Note rapide – non exhaustive- de présentation
Véronique Ponvert 18 avril 2015
Les projets de programmes ont été publiés le 13 avril, ils seront soumis à consultation courant mai et entreront en vigueur à la rentrée 2016, en même temps que s’appliquera la réforme du collège, à la rentrée 2016.
C’est encore une fois de façon très courte que se mènera le débat avec la profession – si tant est qu’on appelle “débat” une consultation qui devrait être individuelle, par voie numérique.
Ces programmes doivent évidemment être considérés à la lueur de la réforme du collège, ce qui laisse présager de nombreuses inégalités dans le traitement du contenu affiché. Par ailleurs, il est difficile d’apprécier de façon positive un élément de cette réforme que nous rejetons totalement.
**Architecture du texte
Les programmes sont organisés selon trois volets :
- « enjeux et objectifs de formation du cycle »
- « contributions des champs disciplinaires ou disciplines à l’acquisition de chacun des 5 domaines de formation du socle »
- « niveaux de maîtrise attendus à la fin du cycle, les compétences et les connaissances à acquérir et mobiliser par discipline ou champs disciplinaires »
Le volet 1 rappelle – notamment pour le cycle 4- les grands principes énoncés par le CSP dans son projet de socle, il pose les ambitions et finalités de la scolarité obligatoire avec des objectifs plutôt intéressants.
A noter toutefois qu’il s’achève par un rappel concernant l’évaluation qui stipule que le socle sera validé en fin de cycle 4 sans compensation pour chaque domaine.
L’évaluation du socle reste un point très négatif de ce projet.
Le volet 2 indique les différentes contributions des disciplines à chaque domaine du socle, ce qui reste très abstrait et très théorique (tout est dans tout…)
Le volet 3 décline le contenu des programmes par discipline. A noter pourtant que certaines entrées ne sont pas disciplinaires : on y trouve des enseignements (HDA (histoire des arts), EMI (éducation aux médias et à l’information)) qui ne coïncident nullement avec des disciplines.
Il est également très souvent fait référence dans le texte à des parcours (PIIODMEP Parcours Individuel d’Information, d’Orientation et de Découverte du Monde économique et Professionnel), PEAC (Parcours d’Education Artistique et Culturelle)), qui devraient s’articuler avec enseignements et/ou discilpines ; il faut relever aussi au fil du texte l’importance donnée au numérique.
En revanche, certaines disciplines ne font pas l’objet d’une entrée particulière : les langues vivantes et régionales sont indissociées, ce qui nie la spécificité de l’enseignement de chaque langue.
Les sciences et technologie ne font l’objet que d’une entrée commune au cycle 3, et il est fait référence à l’EIST (Enseignement intégré des sciences et technologie) – que nous contestons- en 6ème.
Les trois volets sont suivis d’un cahier des charges pour la mise en place des EPI (enseignements pratiques interdiciplinaires), texte qui ne présente que peu d’informations sur le déroulé de ces enseignements, leur contenu, leur mise en oeuvre.
Il n’est donc pas possible de qualifier ces textes de programmes “interdiciplinaires” à proprement parler, alors que la ministre a présenté la réforme du collège sous cet angle prioritaire.
**Organisation des programmes
La scolarité obligatoire étant organisée en cycles, les programmes le sont aussi : le collège est donc concerné par le cycle 3 (CM1-CM2-6ème) et le cycle 4 (5ème-4ème-3ème).
Les programmes sont écrits pour l’ensemble du cycle, sous forme de curricula, et proposent parfois (en HG, en Maths) des repères annuels, mais ce n’est pas toujours le cas, et parfois seuls sont indiqués des “attendus” de fin de cycle.
La présentation par cycle, et de façon curriculaire, peut présenter un intérêt sur le plan pédagogique, mais il ne faut pas trop vite célébrer la liberté et l’autonomie que cela procure, et plutôt pointer les limites du projet.
