n’est pas un critère du ministère de l’intérieur, mais un argument rhétorique et politicien. Ensuite, que pour le gouvernement, les intérêts privés et capitalistes passent avant l’intérêt général. Les décisions prises, portent la marque d’une politique qui prolonge des modèles de transport ou d’agriculture néfastes.
S’il fallait un argument supplémentaire de l’irresponsabilité écologique du gouvernement, il suffit de regarder les coupes budgétaires qui réduisent les crédits aux particuliers pour rénover les habitations ou « le fond vert » devant aider les collectivités locales à rénover les bâtiments publics, notamment scolaires.
Nos victoires sont faites de leurs reculs
Presque 50 ans après la loi Veil, l’inscription de l’IVG dans la constitution française, 1ère mondiale, constitue une avancée significative pour toutes les femmes qui se battent pour obtenir ce droit et son effectivité dans le monde. Conquête d’autant plus importante que ce droit reste fragile et menacé dans plusieurs pays et que les anti-IVG mènent une fronde active. Si la constitutionnalisation ne résout pas tout, notamment l’accès effectif à ce droit, c’est une victoire idéologique capitale pour la suite.
La longue conquête du droit à l’IVG en France, initiée par le MLAC a connu des relâches avec des priorités données à d’autres combats et s’est réactivée en 2014 avec la création du collectif « Avortement en Europe les femmes décident » en solidarité avec les femmes espagnoles.
De manière générale le renouvellement du féminisme à la fois dans ses structurations très diverses (collectifs, AG féministes, IS…), l’élargissement de ses combats (intersectionnalité, LGBTQI+, nouveaux sujets…), comme de ses répertoires d’action (Rosies,#Metoo…) a permis de redonner une visibilité aux questions féministes dans l’espace médiatique et imposé leurs inscriptions sociétales.
L’évolution des grilles d’analyse des rapports de domination patriarcale avec la prise en compte des discriminations intersectionnelles qui en découlent comme l’imposition de mots nouveaux dans le langage courant (écriture inclusive, féminicides, culture du viol…), bousculent les schémas de pensée mais aussi les pratiques militantes. Le féminisme traversé par une forme de radicalité et d’ une volonté de s’adresser au plus grand nombre montre une voie de lutte à la lumière d’un renouvellement générationnel et des chiffres de mobilisation qui augmentent chaque année.
Patiemment mais avec détermination, alors que la marche semblait très haute, les féministes ont réussi à faire de l’inscription de l’IVG dans la constitution un combat partagé avec presque 9 français·es sur 10 favorables. Elles ont su inverser la tendance dans le champ politique obligeant les député·es et sénateur·rices initialement hostiles à voter pour l’inscription de l’IVG dans la constitution.
Persévérance, radicalité et articulation des différentes composantes du mouvement social : OS, associations, société civile, conception politique sont des pratiques du mouvement féministe qui ne peuvent que nous inspirer dans nos luttes et autres combats à mener.
Gaza, tombeau du droit international
Depuis 1947, la colonisation sioniste défie le droit international : non-respect des résolutions de l’ONU dont celle de 1967, blocus à Gaza, système d’apartheid…
Le 7 octobre, les crimes de guerre commis par le Hamas, et pour lesquels ses dirigeant·es doivent être jugé·es, ont ouvert la porte à une négation totale des droits des palestien·nes : un nettoyage ethnique est en cours à Gaza.
L’Afrique du Sud a saisi la Cour Internationale de Justice pour génocide. Les juges ont reconnu la situation et exigé l’entrée immédiate de l’aide humanitaire et « de punir et prévenir » toute incitation génocidaire.
Les violations sont d’importance. Le droit international humanitaire permet les évacuations temporaires et interdit les transferts forcés de population. L’État israélien largue en pleine mer l’aide humanitaire quand il ne bombarde pas des distributions. Il n’hésite pas à remettre en cause l’Unrwa qui gère les réfugié·es palestinien·nes. Une volonté délibérée de s’affranchir de toute règle.
La communauté internationale est paralysée : les USA sont bloqués entre soutien historique, place au Moyen-Orient et élection présidentielle, l’Europe est inaudible géopolitiquement. La Russie et la Chine se frottent les mains.
Il n’y a aucune naïveté à avoir sur le droit international. Il est la photographie d’un rapport de force : le droit de véto à l’ONU tout comme les difficultés de la Cour Pénale Internationale l’illustrent. Ce droit n’est pas totalement au service des peuples et n’a pas empêché son lot d’atrocités depuis 1945. Malgré cela, son respect et celui des résolutions de l’ONU tracent une perspective minimale et rassembleuse. Car la remise en cause de ce « minima » est la porte ouverte au pire.
Ce qui se joue aujourd’hui, c’est l’effondrement total du droit international protégeant encore un tant soit peu les populations. Et au vu de ce que cela augure, il est nécessaire de mettre toutes nos forces pour que cela n’advienne jamais.