Après bien des tergiversations et débats, notamment internes à l’UMP, le Parlement a fini par adopter en novembre le projet de loi de réforme des collectivités territoriales qui vient conforter la refonte néo-libérale de l’État, déjà perceptible au travers de la RéATE, de la poursuite de la RGPP et des mesures budgétaires comme la suppression de la taxe professionnelle.
Nicolas Sarkozy y tenait et les pressions sur les sénateurs qui renâclaient ont été fortes. Comme le tableau de répartition des conseillers territoriaux a été censuré par le Conseil Constitutionnel, un nouveau passage devant le Parlement est obligatoire. Mais des modifications sensibles du paysage des collectivités territoriales sont à anticiper…La nouvelle loi propose plusieurs cas de figures, reposant tous sur le même postulat : trop d’échelons territoriaux, des départements qui ne seraient plus adaptés « aux enjeux du temps présent ». L’objectif est donc aux regroupements. Ainsi apparaît, sur la base du volontariat, une procédure de regroupement pour les départements (qui pourront aussi « muter » dans une région contigüe).
La loi consacre la création des « métropoles » sous la forme de nouveaux EPCI (établissement public de coopération intercommunale) regroupant plusieurs communes formant un ensemble de plus de 500 000 habitants d’un seul tenant. Le champ d’intervention des métropoles est plus large que celui des communautés urbaines, renforçant leurs compétences en matière économique. Sur demande de la métropole, l’État pourra décider de lui transférer des grands équipements ou infrastructures situés sur son territoire.
Ces métropoles ne concerneront bien sûr qu’un nombre limité de grandes agglomérations mais sont prévus aussi des « pôles métropolitains » formant un ensemble de plus de 300 000 habitants qui, à la différence de la métropole, n’est pas nécessairement d’un seul tenant, et dont l’un des EPCI qui le constituent compte plus de 150 000 habitants. Le maire de Lyon, Gérard Collomb, est déjà en train de travailler à un pôle métropolitain de 2,5 millions d’habitants avec St Etienne, les communautés d’agglos de Vienne et de l’Isère ainsi qu’une communauté de communes autour de l’aéroport St Exupéry…
La loi fixe par ailleurs au 1er juin 2013 la date d’achèvement de la carte intercommunale par les préfets et prévoit la création de « communes nouvelles » qui se substitueraient à des communes contiguës, soit à la demande de l’EPCI, soit à la demande des communes membres, avec accord dans les trois mois des conseils municipaux des communes concernées.
Et la démocratie ? Des modifications qui peuvent donc être importantes pour les territoires ne sont pas systématiquement soumises au contrôle citoyen. Ce sera le cas pour les fusions de communes par exemple pour lesquelles la consultation des électeurs n’est pas automatique ou, à partir de juin 2013, pour la carte intercommunale : le préfet pourra rattacher une commune isolée ou créer « une enclave ou une discontinuité territoriale » à un groupement de communes, en passant outre le désaccord de la communauté de rattachement.
Deux points majeurs de friction ont marqué le débat parlementaire et rencontrent toujours une forte opposition des partis de la gauche parlementaire : le mode de scrutin du futur conseiller territorial et la répartition des compétences.
Exit les conseillers généraux et les conseillers régionaux : à partir de 2014, ils seront remplacés (pas terme à terme !) par des conseillers territoriaux qui siégeront à la fois au conseil général et au conseil régional et seront élus, pour six ans, dans le cadre du canton, selon le scrutin uninominal majoritaire à deux tours.
Exit donc aussi la déjà trop faible dose de proportionnelle dans ces élections. Un recul important pour la démocratie et la parité – même si, ne craignant même pas le ridicule, le gouvernement a prévu la désignation d’un suppléant du sexe opposé (!) à celui du titulaire élu.
Autre source d’inquiétude pour les élus, avec la RéATe, le préfet de région a maintenant pouvoir dans la répartition des crédits entre départements. Il y avait volonté explicite du gouvernement et de l’UMP de remettre en cause la clause générale de compétence pour les départements et régions (pour brider des collectivités trop envahissantes ?). C’était ne pas tenir compte du potentiel budgétaire des collectivités territoriales et des pratiques en cours. Vu les oppositions, notamment au Sénat, la suppression de la clause générale de compétence des départements et des régions est pour l’instant reportée au 1er janvier 2015.
Ces questions de répartition des compétences et de co-financements sont des enjeux particulièrement importants pour les services assurés par les collectivités et les investissements qu’elles réalisent. La volonté de réduire les financements croisés s’inscrit dans l’objectif général de réduction des dépenses publiques, de réduction des services publics et des services aux publics avec l’application de la RGPP aux collectivités territoriales.