Lundi 4 mars, Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale annonce devant le Congrès, à Versailles : « le Congrès a adopté le projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. »
■ Par Amandine Cormier
Moment historique. Sur les 902 parlementaires réuni.es en Congrès au château de Versailles, 852 se sont exprimé.es, dont 780 ont voté pour l’introduction de l’IVG dans la Constitution. Pendant ce temps, des centaines de personnes étaient rassemblées sur l’esplanade du Trocadéro pour suivre, puis fêter l’adoption par le Congrès du projet de loi.
Un rassemblement, un de plus, car ne nous leurrons pas, ce vote n’est pas seulement le résultat d’une volonté politique du gouvernement mais surtout celui des mobilisations féministes. De Madeleine Pelletier au Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC), en passant par le Manifeste des 343 avec Gisèle Halimi, le Planning familial, la loi de Simone Veil et toutes les militantes féministes qui luttent depuis des années pour le droit à l’avortement.
La France est le premier pays à inscrire le droit à l’avortement dans sa Constitution, elle reconnaît l’avortement comme ce qu’il est, un droit fondamental. C’est un signal fort alors qu’il est attaqué et menacé par des gouvernements réactionnaires dans de nombreux pays comme la Pologne, la Hongrie, les États-Unis et même encore interdit à Malte et en Andorre. Rappelons que 47 000 femmes meurent chaque année dans le monde au cours d’avortements clandestins, soit une toutes les neuf minutes.
En France aussi, les anti-choix agissent. On peut citer en exemple Les Survivants qui avaient collé des stickers anti-avortement sur les Vélib à Paris et à Lyon ou la Marche pour la vie qui avait appelé à un rassemblement à Versailles pendant le vote du Congrès pour s’opposer à la constitutionnalisation.
Un droit encore à confirmer
Pourtant cette entrée n’est pas complètement satisfaisante.
« La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. »
Un droit aurait été préférable à une liberté, même « garantie ».
Choisir d’intégrer l’avortement à l’article 34 de la Constitution, celui qui liste les règles fixées par la loi assure d’avoir une loi sur l’avortement mais ne garantit pas le contenu de celle-ci ni qu’elle soit réellement protectrice.
Et cela ne rend pas ce droit accessible à toutes, partout. Les centres d’interruption volontaire de grossesse (CIVG) fermés avec les maternités de proximité et la double clause de conscience créent des difficultés d’accès à l’IVG et des inégalités sur le territoire.
Alors que 76 % des avortements sont réalisés par méthode médicamenteuse (chiffre du Planning familial en 2021), la France fait face à des pénuries de pilules abortives qui compliquent encore l’accès à l’IVG.
La lutte n’est pas finie
Cette avancée majeure doit maintenant être accompagnée d’actions concrètes de la part du gouvernement pour un accès effectif à l’IVG pour toutes et partout : l’application pleine et entière de la loi Gaillot de mars 2002 par une modification du décret d’application permettant aux sages-femmes de pratiquer des IVG instrumentales (pour l’instant, il impose des conditions trop restrictives qui la rendent inapplicable), la création d’un pôle public du médicament pour produire la pilule abortive, la réouverture des CIVG fermés, la suppression de la double clause de conscience et l’inscription du droit à l’avortement dans la Charte européenne des droits fondamentaux.
Ce n’est que par les mobilisations que nous pourrons imposer ces revendications ; les luttes continuent pour le droit à l’IVG et le droit à disposer de notre corps. ■