Après Grigny (69), Portes les Valences (26) et Gennevilliers, la ville d’Allonnes, qui fait partie
de Le Mans Métropole, a organisé le 21 septembre 2012 le quatrième forum national de la démocratie participative. Nous avons demandé à Gilles Leproust, son maire – Front de Gauche (PCF) –
ses analyses, réactions et propositions face aux projets gouvernementaux de décentralisation.
◗ Comme maire d’une commune populaire de la Sarthe, quel est votre sentiment à l’orée de cette année 2013 ?
Au lendemain du congrès des maires, en novembre dernier, en réaction à un éditorial qui titrait : « des maires résignés mais rassurés ! », j’avais eu l’occasion de dire, combien pour ma part, je suis plutôt un maire « inquiet mais combatif ». Inquiet, car la situation sociale se dégrade à grande vitesse dans nombre de territoires et appelle des mesures d’urgences pour nombre d’habitants. Je suis maire d’une commune où 21 % de la population active est au chômage, ce qui génère des situations de souffrance et d’urgences qui appellent des réponses inédites. Combatif, car les communes peuvent être un formidable atout anti-crise si elles ont les moyens de jouer pleinement leur rôle. C’est ainsi qu’elles relèveront le défi de l’égalité d’accès aux droits pour chaque citoyen quel que soit son lieu d’habitation.
◗ Quel est votre positionnement face aux avant-projet de loi de décentralisation connus à ce jour ?
Certaines annonces sont positives, comme l’annonce du respect de la clause de compétence générale des collectivités, ou l’abandon du conseiller territorial, sorte d’élu à la fois départemental et régional, bon à tout faire. Mais des propositions inquiètent comme la définition stricte de blocs de compétences, risquant de remettre en cause « de facto » la clause de compétence générale. Comme encore, un certain risque de remise en cause de la primauté du fait communal et de l’effacement des communes dans le cadre du renforcement des pôles métropolitains voulu par le gouvernement. Inquiétude aussi avec la mise en place d’un Haut Conseil des Territoires qui pourrait fonctionner comme un instrument de tutelles sur les budgets des collectivités, ou encore, autre projet, celui d’un couple cantonal aux contours mal définis…
Le cadre général dans lequel le Président de la République et le gouvernement envisagent la réforme territoriale est vicié d’avance, car il est enfermé dans les dogmes de l’austérité. Ce qu’ils appellent le « nécessaire redressement des comptes publics » est, dans les faits, la mise en œuvre de la fameuse règle d’or budgétaire imposée par le Traité Merkozy. Les élus Front de Gauche l’ont rejeté car sa conséquence est l’aggravation de l’asphyxie financière des communes, départements et régions, déjà confrontés à l’augmentation de la demande sociale du fait de la crise. Mais si l’austérité est de mise pour les collectivités (gel des dotations pour 2013 et réduction programmée de 2,4 milliards pour 2014 et 2015 de la Dotation de l’Etat aux communes), en revanche, les vannes sont grandes ouvertes, au nom de la compétitivité, pour financer avec de l’argent public les entreprises du secteur privé.
L’augmentation de la demande sociale et les ravages commis par les politiques de droite qui ont transféré des compétences aux collectivités sans leur donner les moyens d’y faite face, appellent des mesures d’une autre ampleur que celles annoncées. Après tout, les collectivités ne supportent-elles pas 70 % des investissements publics du pays ? Ne développent-elles pas de multiples politiques solidaires et sociales, qui sont vecteurs d’innovation, de développement économique, social et environnemental ? Ne comptent-elles pas parmi les premiers défenseurs et développeurs de l’emploi ? Et l’innovation démocratique ne part-elle pas justement de communes dont les plus avancées font de l’intervention des habitants, de leur participation à la vie locale et d’un réel partage de pouvoir, une des conditions essentielles d’un renouveau démocratique nécessaire ?
La complémentarité entre les différentes collectivités, n’est-elle pas un moyen efficace pour répondre aux besoins des habitants et développer des services publics locaux ou décentralisés ?
Voilà pourquoi il faut organiser l’intervention publique dans une conception partenariale Etat-collectivités-habitants. L’Etat parce qu’il a un rôle central dans l’affirmation et le respect de l’égalité de traitement des citoyens sur l’ensemble du territoire. Les collectivités parce que leurs compétences respectives leur permettent de répondre aux besoins des habitants, d’équiper et aménager les territoires et les habitants parce qu’ils sont les destinataires des politiques publiques, et que cela leur confère un droit d’intervention que la démocratie participative permet de concrétiser.
◗ Quelles mesures préconisez-vous pour cela ?
Il convient d’abroger la réforme territoriale de Sarkozy et la loi du 16 décembre 2010 qui visait à faire disparaître les communes, les départements et un certain nombre d’élus locaux. L’abrogation du Conseiller territorial est une bonne chose, mais il faut avoir le courage d’aller plus loin, de rejeter ce texte pour s’atteler, avec les élus et les habitants des territoires, à l’écriture d’une réforme démocratique de nos institutions, au service de la démocratie territoriale.
Il est ainsi urgent de rétablir un impôt économique lié au territoire après la suppression de la taxe professionnelle décidée par la droite. Nous proposons de donner à cet impôt une nouvelle force en lui intégrant la taxation des actifs financiers des entreprises qui témoignent du glissement de ces vingt dernières années vers la sphère financière et spéculative d’une grande partie de l’économie, processus à l’origine de la crise. Taxer ces actifs, même faiblement à 0,3 %, permettrait de ramener vers les collectivités 40 milliards d’euros.
Pérenniser efficacement un fonds de péréquation verticale permettant à l’Etat d’abonder financièrement les collectivités sans les opposer entre elles. La nouvelle banque des collectivités locales doit vraiment être affranchie des critères des marchés financiers (rentabilité immédiate, taux sélectifs et usuraires), ce qui suppose un pilotage et un contrôle démocratique.
Il faut donner plus de souffle à la démocratie territoriale, permettant de répondre aux défis humains et démocratiques d’aujourd’hui, avec des services publics et des champs d’intervention publique locale élargis, véritables boucliers anti-crise et vecteurs de solidarité.
Moderniser la vie politique, c’est mettre le citoyen au cœur de tous les choix et de toutes les décisions en lui donnant de nouveaux pouvoirs d’intervention.
C’est instaurer la citoyenneté de résidence avec le droit de vote des étrangers aux élections locales, adopter une loi qui tourne le dos au présidentialisme, qui interdise le cumul des mandats et limite le nombre de mandats, qui instaure la proportionnelle aux différentes élections, qui mette en place un véritable statut des élus avec des droits équivalents aux droits syndicaux. C’est ainsi que nous nous donnerons les moyens d’avoir des assemblées à l’image de notre société (parité hommes/femmes, jeunes, diversités sociales, culturelles,….). C’est également ainsi que nous empêcherons les baronnies locales.