Applaudi outre-Rhin, salué par les libéraux français, plébiscité par le Medef, le « pacte de responsabilité » présenté par François Hollande lors de sa conférence de presse du 14 janvier a de quoi faire frémir. Car la seule responsabilité qu’il engage est celle du chef de l’État. Quant aux conséquences de cette politique de l’offre, elles vont porter sur les salarié-es et leur pouvoir d’achat. Aucune contrepartie sérieuse n’étant exigée du patronat en terme de création d’emplois… Une nouvelle preuve de l’orientation libérale assumée de ce gouvernement.
Le « pacte de responsabilité », détaillé par le président de la république lors de sa 3ème conférence de presse du quinquennat, le 14 janvier dernier, doit conduire à une baisse des cotisations des entreprises à hauteur de 30 milliards d’euros d’ici 2017. Objectif affiché ? « Inverser la courbe du chômage », selon la formule consacrée. Une orientation libérale affichée et assumée, aussi bien par le gouvernement que par François Hollande qui qualifie l’État de « trop lourd, trop lent, trop cher » et déplore les prétendus « excès et abus » de la sécurité sociale ! Une orientation qui cautionne aussi le dogme du « coût du travail ». N’oublions pas que la valeur ajoutée des entreprises provient du travail. Il convient plutôt de se poser la question du surcoût du capital ! Une étude récente le chiffre entre 94 et 140 milliards d’euros par an. Quant aux coûts des salarié-es, ils représentent en moyenne dans l’industrie 22 % des coûts totaux et les cotisations sociales patronales seulement 23 % de ces 22 %… Même si on retirait toutes les cotisations patronales, la baisse du coût pour les entreprises serait au maximum de 5 %.
Faire des économies, encore et toujours…
Pour financer ces baisses de « charges », l’État prévoir d’exonérer les entreprises des cotisations familiales. Cependant, outre qu’il s’agit d’une nouvelle entaille dans la branche famille de la Sécurité sociale, le « pacte » ne pourra être financé seulement par ces exonérations. Il faudra donc bien trouver où faire des économies. La cible privilégiée par Bercy est aujourd’hui connue : il faudra de nouveau réduire les dépenses publiques de près de 50 milliards sur 3 ans. Pour trouver ces économies, un « conseil stratégique de la dépense » se réunira mensuellement pour mettre en œuvre activement la MAP (modernisation de l’action publique). Mais la boussole a déjà été donnée par Didier Migaud, président de la Cours des comptes, qui prenait le 9 janvier dernier des exemples tels l’enseignement ou l’assurance maladie : l’octroi de moyens supplémentaires ne serait « pratiquement jamais la meilleure réponse à un problème »! « Cela peut même s’accompagner d’une dégradation de la qualité des services publics » concluait-il…
Les politiques d’austérité ça ne marche pas
Pourtant, l’austérité ne peut pas relancer l’activité. Les exemples grecs ou espagnols pourraient se suffire à eux-mêmes… L’emploi se créé par une politique de la demande, et non par des mesures sur l’offre, qui plus est financées par un transfert sur les ménages. D’autant que la crise actuelle est une crise de surproduction. Le vrai « problème » des entreprises aujourd’hui c’est bien la demande, qui va encore diminuer à cause des réductions des dépenses publiques et du pouvoir d’achat. D’ailleurs, prudent, le MEDEF se garde bien de chiffrer les créations d’emplois qui seraient induites par ces allègements de cotisations. Les Échos du 16 janvier expliquent d’ailleurs que « les précédentes baisses de charges [n’ont] pas donné lieu à de telles contreparties ». Ainsi, le quotidien anticipe : « la plupart des entreprises devraient consacrer ce gain financier à leur désendettement et à la reconstitution de leurs trésoreries ». La messe est dite. Si le Haut conseil sur le financement de la protection sociale devrait calculer l’impact, secteur économique par secteur économique, des différents scenarii, le Medef s’oppose à tout engagement chiffré. Mais, bon prince, il accepte le principe de création d’un observatoire « à condition qu’il ne se transforme pas en tribunal » a prévenu Pierre Gattaz.
Tout bénef pour le Medef !
C’est donc tout bénef pour le Medef ! Au sens propre puisque ces largesses fiscales devraient leur permettre de doper leurs bénéfices. A tel point que le patronat craint que cela n’engendre, mécaniquement, une hausse de leurs impôts, et notamment de l’impôt sur les sociétés (IS). Une facture de plusieurs milliards d’euros dont les entreprises ne veulent pas s’acquitter. Elles sont déjà intervenues en ce sens auprès de Bercy qui leur aurait donné l’assurance que la baisse des « charges » s’accompagnerait d’une baisse de l’IS. Un comble ! Et un récent sondage a de quoi inquiéter : 67 % des Français-es soutiendraient la baisse des cotisations sociales des entreprises, et 61 % l’objectif de réduire la dépense publique ! Le texte a minima des organisations syndicales CGT-CFDT-FSU-UNSA ne propose pas d’alternative et ne présente pas d’opposition franche aux politiques gouvernementales.
Pour l »EE, on ne peut pas s’inscrire « dans le cadre du pacte de responsabilité » qui supposerait qu’on peut aménager à la marge des politiques antisociales en contrepartie d’hypothétiques créations d’emplois. Il est donc impératif de continuer notre travail de conviction et de promotion des alternatives, pour un autre partage des richesses, auprès des citoyen-nes déboussolé-es.