COP28 – pétromonarchie et industrie fossile = 1 / Climat = 0

Le thème principal de cette COP, présidée par le dirigeant de la compagnie pétrolière émiratie, était celui des énergies fossiles.

Par Julien RIVOIRE

Pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5°C, il est impératif de laisser sous le sol 80 % des ressources connues en 2015. Cependant, ni les pétromonarchies ni les multinationales du secteur ne sont disposées à renoncer à leurs profits, d’autant plus alléchants compte tenu du contexte de tensions géopolitiques croissantes. Au cours des années 2021-2022^(1)^, les multinationales des énergies fossiles ont cumulé des bénéfices à hauteur de 4 000 milliards de dollars.

Dans ce contexte, l’accord conclu énonce que les parties sont appelées à « s’éloign[er] des combustibles fossiles […] en accélérant l’action au cours de cette décennie critique afin d’atteindre le zéro net d’émissions de CO2 en 2050 ». La référence explicite aux énergies fossiles dans un texte de la COP pourrait être saluée, s’il n’avait fallu attendre la 28e édition du processus. En revanche, derrière la formulation alambiquée se dissimule la préservation des intérêts des pétromonarchies et des géants de l’industrie du carbone. L’accord ne fixe aucun objectif chiffré ni contrainte et se contente d’exhorter à l’accélération d’une action actuellement au point mort. Surtout, la conclusion devrait tempérer l’enthousiasme de celles et ceux, peu nombreux.euses, ayant perçu cette COP comme une avancée. L’objectif de parvenir à une neutralité carbone en 2050 n’est assorti d’aucun plan d’action concret pour les prochaines années. L’expression « émission nette » permet aux partisan.es du statu quo de spéculer sur d’improbables innovations technologiques de capture du carbone, dans le but de maximiser leurs profits dans les années à venir. Certes, l’appel à tripler la capacité des énergies renouvelables d’ici 2030 est un objectif louable, mais sans un plan d’action précis, il risque de demeurer un vœu pieux. Le refus de programmer une sortie des énergies fossiles résonne avec la mise en garde de l’historien Jean-Baptiste Fressoz^(2)^ redoutant une « transition énergétique » qui se contente d’ajouter les énergies renouvelables aux énergies fossiles.

Absence d’engagements solidaires

Le second enjeu de cette COP concernait les questions de financement et de solidarité envers les pays les plus affectés par le changement climatique. La responsabilité historique des nations les plus riches est indéniable, mais tous les moyens sont mis en œuvre pour éviter de reconnaître cette dette climatique. Deux questions étaient au cœur des discussions. D’une part, le fonds vert, censé soutenir les efforts d’atténuation et d’adaptation des nations les plus pauvres, n’a toujours pas été alimenté à hauteur des 100 milliards de dollars promis. D’autre part, cette COP devait concrétiser la promesse faite l’an dernier d’un fonds destiné à compenser les pertes et dommages causés par les événements climatiques extrêmes. Double défaite pour les pays les plus impactés : les engagements ne sont pas au rendez-vous et les États-Unis ont imposé l’hébergement de ce fonds par la Banque mondiale et non par l’ONU. Les pays du Sud savent combien les financements de cette institution ne sont jamais sans contreparties.

COP après COP, les ONG les plus optimistes ne peuvent que constater le renforcement des positions des nations les plus riches, des pétromonarchies et des géants de l’industrie extractive. Il est pourtant peu utile de concentrer nos critiques sur les COP, qui restent les seuls moments où les pays du Sud peuvent faire entendre leurs voix. Le risque serait de voir les mouvements se focaliser sur l’échelle nationale au détriment des enjeux de justice entre les pays du Nord et du Sud. COP ou non, il y a urgence à construire une véritable internationalisation du mouvement pour la justice climatique.

1. Reuters, article du 14-02-2023

2 Le Monde, entretien avec J.-B. Fressoz du 22-01-2024