Il y a un rapport étroit entre le « pacte de compétitivité » et « l’acte 3 de la décentralisation ».
Les deux traduisent la volonté gouvernementale d’avancer plus loin dans la réforme du modèle social
et économique français. Les réformes – réduction des dépenses publiques ; fiscalité ; privatisation et externalisations ; nouveau management public ; décentralisation et déconcentration ; flexibilité et réduction
du coût du travail – forment en réalité un tout qui est la recherche, longue – les résistances sont fortes –
mais obstinée, de l’adaptation du modèle social français issu de la guerre à la mondialisation « heureuse »,
à sa concurrence libre et non faussée, à la compétition entre toutes et tous
(individus, territoires, modèles sociaux, entreprises, universités…).
Les réformes ne datent pas d’hier ! Si, au niveau mondial, c’est le tournant de 75 qui, a posteriori, s’impose avec les avants garde thatchériennes et reaganiennes, en France, c’est 1983 qui marque l’entrée, tardive pour cause de victoire de la gauche en 1981, de notre pays dans cette course sans fin. Les mots d’ordre en sont connus, les modalités spécifiques à chaque formation sociale, les affrontements violents (mineurs en Grande Bretagne, contrôleurs du ciel aux USA…), les théoriciens – l’école de Chicago, les néo-libéraux – efficaces.
La France résiste, son organisation centralisée, sa fonction publique (ses trois versants et son statut), sa protection sociale, son code du travail et les capacités de mobilisation de syndicats, pourtant réputés divisés et faibles, rendent à nos gouvernements successifs la tâche difficile. Sarkozy en sera l’ultime victime.
Mais le mal ronge, les freins n’empêchent pas la machine, sous l’impulsion de l’Europe de Maastricht et du TCE, d’avancer pas à pas. Le gouvernement Ayrault, on le sait désormais de façon claire et explicite, est décidé, avec l’avantage que lui confère la menace de la crise, l’échec de la droite et son image de gauche, à faire ce que la droite n’a pas réussi. Car « There is no alternative » ! Qui a écouté Cahuzac dans le débat face à Mélenchon, sait désormais que le projet est clair, déterminé, assumé et argumenté.
Pour le monde du travail, ce sont les négociations sur la flexibilisation du travail, après le pacte de compétitivité, qui sont décisives. En attendant la loi, notons que la présidente du MEDEF se félicite : l’accord « marque l’avènement d’une culture du compromis après des décennies d’une philosophie de l’antagonisme social. Avec le CICE [crédit d’impôt compétitivité-emploi] et avec cet accord, la France peut espérer amorcer des progrès significatifs pour reconquérir sa compétitivité ».
Il serait tout à fait erroné de ne pas considérer que ce qui se joue sur « l’acte 3 de la décentralisation » relève, dans son champ, de la même importance et participe du même combat. Une fois ces deux « réformes » faites, alors il en sera un peu plus fini de l’exception française en Europe et de l’exception européenne dans le monde.
Décentralisation : une histoire
pas si vieille…
La France des 36000 communes a déjà beaucoup changé ces trente dernières années. La désertification ou l’abandon de certains secteurs sous pression économique s’est accompagnée de mouvements de concentrations urbaines, de regroupements en intercommunalités de plus en plus vastes et dotées de compétences de plus en plus larges.
Les lois Defferre (acte I de la décentralisation), sous la présidence de F. Mitterrand au début des années 1980, ont concrétisé de nouveaux pouvoirs des communes et départements, s’appuyant sur des transformations déjà à l’œuvre. C’est à cette période qu’a été installée la fonction publique territoriale (et son statut).
Il y a tout juste dix ans que l’acte II (Raffarin) a consacré constitutionnellement que « l’organisation de la République française est décentralisée », instaurant de nouveaux transferts de compétences, le principe d’autonomie financière et un statut aux conseils régionaux.
Aujourd’hui, la France compte plus de 50 000 collectivités territoriales et établissements publics de coopérations intercommunales (EPCI), auxquels s’ajoutent des milliers d’offices publics et de sociétés d’économie mixte des nouvelles intercommunalités.
Les collectivités territoriales emploient
1 900 000 agents, ce qui représente un tiers des agents publics.
Compétences des Collectivités Territoriales
En vertu de la « clause de compétence générale », chaque échelon peut intervenir sur tout mais dans la limite de ses capacités financières (très inégales ! ).
Dans les faits, chaque niveau a des compétences obligatoires « historiques » (datant de l’acte I, ou même d’avant comme les communes pour les écoles) et des compétences transférées depuis par l’État, des transferts pas toujours accompagnés des transferts financiers correspondants.
Les collectivités de niveaux différents sont aussi en situation de coopération (et d’interdépendance). Ces financements croisés étaient dans le collimateur de Sarkozy, ils seront au contraire favorisés dans le nouveau projet qui ne supprimera plus la clause de compétence générale.