Par Antoine Vigot
La guerre sévit à nouveau en Europe, bien qu’elle n’ait jamais disparu sur la planète ces dernières années comme l’ont montré, parmi d’autres, les guerres en Irak, en Afghanistan ou au Yemen. Elle complexifie une situation déjà déterminée par la crise climatique. Cela impose à notre génération d’être à la hauteur des enjeux, sans opposer les questions internationales aux questions sociales et climatiques, car elles sont liées et doivent être affrontées ensemble.
La fédération a tenté de saisir la réalité de la guerre en Ukraine, sans la lire avec une grille d‘analyse héritée de la guerre froide, en dénonçant l’impérialisme renouvelé du régime russe de Poutine qui s’est développé ses dernières années, en Georgie, en Crimée, au Donbass ou en Syrie. Et le sort de la résistance ukrainienne nous importe car, selon qu’elle soit écrasée ou pas, la sitution ne sera pas la même pour éviter un monde dessiné par les rapports de force brutaux. Cette guerre est en effet une guerre du XXIe siècle, avec des enjeux cruciaux.
C’est une guerre verte comme l’a montré l’enjeu énergétique, celui de la production nucléaire ou celui de l’arme alimentaire que contrôlerait Poutine avec la conquêtes des « terres noires », le tchernoziom ukrainien, un des greniers céréaliers du monde. L’enjeu aussi du respect global du droit international, qui pour nous n’est pas un instrument de domination mais un élément au service de l’émancipation des peuples. C’est pourquoi nous défendons un droit international qui n’est pas à géométrie variable : ce qui donne notre cohérence à la critique de la diplomatie guerrière de Poutine, c’est notre capacité à dénoncer également l’apartheid dont sont victimes les Palestinien ne s, les frappes saoudiennes qui accablent les civil e s au Yemen ou les exactions de l’armée française au Mali. C’est cette conscience qui nous guide aussi pour refuser de verser dans un atlantisme ou un interventionnisme militaire qui conduirait, à une escalade dangereuse.
De ce point de vue, la question du réarmement va devenir une question politique centrale pour les années à venir et le mouvement syndical. Le choix de l’Allemagne de réarmer, celui de la France d’élever le budget militaire, le portant à 40 milliards en 2022, soit une augmentation de 30 % sur les cinq dernières années ne sont pas une solution pour la paix. Ces dépenses n’auront aucune utilité sociale ni environnementale. Il faut contester ce choix syndicalement en développant des campagnes contre le militarisme. Elles serviront aussi à lutter contre l’interventionnisme français, destructeur comme l’a montré l’échec au Mali ou le double discours de nos dirigeants sur les ventes d’armes. Notamment quand on apprend que la France a continué jusqu’en 2020 à vendre des armes à la Russie ou qu’elle vend à l’Arabie Saoudite les missiles qui martyrisent le peuple yéménite.
La guerre aura des conséquences économiques et sociales dans la durée : la confrontation des classes dirigeantes du capitalisme international est un fait hélas appelé à perdurer. C’est pourquoi nous devons articuler nos revendications sociales et climatiques à celles pour la paix. Lutter pour la paix, c’est développer la conscience des enjeux auprès de nos collègues, des travailleurs et travailleuses. L’internationalisme n’est pas, ne peut plus être un supplément d’âme de l’action syndicale, il en est pleinement consubstantiel. La conjonction du mouvement interprofessionnel du 17 mars avec les rassemblements de solidarité pour l’Ukraine en donnent dans l’immédiat l’occasion.
A plus long terme, nous avons besoin d’un mouvement de masse pour la paix. Comparé à d’autres pays, force est de constater qu’en France nous n’avons pas réussi aussi bien qu’on le voudrait à mobiliser. C’est une tâche à investir dans les semaines à venir . Une tâche de notre syndicalisme de développer la solidarité avec la résistance ukrainienne et les opposants en Russie et en Biélorussie. Syndicalement nous devons le faire avec les moyens qui sont les nôtres, c’est à dire humanitaires. L’organisation d‘un convoi syndical pour l’Ukraine est de ce point de vue essentielle et permettra accessoirement de développer les liens entre les organisations de transformation sociale. Elle va nécessiter un investissement matériel fort de la fédération, des syndicats nationaux et des sections départementales. Nous devons nous donner les moyens de la solidarité pour qu’elle ne se résume pas à des mots !