« Ne parlez pas de répression ou de violences policières, ces mots sont inacceptables dans un état de droit ». Ainsi s’exprimait en mars Emmanuel Macron, en réponse à un étudiant qui l’avait interpelé lors du grand débat. Ce ne sont pas les mots qui sont inacceptables, mais bien les faits ! Et la violence d’état, elle s’exerce de maintes façons.
– S’il faut dénoncer les violences, alors demandons-nous ce qui est le plus violent : décrocher un portrait du président Macron ou le fait qu’un-e retraité-e doive fouiller les poubelles pour survivre ? La violence, elle est d’abord sociale ! 9 millions de personnes vivent en France sous le seuil de pauvreté ! 566 SDF sont mort-es dans la rue en 2018, dont 13 enfants ! Demandons-nous qui sont les vrais casseurs ? Qui détruit les solidarités ? La protection sociale ? Les services publics ? Les droits des salarié-es ? Les acquis du Conseil national de la Résistance ?! Ce sont bien les politiques mises en œuvre par le gouvernement !
– La violence, elle est aussi symbolique, avec de la part du clan Macron, de façon répétée, des discours méprisants pour celles et ceux « qui ne sont rien » et qui « coûtent un pognon de dingue » !
– La violence, elle est dans les mensonges du gouvernement, autre forme de mépris. Mediapart en a recensé un certain nombre : « un chômeur sur cinq gagne plus que dans son travail précédent ; le chlordécone n’est pas cancérigène ; l’État-major n’a jamais imaginé rendre hommage au maréchal Pétain ; des armes françaises ne sont pas utilisées contre des civils dans le conflit au Yémen ; Geneviève Legay n’a pas été en contact avec des policiers… »
– La violence est présente dans les tribunaux, avec des comparutions immédiates sous des motifs parfois fallacieux. En particulier, la « participation à un groupement en vue de… » permet de s’appuyer sur des intentions présumées, et cette justice prédictive donne lieu à des condamnations ubuesques.
– Enfin, la violence policière s’exerce de façon de plus en plus systématique et brutale à l’égard des manifestant-es. Aujourd’hui, les Gilets jaunes sont confronté-es à la même répression que les habitant-es des quartiers populaires, ou les syndicalistes défilant contre la loi travail ! Contrôles arbitraires, humiliations, violences injustifiables… divers bilans chiffrés en rendent compte. Le 1er mai un nouveau cap a été franchi à Paris, avec des charges policières visant les cortèges syndicaux !
Il ne s’agit pas de bavures individuelles, mais bien d’un dispositif pensé, d’une stratégie délibérée de la tension et de la peur provoquant l’affrontement. Il faut à tout prix faire taire la contestation, discréditer le mouvement social et dissuader de manifester.
Certes, il est une minorité de manifestant-es qui commettent des dégradations. Mais je voudrais citer Sartre préfaçant Les Damnés de la Terre de Frantz Fanon : « Quels instincts ? Ceux qui poussent les esclaves à massacrer le maître ? Comment l’Européen n’y reconnaît-il pas sa propre cruauté retournée contre lui ? La sauvagerie de ces paysans opprimés, comment n’y retrouve-t-il pas sa sauvagerie de colon ? »
Ce sont bien les forces de l’ordre qui ont causé des blessures graves : manifestant-es éborgné-es, mutilé-es, traumatismes crâniens avec séquelles… y compris en ayant recours à des pratiques jusque là proscrites, telles les voltigeurs, ou les chiens démuselés… Et ceci en toute impunité ! Aucune procédure judiciaire contre des policier-es n’a pour l’instant débouché sur des poursuites. Au contraire, on distribue même des médailles à celles et ceux qui ont évacué la ZAD de Notre Dame des Landes !
Tout cela constitue une restriction gravissime du droit de manifester, liberté fondamentale en démocratie ! Mensonges et répression sont les deux versants de ce scandale d’état qui grossit, et que nous ne devons pas accepter ! Écoutons Jean-Marie Delarue, président de la CNCDH : « S’il n’y a pas de voix qui s’élèvent pour incarner ce que nous prétendons être, [c-à-d le pays des droits humains], il n’y a aucune raison pour que la France résiste mieux que les autres pays à la tentation de renoncement à nos grandes libertés, à laquelle les gouvernements successifs ont déjà en partie cédé. »
Le mouvement syndical doit dénoncer clairement ces atteintes aux droits et libertés, ces graves reculs démocratiques. Il doit notamment exiger la création d’un organisme de contrôle de la police indépendant du pouvoir exécutif. Nous devons agir et nous exprimer fortement, afin de dépasser la rage de l’impuissance.