Sécu : le gendarme et les voleurs !

Tout à sa stratégie de reconquête de l’électorat d’extrême droite, Sarkozy, dans un discours à Bordeaux le 15/11 aussi martial que malhonnête, a désigné les coupables des déficits de la sécurité sociale : les fraudeurs aux prestations sociales. Non seulement jetés à la vindicte populaire comme « voleurs », ils sont aussi désignés comme ceux qui mettent à mal le pacte fondateur du Conseil National de la Résistance. Un comble, pour le président des riches qui n’a de cesse de détruire l’héritage du CNR.

Et pour bien être compris, « on » nous assène des sommes astronomiques, le plus souvent invérifiables. Concernant les fraudes à la sécu, la presse varie ses estimations entre 250 et 400 millions d’euros annuels. Quand bien même, la fourchette haute ne représente après tout que 1 % des prestations annuelles versées.

Par contre, le patronat n’a pas à s’inquiéter. La fraude des entreprises pour l’année 2009 est estimée par l’ACOSS (agence centrale des organismes de sécurité sociale) entre 15,5 et 18,7 milliards d’euros de cotisations sociales non versées par les employeurs.

Cette offensive contre les « fraudeurs » (les petits, pas les gros) permet à Sarkozy, croit-il, de mieux faire passer une nouvelle mesure anti-sociale : l’augmentation d’un jour du délai de carence en cas de maladie dans le privé avec au passage (au nom de l’équité bien sûr, qu’allez-vous croire ?) l’instauration d’un jour de carence pour les fonctionnaires. Outre la culpabilisation du salarié, coupable d’être malade ; du médecin, coupable de complaisance ; cette mesure ajoute une inégalité entre salariés selon que l’indemnité compensatoire est complétée ou non par un accord d’entreprise.
La CNAM a enregistré pour l’année 2010, 6,67 millions d’arrêts de travail tous compris, accidents, maladie ou maternité. Un tiers de ces arrêts ont fait l’objet d’un contrôle et 13 % ont été jugés abusifs, souvent d’ailleurs après contrôle des médecins envoyés par l’employeur et non la sécurité sociale.

La chasse aux fraudeurs se définit pour ce qu’elle est, la chasse aux pauvres. Ils en parlaient depuis quelque temps, ils osent le faire : les allocataires du RSA socle auront à justifier de 7 heures de travail hebdomadaire pour prétendre toucher leur plus qu’insuffisante allocation de survie. Encore un petit effort et ils seront responsables de la Dette ces sAAAlauds de pauvres !

Pour masquer son bilan désastreux sur le front de l’emploi, pour racoler dans les bas-fonds de la droite extrême, le président anxiogène ressort les vieilles ficelles de la peur et du bouc émissaire, dans la lignée des campagnes les plus populistes et réactionnaires. Il donne aussi satisfaction au patronat dans la remise en cause des acquis sociaux.

Il en va de la responsabilité du syndicalisme de réagir sans attendre. ●

Springsfields Marin

Questions à Patrick Martinie

_ syndicaliste CGT,
inspecteur Sécurité Sociale, division du risque professionnel

◗ En quoi consiste ton boulot ?
Les frais liés aux risques professionnels sont réglés par l’employeur. Le patronat étant toujours très prompt a s’exonérer de toute responsabilité, c’est ici qu’intervient mon corps de métier : les inspecteurs de la division du risque professionnel enquêtent afin de mettre en lumière (ou pas) la relation de cause à effet entre la pathologie invoquée et le travail prescrit dans le cadre du contrat « salarié / employeur ».

 
◗ Comment vois-tu le discours de Sarkozy qui déclare que « frauder la Sécu, c’est voler »…  
Sarkozy cible une cohorte de coupables potentiels : salariés, chômeurs, retraités, vieux, immigrés. Dans sa liste, il omet d’éminents autres acteurs ! Entre le patronat qui laisse une ardoise annuelle à la sécu d’environ 20 milliards d’euros, l’État qui ne compense pas ses dettes, le chômage savamment organisé, les salaires de misère exonérés de toutes « charges »… La sécu n’est pas malade de ses fraudes, ni de ses dépenses, mais de son manque de recettes !

 
◗ Peux-tu nous en dire plus sur cette histoire de « fraudes » ?  
Stigmatiser et opposer les populations les unes aux autres est une vieille technique. Sarkozy prend, par exemple, le thème très polémique des arrêts-maladie : le fantasme selon lequel des médecins sortiraient à discrétion la planche à arrêt maladie…Il faut savoir que ce poste représente moins de 2 % du budget de la sécu…C’est le deuxième plus petit poste financier après les cures thermales. Donc, si coupes claires il doit y avoir, regardons vers les réseaux de cliniques privées cotées en bourse, les petits arrangements entre amis « médecins – maisons de retraite », l’industrie pharmaceutique, pour ne citer que ceux là. Quant aux conditions de travail et aux méthodes de management anxiogènes génératrices de stress et mal-être, et donc coûteuses pour la collectivité, c’est un grand coup de pied dans la fourmilière qu’il faut donner ! ●

Recueillis par Laurent Zappi