Comme annoncé lors de la campagne présidentielle lorsqu’E. Macron en a fait un objectif majeur de sa réélection, la réforme des retraites donne lieu à une véritable confrontation entre le gouvernement
et l’ensemble des organisations syndicales soutenues par une très large partie de la population.
Tout le monde l’a bien compris, ce projet constitue un enjeu de société mais aussi un véritable test pour le gouvernement sur sa capacité à faire adopter une loi d’importance sans majorité à l’Assemblée nationale.
Sur le fond, les justifications budgétaires sont du pipeau, il s’agit d’abord pour E. Macron de faire la démonstration qu’il est encore en mesure de faire payer le monde du travail pour permettre aux revenus du capital de continuer à enfler. Et l’on saisit d’autant mieux cet enjeu lorsqu’on relie cette contre-réforme à celle de l’assurance-chômage adoptée en novembre 2022, qui a également coalisé l’ensemble des organisations syndicales contre elle en restreignant les dispositifs de solidarité entre actifs·ves et chômeurs·ses.
La dimension féministe de la mobilisation en constitue l’un des éléments les plus réjouissants.
C’est certainement sur cet aspect que le gouvernement a perdu sa première bataille symbolique et politique lorsqu’il a tenté de prétendre que sa réforme serait bénéfique aux femmes. De fait, une fois que ce mensonge a été rendu public grâce aux contributions des collectifs, des syndicalistes, des chercheuses et des militantes, le fil des injustices générées par le projet d’Élisabeth Borne n’a cessé de s’allonger (pension « minimum » à 1200 €… mais seulement pour 10000 à 20000 retraité.es
par an, « carrières longues » dont la durée de cotisation dépend de l’âge de début d’activité, de façon totalement incompréhensible…). Et il n’est pas anecdotique que le 8 mars ait connu un retentissement aussi fort cette année avec un soutien des organisations syndicales bien plus large que les années précédentes.
L’intersyndicale a rythmé cette mobilisation par une succession de journées de grèves et de manifestations dont certaines ont rassemblé des nombres de manifestant·es inégalés depuis une cinquantaine d’années, témoignant d’une très forte adhésion aux modalités proposées par l’intersyndicale. De façon surprenante, les salarié·es s’emparent peu de la conduite du mouvement, en ne participant guère aux AG et en ne cherchant pas à déborder les consignes syndicales, ce qui illustre certainement leur relatif manque de confiance dans la capacité à gagner et à peser sur la suite du mouvement.
De son côté, le gouvernement use de tous les procédés législatifs pour contourner son manque de légitimité sur ce projet : il a substitué au dialogue social un vague compromis avec la droite parlementaire, il a tenté d’étouffer les voix de l’opposition dans les deux chambres, se retrouvant finalement soumis au chantage de quelques députés de droite dans l’espoir d’éviter l’ultime passage en force via l’usage du 49.3. La contestation sociale se mue donc en ce printemps en une dénonciation d’une forme d’autoritarisme délétère et de sauvegarde des principes de la démocratie sociale.