Ce texte a une fonction d’alerte dans la FSU et ses Syndicats nationaux de l’Éducation. Il fait le point sur ce qui est en fin de compte sorti de plusieurs mois de concertations et de discussions après les annonces très médiatiques du gouvernement Hollande sur une « refondation » de l’école, pas moins !
Le 14 décembre, le CSE (Conseil Supérieur de l’Education) aura à se prononcer sur la loi. La FSU, ses syndicats nationaux enclencheront par leur(s) vote(s) la capacité de peser sur les décrets d’application à venir… ou pas.
[*Une concertation tronquée, des organisations syndicales méprisées*]
Des mois et des mois de groupes de travail, une mobilisation quasi-quotidienne de dirigeants syndicaux… pour finir, après des semaines d’attente, par découvrir en même temps que la presse le projet de loi et le rapport annexé !
La FSU n’en a même pas été destinataire directement, un camouflet évident et une curieuse conception d’un dialogue social « renouvelé ».
La manière dont le projet a été diffusé, en priorité à la presse (dépêche « confidentielle » AEF à 20h30, projet complet à télécharger sur les sites du Monde et de l’Express) est proprement scandaleuse après des phases longues de concertation, discussions mais pas, et c’est bien le problème de fond, de véritables négociations.
[* Tout ça pour ça ?*]
Le projet de loi renvoie à nombre de décrets ultérieurs sur des points très critiques, dont pour ne citer que ceux-là les rythmes en primaire et la décentralisation des services d’orientation.
La méthode employée par le ministère pour ces premières phases a de quoi inquiéter pour la suite! Le projet de loi loi et le rapport annexé se complètent, le rapport éclairant le fond de la loi et ce qui suivra.
On savait le système éducatif profondément fragilisé et ébranlé par les politiques néo-libérales menées sous Sarkozy: individualisation et mérite accompagnant un tri social, réduction de moyens mais aussi de missions et dégradations fortes des conditions de travail des élèves et des personnels (notamment avec le nouveau management public).
L’attente des personnels, celles de la FSU était une véritable rupture avec la période antérieure. C’est à cette aune qu’il faut analyser ce qui est proposé par un gouvernement (qui du TSCG au pacte de compétitivité en passant par Arcelor-Mittal n’en finit pas d’empiler les renoncements!).
Le projet de loi tel qu’il est écrit, les considérations qui l’accompagnent sont-elles de nature à changer concrètement (et positivement! )les choses dans les écoles et les établissements? Que vaudront nombre d’engagements au vu de la politique budgétaire en cours?
Certes, de grands principes, positifs, sont rappelés: une « priorité à l’éducation » malgré les contraintes budgétaires, le refus d’évictions précoces au collège, une réaffirmation du rôle de la maternelle, une formation des enseignants plus développée, la laïcité comme principe fondateur… personne ne peut être contre mais cela peut-il faire le compte?
Peut-on analyser comme la « refondation » pourtant nécessaire ce qui au bout du compte reste une succession de mesures qui s’insèrent dans la loi Fillon …et a raté l’occasion d’une réflexion associant réellement chercheurs et enseignants?
Le projet de loi est écrit de manière à ne pas heurter de front, ne pas franchir les fameuses « lignes rouges » annoncés comme des casus belli (regroupement institutionnel primaire/secondaire, bivalence…) mais les seules « ruptures » avec la loi Fillon et la politique Sarkozy sont la fin du DIMA et de la loi Cherpion (retoquées de toutes façons par les textes européens qui interdisent le travail des moins de quinze ans) et la fin de l’internat d’excellence surtout parce que « trop coûteux. »
Mais la référence ) l’entreprise et son corolaire l’apprentissage irrigue l’ensemble de la scolarité au collège, dès la 6 ème !
[*Dans la réalité, celle qui sera mise en œuvre dans les mois à venir, que dessinent la loi et le rapport? *]
- rien de nouveau sur la partie programmation que ce qu’on savait déjà sur les conditions de la priorité au primaire (relative même sur l’affichage du « plus de maîtres que de classes » et encore plus sur l’avenir RASED puisqu’en nombre de postes,c’est un retour à la période avant Sarkozy) et l’absence d’annonces de moyens nouveaux pour le collège et les lycées.
