Poursuivre la lutte contre la réforme des retraites

Il nous faut lors de ce CN tracer des perspectives pour la suite de la mobilisation contre la réforme des retraites. Celle-ci, après 2 mois et 11 journées, est toujours de haut niveau, et très largement soutenue par la population, ce qu’il faut avoir en tête pour penser les suites. Mais elle ne répond pas aux schémas traditionnels qui ont marqué les mouvements précédents ; une analyse de ces dynamiques et de leurs évolutions est nécessaire.

Le premier élément tourne autour du travail. Dans un contexte de flambée inégalitaire profitant toujours aux plus riches, travailler deux ans de plus est insupportable en particulier du fait de l’exacerbation de l’exploitation. Trente ans de transformation libérale de son organisation ont produit pour toutes et tous intensification, souffrance, perte de sens et d’utilité sociale, mais aussi augmentation des inégalités d’espérance de vie, ou de morts au travail.

Le deuxième élément, plus récent, réside dans l’indignation démocratique face aux passages en force répétés du gouvernement et au mépris manifesté par Macron. Elle a suscité de nombreuses manifestations spontanées mais aussi, et c’est un fait majeur, l’entrée dans la lutte de la jeunesse, quasi absente jusque-là. Les AG étudiantes dans les universités sont suivies significativement. La part des jeunes dans les cortèges des dernières journées est conséquente.

Deux éléments explicatifs donc, mais aussi quelques autres caractéristiques importantes à avoir en tête:

  • pas de secteurs réellement moteurs de la mobilisation à même d’en accélérer les rythmes et d’impulser un autre tempo que celui donné par l’interpro.
  • Des actions de blocages, largement investis par les équipes militantes, qui participent de la généralisation de la mobilisation et de la construction d’un vécu commun.
  • une extension géographique et professionnelle de la mobilisation au-delà des lieux et secteurs habituels, la multiplication des manifestations dans les villes petites et moyennes est très significative
  • une articulation de fait du rythme de la mobilisation et du calendrier législatif
  • Une confiance dans les décisions de l’interpro pour décider de ce rythme, renforcée par l’unité

Quid du monde enseignant dans tout cela ? Il reste le secteur qui affiche journée après journée les plus gros taux de grévistes. Il n’est pas acteur de seconde zone de la mobilisation. Engagement de façon répétée dans la grève pour beaucoup, participation aux opérations de blocage, mobilisation plus ponctuelle et tournante pour certain·e·s, nous avons à faire à une profession qui a pris massivement sa part à la lutte,à sa légitimation et sa visibilisation.

Une fois tout cela évoqué, quelle stratégie pour les semaines à venir ?

Le mouvement a réussi à délégitimer comme rarement le gouvernement et le président. En s’appuyant sur ses points forts, il faut poursuivre la lutte, sans jamais opposer les différentes modalités de mobilisation (grèves, manifestations, blocages…) qu’il nous faut soutenir explicitement. Jusqu’à la décision du conseil constitutionnel, les temps du politique et du mouvement social resteront liés. Il faut continuer de peser après le 6 avril, pousser toutes initiatives locales en suivant, et mettre en perspective, malgré les difficultés liées aux vacances scolaires, une nouvelle journée de grève et manifestation le jeudi 13 avril, veille de la publication de l’avis du conseil constitutionnel, et rassemblements le 14 au soir quel que soit cet avis.

Nous entrerons après dans une nouvelle séquence, difficile à anticiper. La perspective du RIP est fragile, en particulier parce qu’elle laisse au final entre les mains des parlementaires le sort de la réforme, sans garantie, du fait des délais, de la permanence d’un mouvement social en capacité de peser sur leur décision. Poursuivre aujourd’hui la lutte jusqu’au retrait de la loi, tout en portant et légitimant nos mandats est un pari moins hasardeux. Si au final il ne nous restait plus que cette perspective, il faudra la mettre à profit pour mener des campagnes syndicales de terrain, en lien avec les collectifs et mouvements politiques de gauche pour renforcer notre camp social et construire la conviction de la nécessité d’une rupture égalitaire, sociale et écologique aux politiques libérales mortifères.