Dossier du numéro 104 : Résister c’est aussi lutter

Les méfaits du libéralisme ne sont plus à démontrer : les droits acquis sont piétinés, chaque réforme des gouvernements successifs apporte son lot de régressions, d’attaques contre les travailleurs et les travailleuses et de destruction de la planète et des droits humains les plus élémentaires. Découragement et résignation pourraient donc s’installer face à ce déferlement d’agressions, sorte de rouleau compresseur que rien ne semble pouvoir arrêter, et ce, depuis des décennies : c’est le combat du pot de terre contre le pot de fer…

Pourtant, la soumission n’est pas à l’ordre du jour : les mouvements de révolte populaire restent nombreux et parfois puissants. On se souvient encore de celui des Gilets jaunes qui, par sa masse et sa radicalité, a fait vaciller le sommet de l’État. Les modalités de contestation plus traditionnelles du mouvement ouvrier sont, n’en déplaisent aux puissant·es, loin d’être enterrées : la grève se déploie régulièrement dans les entreprises ou les services autour de revendications salariales, de conditions de travail. Les grèves et manifestations de 2023 contre la réforme des retraites ont mis plusieurs millions de personnes dans les rues. Il existe d’autres types de soulèvements, contre tous les projets écocides notamment, qui rassemblent eux aussi celles et ceux qui ne veulent pas « laisser faire », et entrent en résistance de façon diverse et à échelles variées. Et puis il y a les mouvements de solidarité envers les migrant·es, les combats féministes, les luttes contre la précarité. La liste n’est pas exhaustive : ces mouvements témoignent d’une intensité et d’une actualité de la conflictualité porteuse d’espoirs.

Mais l’expression de cette tension revêt aussi d’autres formes, moins visibles, moins spectaculaires : face aux pressions, injonctions et autres intimidations dont usent les dirigeant·es pour imposer leurs réformes libérales, il existe aussi des formes multiples de contestation, collectives mais aussi individuelles, qui participent d’un même mouvement de refus de l’ordre imposé. Toutes ces résistances, qu’elles s’expriment dans la rue, sur une zone à défendre (ZAD) ou sur un lieu de travail, qu’elles se manifestent dans la rue ou existent à bas bruit, toutes ces résistances suivent le même objectif, celui du refus des politiques à l’oeuvre et donc de la volonté inaltérable de stopper la fuite en avant capitaliste, de changer les paradigmes qui régissent les rapports sociaux, pour imposer un autre projet de société. Quelles que soient les modalités retenues, elles se « nourrissent » l’une l’autre : les activistes d’Attac, même peu nombreux·ses, réussissent à toucher, et donc à alerter voire à convaincre l’opinion publique par leurs actions médiatiques ; les millions de manifestant·es contre la réforme des retraites emportent l’adhésion du plus grand nombre, même de celles et ceux qui ne sont pas dans la rue à leurs côtés et cela, sur le fond de la réforme comme sur la pratique antidémocratique du pouvoir.

Les mots d’ordre syndicaux de ne pas appliquer tel ou tel dispositif, de bloquer la machine et d’entrer en résistance ont aussi cet objectif : en entraînant les collègues, ils portent au-delà de leurs revendications propres un message plus large, celui de la vanité, de l’inutilité, de la nocivité des réformes imposées par le libéralisme.

Ces résistances, si elles ne font pas immédiatement échec, freinent le rouleau compresseur et préparent les luttes à venir. Elles démontrent que les poches de conflictualité sont nombreuses, et que l’opinion publique n’est pas acquise, loin de là, aux contre-réformes. Tout ceci concourt à battre en brèche l’idée d’une prétendue hégémonie du modèle libéral auquel les populations adhèreraient massivement et sans alternatives possibles.

Elles ont un point commun : parce qu’elles sont chacune à leur manière extrêmement vivaces, elles sont aussi durement réprimées comme autant de menaces pour le pouvoir en place. Et dans un mouvement dialectique, loin de faire taire ces résistances, la répression a pour effet de les mettre en valeur et de leur donner une visibilité, en montrant l’importance des enjeux pour l’ensemble de la population. Ces résistances multiformes préparent donc les victoires de demain.

  • Syndicats et partis – un regard historique
    L’histoire des rapports entre syndicalisme et partis politiques, loin de se résumer à l’acte fondateur de la charte d’Amiens, a été marquée de périodes intéressantes du point de vue des dynamiques de progrès social, échappant aux logiques de subordination ou d’hostilité particulièrement néfastes à d’autres moments. La charte adoptée au congrès d’Amiens de la CGT[…]
  • CGT, de la scission à la réunification (1921-1936)
    La Première Guerre mondiale la révolution russe et leurs conséquences précipitent la scission de la CGT et la CGTU. Mais après 14 ans de division et alors que le fascisme s’étend en Europe, l’aspiration à l’unité grandit dans la classe ouvrière. Sous cette pression, les deux syndicats vont, en deux ans, opérer leur réunification. Par[…]
  • Justice des mineur·es – un enjeu majeur
    Les dernières décennies ont vu un durcissement de la justice pénale des enfants. Paradoxalement, la part de la délinquance des mineur·es se réduit de manière considérable. Le sentiment d’une jeunesse hors de contrôle relève donc d’un fantasme conservateur qui ne trouve aucun étayage concret. Par Marc Hernandez, co-secrétaire national du SNPES-PJJ/FSU La justice des enfants[…]
  • Agir dans une période sombre et incertaine
    Les manifestations du dérèglement climatique et ses conséquences dramatiques sont de plus en plus fréquentes et violentes sur l’ensemble de la planète. Alors que l’on atteint 1,5°C de réchauffement global moyen et que, selon l’ONU, les engagements nationaux ne permettent toujours pas de respecter l’accord de Paris, le financement d’aides aux pays en développement est[…]
  • Entretien avec Karel Yon « Pour ne pas être le supplétif des partis, le syndicalisme doit assumer son rôle politique »
    Entretien avecKarel Yon* « Pour ne pas être le supplétif des partis, le syndicalisme doit assumer son rôle politique » *Karel Yon, chercheur en sociologie à l’Idhes (CNRS / Université Paris Nanterre) et associé au Centre d’études et de recherches administratives politiques et sociales (Ceraps). ➤L’implication du syndicalisme dans la campagne des législatives est-elle une surprise ? Oui[…]
  • Syndicalisme et politique – Œuvrer ensemble
    La période ouverte par la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron en juin dernier, si elle a été marquée par la possibilité de l’unité de la gauche autour d’un programme de rupture avec les politiques libérales menées ces dernières années, a aussi été l’occasion de débats intenses au sein des organisations syndicales sur leur[…]
  • Du 7 au 28 novembre,** **votez éé et hors tendances !
    Après le vote des syndiqué.es en novembre et les congrès départamentaux en décembre et janvier, la FSU définira ses orientations lors de son congrès national, en février prochain. par Claire Bornais, Laurent Cadreils Arnaud Malaisé Emilie Moreau, membres du secrétariat national pour l’ÉÉ L’enjeu du prochain congrès de la FSU, qui se tiendra du 3[…]
  • Une séquence politique qui impose une « rentrée sociale » de rupture
    Le résultat des élections législatives qui ont placé le Nouveau Front populaire en tête est dénié par le présidentde la République, dont le seul projet est de poursuivre sa politique néolibérale. Contre cette politique et contre l’extrême droite dont le danger n’est que provisoirement écarté, la gauche, soutenue par le mouvement social et certains syndicats,[…]