Cher-es camarades,
Au congrès, nous avons parlé du 5 décembre comme d’une journée historique, par la puissance de la grève et des manifestations ce jour-là. Aujourd’hui, après plus de 7 semaines en continu, nous savons que nous vivons le plus gros conflit social depuis 95.
La FSU est engagée avec l’interpro, pour obtenir le retrait du projet de réforme des retraites. Depuis le 5 déc, des secteurs sont en grève reconductible, notamment les transports : l’interpro soutient ces reconductions, appelle à amplifier la mobilisation, propose des journées nationales de grève et de manifestations, journées massivement investies par les personnels. Les actions interprofessionnelles sont nombreuses sur tout le territoire, avec des modalités diverses ; des secteurs peu habitués à ce type de mouvement le rejoignent, je pense aux avocats par exemple, ce qui lui donne une forte visibilité médiatique. Ce mouvement est ancré, les personnels sont déterminés et l’opinion publique lui est toujours favorable.
Nous avons marqué des points : d’une part, la mobilisation a permis la prise de conscience partagée de la réalité de la politique du gouvernement, et elle a montré le rôle indispensable et efficace du syndicalisme de transformation sociale dans la lutte et le rapport de forces. Oui, quel que soit l’avenir, nous savons déjà que ce mouvement social laissera des traces positives.
A côté de ses atouts, il faut aussi voir les limites de ce mouvement, et en faire un bilan sincère si nous voulons continuer à avancer. D’abord, les secteurs en GR : ils ont permis que le mouvement s’inscrive dans la durée, mais force est de constater qu’il ne s’est pas assez élargi : le privé est resté trop peu impliqué, la jeunesse également ; les personnels ont, plus qu’avant, investi les AG, mais malgré cela à part dans les transports et parfois dans l’éducation, les grévistes n’ont pas reconduit la grève au lendemain, ils ont privilégié les temps forts. Non, le mouvement ne s’est pas généralisé.
La seconde limite, c’est qu’il n’est pas parvenu pour l’instant, en dépit d’un rapport de forces très important, il faut le souligner, à faire céder le gouvernement. Macron et Philippe ont navigué entre tentatives de division (ils ont « donné » à certaines corporations, la police, la gendarmerie, par exemple) et fermeté à toute épreuve pour tous les autres. Fermeté assortie de brutalité : répression et violences policières se poursuivent à l’encontre des manifestants. Mais le gouvernement n’a pas retiré le projet ! Même pas l’âge pivot, malgré la tentative d’E. Philippe de faire passer ce retrait provisoire pour une avancée et malgré celle de la CFDT de faire croire à une victoire de sa part.
Alors oui, le gouvernement a joué le pourrissement, mais non, pour le moment, lui non plus n’a pas gagné !
Pas de retrait du projet, mais pas de fin de mobilisation non plus ! Ne pensons pas que le mouvement se réduit aux secteurs en reconduction : les personnels sont extrêmement déterminés, la lutte se poursuit, même si les métros et les trains roulent à nouveau !
Le mouvement entre désormais dans une nouvelle séquence, il faut donc qu’on s’engage de façon différente, sur la durée, avec d’autres modalités, d’autres objectifs, et définir une stratégie pour la suite.
Il faut élaborer, avec l’interpro nationale, un plan d’actions diversifiées : mener campagne pour toucher l’opinion publique ; interpeller les élus ; mettre sur pied des actions visibles sur le plan médiatique. Il faut aussi participer à des collectifs unitaires larges avec des forces syndicales, mais aussi associatives et politiques, pour à la fois construire un front de contestation et imposer dans le débat public des propositions alternatives. Et bien sûr, il faut réfléchir à une stratégie qui inclut des journées d’actions nationales de grève, qui propose des perspectives à construire, comme une montée nationale à Paris, par exemple.
Je ne dis rien ici des autres dossiers d’importance : la revalorisation pour les enseignants et tous les agent-es des services publics, les réformes dramatiques dans l’éducation, l’égalité femmes-hommes, la réforme de l’assurance chômage, la loi dite de transformation de la FP, et j’en passe : nous savons toutes et tous que ce gouvernement s’applique à détruire un à un tous les fondements solidaires de notre société. Nous savons aussi que l’affrontement que nous menons actuellement sur les retraites aura des conséquences sur la politique globale de ce gouvernement. Nous avons une responsabilité à mener cet affrontement à son terme. Nous devons donc poursuivre la lutte engagée, trouver les ressorts pour la faire durer et surtout pour faire en sorte que le rapport de forces nous permette de l’emporter.