Après chaque crise d’ampleur vient le temps des bonnes résolutions… lesquelles, comme les promesses de campagne, n’engagent que ceux qui y croient. Nul doute qu’il en ira de la moralisation de la vie politique en France après le scandale Cahuzac, comme il en est allé de la lutte contre la spéculation financière et les paradis fiscaux après le krach de 2008.
L’affaire Cahuzac nous rappelle d’ailleurs combien les paradis fiscaux se portent bien… mieux que les finances publiques ! Et pour cause : la Commission européenne elle-même estime que chaque année, l’équivalent de 7 % du PIB de l’Union, échappent aux fiscs européens via les paradis fiscaux. Pour la France, cela représente deux fois le montant de l’actuel déficit public… Excusez du peu.
A défaut de juguler la délinquance fiscale, la publication du patrimoine des ministres et parlementaires aurait la vertu de nous rappeler que ces gens là ne vivent pas dans le même monde que nous. Comme dans la fable de la Fontaine, les puissants se gavent sans frein et crient haro sur les baudets, exigeant d’eux des sacrifices propres à calmer les « dieux-marchés ».
Mais le patrimoine des élus ne révèle pas à lui seul l’ampleur de la collusion entre les élites politiques et les milieux économiques. Sarkozy illustre parfaitement cette communauté d’intérêts qui voit les anciens responsables politiques ramasser les dividendes sonnants et trébuchants des services rendus aux grands intérêts privés durant leur mandat.
Rien de bien neuf me direz-vous, sinon peut-être que, en France comme en Europe, cette collusion concerne désormais la « social-démocratie » tout autant que la droite.
Comment s’étonner dès lors que les politiques menées soient si contraires aux couches populaires et au mouvement social ? Il n’est qu’à voir le sort réservé à la proposition d’amnistie sociale, pourtant bien édulcorée par les sénateurs, pour s’en convaincre. Que le « mur des cons » ait soulevé dans la classe politique plus d’indignation que l’affaire Cahuzac laisse également rêveur. Selon que vous serez puissants ou misérables…
La criminalisation du mouvement social restera donc ce qu’elle était sous Sarkozy.
Continuité également des politiques d’austérité malgré le naufrage annoncé de la zone euro dans la récession. Les peuples sont encore et toujours immolés sur l’autel d’une crise dont ils ne sont pas coupables, par ceux-là mêmes qui l’ont provoquée.
Au final, après une année d’exercice, le changement promis réside essentiellement dans la capacité du gouvernement à amadouer les syndicats par d’aimables concertations. L’été dernier a vu une « grande conférence sociale » qui débouche indirectement sur l’ANI en janvier.
Que les syndicats d’accompagnement, qui ont fait leur les dogmes libéraux, se félicitent de ce « dialogue social » renouvelé, on peut le comprendre. Mais pour ceux qui se réclament de la lutte et de la transformation sociale, l’heure n’est plus à l’expectative.
Une deuxième conférence sociale est annoncée pour l’été, avec déjà au menu les retraites. Le matraquage médiatique a commencé : il faudra travailler plus longtemps… alors que le chômage de masse va continuer de progresser ! Pour Hollande, qui vient une nouvelle fois de faire allégeance à la commission européenne, promettant des réformes structurelles « crédibles » en échange d’un sursis de 2 ans pour passer au dessous de la sacro-sainte barre des 3 % de déficit, l’objectif de cette conférence est de vendre un nouveau train de contre-réformes régressives.
Le syndicalisme de lutte et de transformation sociale ne doit pas se contenter d’élever la voix dans les tables rondes, il lui faut très vite organiser la mobilisation des salariés, faute de quoi le pire est certain.
On se souvient de Louis XVI convoquant les Etats Généraux dans l’espoir de faire accepter au Tiers Etat une nouvelle hausse d’impôt au profit des ordres privilégiés. La manœuvre connut le succès que l’on sait… Pour les salariés et le mouvement syndical d’aujourd’hui, c’est à nouveau l’heure des choix : subir ou reprendre la Bastille…
Marie Cécile Périllat