C’est évidemment un problème pour le cycle 3 car cela nécessitera une concertation importante des équipes inter-degrés (on peut craindre ici un renforcement de toutes les hiérarchies intermédiaires que nous dénonçons dans la réforme du collège, et un pouvoir accru des coordonnateurs de cycle en particulier), et cela entraînera une surcharge de travail non négligeable.
En outre, cela pose évidemment des problèmes en cas de changement d’établissement d’un élève au cours de la scolarité obligatoire, puisque la progression au sein de chaque cycle relève de l’autonomie des équipes et sera donc différente d’un établissement à l’autre.
Si on ajoute à cela l’arrêté du texte collège [[ARRÊTÉ relatif à l’organisation des enseignements dans les classes de collège
Article 10 :
L’établissement peut moduler la répartition du volume horaire hebdomadaire par discipline, dans le respect à la fois du volume horaire global dû à chaque discipline d’enseignement obligatoire pour la durée du cycle et du volume horaire global annuel des enseignements obligatoires dû à chaque élève. ]] qui permet de moduler par année l’horaire disciplinaire dans le respect du volume global du cycle, on imagine les disparités qui vont émerger d’un collège à l’autre. Le cadre national va voler en éclats.
**Philosophie du texte
Les programmes se déclinent tous de la même façon : on entre dans les contenus par la compétence (“compétence attendue”) et éventuellement, pas toujours, on lui associe des connaissances (“connaissances associées”).
Ce changement de conception du “savoir” disciplinaire est évidemment très important. Il ne s’agit pas de nier l’importance d’une démarche pédagogique qui associe compétences et connaissances, mais il faut relever que la finalité aujourd’hui de l’enseignement est essentiellement d’atteindre des compétences, ce qui modifie en profondeur la conception de la “culture” à transmettre et du rôle de l’éducation dans la construction de l’individu, ce qui laisse également entrevoir de sérieuses dérives à venir sur l’évaluation.
Les termes employés pour définir les compétences visées sont variés, mais l’occurrence “sensibiliser” est importante : on peut craindre à la fois une baisse des exigences des connaissances visées, un changement de nature aussi de l’enseignement, et des dérives importantes dans l’évaluation de telles “compétences” qui font appel à la plus grande subjectivité.
**Des programmes en cohérence avec le nouveau collège
Les appréciations du contenu des programme sont très diverses selon les disciplines, et certains collègues sont plutôt séduits par le projet.
Ce qu’il faut néanmoins souligner, c’est que l’on s’achemine peu à peu vers une disparition des disciplines en tant que telles (brouillage entre discipline-enseignement-parcours, entrées exclusives par les compétences, globalisation du contenu de certaines disciplines (LV, sciences et techno), croisement interdiciplinaire artificiel).
Cela va s’accompagner d’une dégradation importante des conditions de travail pour les enseignants, qui devront se concerter constamment (sans temps prévu pour cela) pour un travail commun : on comprend bien ici pourquoi la réforme du collège prévoit de nombreuses hiérarchies intermédiaires (coordonnateurs de cycle, de niveau, de diciplines) pour organiser – et contrôler- ce temps de travail supplémentaire.
Par ailleurs, certaines disciplines disparaissent totalement : c’est le cas des langues anciennes. Le latin apparaît de temps à autre comme contribuant à l’acquisition du français…
Rappelons que l’enseignement du latin n’est pourtant pas marginal au collège, il concerne 20% des élèves. La suppression de cette discipline est une attaque majeure qui ne soulève pas l’indignation syndicale méritée.
D’autres disciplines (HG, par ex) sont déclinées avec des priorités en gras, et des sujets laissés au choix des enseignants.
Le cadre national de référence est déjà mis à mal à travers la réforme du collège (20% des horaires dépendent de l’autonomie de l’établissement), mais le fait que le contenu même des programmes soit si peu cadré fait craindre les plus grandes disparités d’un collège à l’autre, d’un enseignant à l’autre…
Les inégalités de traitement qui s’en suivront feront éclater un peu plus le caractère “national” de l’éducation.
Véronique PONVERT