Mobilisations retraites, ne boudons pas nos victoires

  • Intervention école émancipée par Arnaud Malaisé au CDFN de la FSU mai 2023 –

Quelle qu’en soit l’issue sur le fond, il sera nécessaire de tirer un bilan sincère de ce mouvement contre la réforme des retraites. 

De toutes ses réussites, au-delà de son caractère massif, comme de tout ce qui n’a pas fonctionné, notamment la mise à l’arrêt du pays le 7 mars et le blocage de l’économie attendu. 

Ce mouvement à l’unité syndicale sans faille a d’ores et déjà remporté une véritable victoire morale qui renforce le syndicalisme. 

Car si nous n’avons pas encore gagné, le pouvoir a déjà perdu. 

Il a perdu l’opinion, il a perdu la démocratie sociale, il a perdu au Parlement avec le 49.3 et devrait perdre de façon éclatante à l’Assemblée le 8 juin prochain… Bref, le pouvoir a perdu toute légitimité démocratique, et même l’appui de ceux pour qui il gouverne, avec la dégradation de la note de la France.

De notre côté, nous devons aller le plus loin possible dans cette configuration intersyndicale inédite pour faire basculer le rapport de force en notre faveur, notamment sur la brûlante question salariale. Et faire progresser la perspective d’un autre monde.

Cet appel d’air unitaire interpro peut également profiter aux bagarres sectorielles et continuer à permettre d’aspirer les organisations syndicales dans des mobilisations communes.  

A l’échelle de la Fonction publique, après cette semaine de bilatérales centrées sur les salaires dans le contexte d’une inflation insupportable, il s’agit d’initier dès à présent la construction d’une mobilisation. Dépasser le premier pas, basique mais indispensable pour réenclencher la dynamique unitaire, d’un courrier commun au gouvernement pour ouvrir la perspective d’une grève afin d’arracher une hausse légitime de la valeur du point d’indice. Exiger 10% comme solde des arriérés de 2022 et des prévisions de 2023 apparaît comme une revendication juste. 

De même, dans l’éducation, avec le « pacte enseignant », moyen redoutable, entre autres, de s’attaquer au statut, la négation du métier des AESH et aussi, et peut-être surtout, l’emblématique réforme de la voie pro qui entérine le tri social. 

Tout l’enjeu est bien de construire des réponses fédérales percutantes qui pourront également participer à surmonter les difficultés rencontrées pour y maintenir l’arc unitaire.

Pérenniser ce cadre unitaire interpro dans la durée et dans une forme multiple de déclinaisons sectorielles n’empêche pas en parallèle de l’articuler avec la poursuite d’initiatives pour construire un nouvel outil syndical. Forcément dans un format plus réduit au vu des différences d’orientations stratégiques, donc avec CGT et Solidaires sans fermer la porte à d’autres, pour faire simple. 

Du côté du pouvoir, deux traits marquants caractérisent les fameux « 100 jours d’apaisement » de Macron, artifice de langage face à l’impasse politique dans laquelle il s’enferre.

D’une part, leurs aspects autoritaires, qui fleurtent dangereusement avec l’illibéralisme. D’autre part, une forme de fuite en avant pour réenclencher un travail idéologique afin de poursuivre ses contre-réformes néolibérales. 

Ainsi Macron instaure des simulacres démocratiques pour tenter de justifier ses politiques. Entre la consultation « en avoir pour ses impôts » qui propage insidieusement le non-consentement à l’impôt ou celle sur la hausse de 4 degrés actant un renoncement à une lutte déterminée contre le réchauffement climatique, en privilégiant ici très largement les mesures d’adaptation à celles d’atténuation. 

Mais depuis près de 4 mois, le mouvement social met à mal cet édifice macronien. C’est bel et bien lui qui permet une réappropriation du politique avec notamment la remise au premier plan de la réalité du travail et de celles et ceux qui le font au quotidien. 

Ainsi, les « 100 jours » se transforment en « 100 jours du zbeul », un feu roulant d’actions, pour rendre toujours aussi visible le rejet massif de la réforme des retraites, et plus largement des politiques néolibérales, avant la nouvelle journée de grève du 6 juin.

L’enjeu maintenant est bien d’aller au-delà de la seule « victoire morale » pour le mouvement social. 

L’urgence nous mord fortement la nuque entre la crise démocratique patente et la menace grandissante de l’extrême-droite nourrie par l’acharnement et l’obstination à poursuivre des politiques néolibérales. Mais également sécuritaires et jalonnées de répressions d’État dont certaines aux relents xénophobes comme la destruction inhumaine de bidonvilles à Mayotte ou l’enquête statistique ciblée sur les élèves fêtant l’Aïd. 

Pour la première fois aussi clairement, l’extrême-droite pourrait sortir renforcée après une mobilisation sociale. Nous devons donc défaire et l’extrême-droite et le libéralisme. Dit autrement, faire gagner la gauche. 

L’urgence est donc à élargir notre cadre d’action, à dépasser le seul cadre syndical et à l’ouvrir à l’ensemble du mouvement social ainsi qu’aux forces politiques de gauche pour mettre en échec cette réaffirmation néo-libérale mâtinée d’ordre qui prépare une fort possible accession fasciste au pouvoir. 

Élargir pour gagner sur les retraites évidemment, mais également gagner sur la nécessité d’une toute autre répartition des richesses, passant par une augmentation générale des salaires, d’un développement des services publics comme freins aux inégalités grandissantes et de l’urgente bifurcation écologique.