Et seulement 7 000 postes pour l’« amélioration de l’équité territoriale interacadémique », c’est à dire la démographie et le rattrapage des années Sarkozy. - le cadre donné pour tous les élèves se réduit à la scolarité obligatoire (fin du collège) et la référence aux pourcentages de la loi de 2005 pour le Bac manque singulièrement d’ambition.
- le principe d’un socle commun (même s’il s’appelle maintenant de connaissances, de compétences et de culture !) est réaffirmé comme organisateur de la scolarité obligatoire, avec un collège en 4 niveaux successifs (dont niveau 6° officiellement articulé au CM2 ).
Une petite concession vu le casus belli du socle Fillon et la difficulté concrète de mettre en œuvre l’usine à gaz du LPC, celui-ci est maintenu mais refait et allégé.
Le principe du socle et celui des compétences restent donc bien présents : ils impliquent, nous l’avons assez écrit sous Fillon, une école à deux vitesses et calquée sur l’employabilité … - est reprise dans la loi l’idée d’une sorte de « chèque éducation » pour les élèves qui sortiraient du système sans qualification (une application de la formation tout au long de la vie qui peut vite se retourner contre la formation initiale professionnelle)
- maintien du principe de la contractualisation notamment en ce qui concerne les établissements ou écoles de l’éducation prioritaire
- pour les futures ESPE, c’est le principe de la contractualisation qui est retenu. Elles ne seront que « maîtres d’ouvrage » de la formation des enseignants, entièrement dépendantes des université autonomes, y compris sur le plan budgétaire.
Rien, non plus sur des pré-recrutements dont on sait pourtant qu’ils sont indispensables à la reconstitution de véritables viviers… - [*et surtout, continue à planer sur l’ensemble des propositions et réflexions, l’objectif d’une nouvelle étape de décentralisation,*] d’un rôle accru des Collectivités territoriales et d’une nouvelle structuration de l’Etat : du « projet éducatif territorial » à celui d’un nouveau conseil « écoles-collège », en passant la question de la carte des formations professionnelles renvoyée à la loi décentralisation .
Sans parler de l’éducation prioritaire, parent pauvre du projet qui, faute de relance, va conditionner son existence à la réalisation d’objectifs…
On sait la part que ce gouvernement entend laisser à l’expérimentation, et beaucoup de choses passeront par là… On sait aussi que c’est le risque d’un éclatement des politiques éducatives sur le territoire. - la question des rythmes en est un exemple éclairant: raccourcissement des journées, allongement de l’année , semaine de 5 jours . en gros objectif de moins de temps de classe plus étalés dans l’année… pour se rapprocher du reste de l’Europe.
L’année scolaire est maintenue pour l’instant à 36 semaines à la rentrée 2013 mais des évolutions sont à prévoir (!!)
[*A l’interne de la FSU*]
Le moins qu’on puisse dire , c’est que la communication fédérale et des SN éducs a laissé à désirer, sur la forme et sur le fond.
- Sur la forme, d’abord, pas de véritable travail fédéral d’analyses dans la journée qui a suivi la publication. On en est resté comme trop souvent dans la FSU de fait à une négociation intersyndicale SNU d’un côté, syndicats du second degré de l’autre (d’où des communiqués assez cacophoniques et mettant encore plus en évidence des désaccords internes entre les directions UA des SN).
- Quant au communiqué FSU, s’il mentionne à la fin le manque de rupture avec la politique précédente, la tonalité n’en est pas suffisamment critique. La FSU doit rappeler ses exigences de manière plus forte.
Nous n’avons rien à gagner à paraître faibles ou trop complaisants dans cette période, avant la négociations de plusieurs textes législatifs importants.
[(Est-on en train de nous rejouer ce qui s’est passé sur la formation au nom de la spécificité de chaque secteur et dont on a vu les lourdes conséquences pour la FSU et pour l’Éducation ?)]
Déjà, de nombreuses réactions de structures syndicales dans la FSU et ses syndicats devraient alerter un peu plus fort sur la nature de l’appréciation à porter, qui ne peut pas être un satisfecit de principe au gouvernement.
[*Même s’il n’est pas évident de construire une mobilisation sur ce projet (tout se concentre en fait dans l’article 1 qui reprend tout le rapport annexé avec évictions de sujets trop sensibles..), c’est une posture critique qui sera en phase avec le ressenti des personnels qui pensent que pas grand chose ne change…et préparera plus efficacement les nécessaires mobilisations sur les sujets qui ne vont pas manquer de fâcher…*]
École Émancipée,
le 08 décembre 2012