Est-ce la résurgence du mot d’ordre d’organisations de gauchistes échevelés ? Hélas non, pour le moment, c’est surtout celui de l’ordo-libéralisme échevelé porté et mis en œuvre par le gouvernement jupitérien de la France… Ce n’est pas une surprise, il n’y avait pas de bon choix à faire en matière économique et sociale en mai en France et la transformation sociale « en marche » va clairement vers encore plus d’inégalités et encore moins de protection des plus faibles.
Des politiques analogues au service des plus riches sont menées pratiquement partout dans le monde. Avec le magnifique résultat qu’a (de nouveau) analysé le dernier rapport annuel d’Oxfam, paru le 22 janvier dernier : 42 personnes dans le monde détiennent à elles seules autant que les 3,7 milliards de personnes les plus pauvres. Le nombre de milliardaires (en dollars) a connu l’année dernière sa plus forte hausse de l’histoire ! Mais on n’ira pas en déduire qu’il s’agit là d’une réussite de politiques de lutte contre la pauvreté, puisque 82 % de la croissance des richesses créées dans le monde l’année dernière ont bénéficié aux 1 % les plus riches, alors que la situation n’a pas évolué pour les 50 % les plus pauvres…
Il est temps pour l’humanité de stopper cette course folle et destructrice à l’accumulation sans fin par quelques-uns au détriment de tous les autres et de l’habitabilité de la planète pour les générations futures. Ne faudrait-il pas poser clairement qu’au-delà d’une certaine limite (à définir démocratiquement), la richesse est plus un facteur de nuisance que d’utilité sociale ? Même la métaphore des premiers de cordée chère à Emmanuel Macron contient des limites inhérentes : en montagne, personne ne monte plus haut que le sommet défini par la nature, et le premier de cordée n’est jamais loin des autres, dont il dépend pour sa survie !
Le désespoir social grandit en France comme partout, mais il est naturellement moins violent chez celles et ceux qui ont encore un emploi à peu près stable, ou très stable, comme en moyenne 80 % des agent-es de la Fonction publique, qui se sentent finalement un peu privilégié-es en dépit des reculs. Ce qui explique peut-être en partie la difficulté de les mobiliser, même sur des questions professionnelles ou de rémunération, malgré la grogne. D’où l’importance pour les syndicats de transformation sociale non jupitérienne, et en particulier pour la FSU, de travailler dans des collectifs plus larges pour en sortir des alternatives à proposer qui pourraient mobiliser les collègues plus largement « en positif » plutôt que de manière défensive. La victoire à Notre-Dame-des-Landes — qui reste à conforter en obtenant que l’agriculture industrielle ne vienne pas y remplacer les zadistes et leur modèle alternatif de société — en est un exemple qui donne un peu d’espoir à toutes celles et tous ceux qui luttent « contre Vinci et son monde ».
Souhaitons donc que ce soit cette transformation sociale-ci qui l’emporte, et vite, sur celle-là !
Claire Bornais