Mobiliser pour la paix et la solidarité internationale sans hiérarchiser, pour peser sur les politiques menées

Par Antoine Vigot (Normandie)


Il est bienvenu que la réflexion sur la situation internationale vienne irriguer à nouveau la réflexion du texte action et ne fasse pas l’objet d’une discussion séparée. C’est une question de fond et de méthode. Concernant d’ailleurs la méthode de préparation des débats à la CAN sur les sujets DLI, les militant.e.s de l’école émancipée veulent rappeler leur attachement à un fonctionnement réel et pluraliste des secteurs. Des marges de progrès sont possibles : nous souhaitons vivement que la réflexion soit élaborée collectivement en leur sein pour préparer les travaux de la CAN, ce qui éviterait de travailler dans l’urgence et à l’aveugle. 

C’est d’autant plus important que, l’actualité nous le démontre au quotidien, ces enjeux internationaux ne peuvent être déconnectés de notre réflexion pour l’action. Sur le climat, bien sût, le texte le rappelle, sans souligner pour autant combien le choix du nucléaire fait par le gouvernement Macron, comme celui de la croissance à tout prix sont des décisions nocives pour les générations futures.

Avec la crise climatique, c’est aussi la question des guerres qui pèse sur la situation. La déclaration de Macron a insisté sur le « réarmement » du pays : il a annoncé une généralisation du SNU et est allé jusqu’à cibler les utérus des femmes pour un grand bond en avant nataliste, qui sent la naphtaline vichyste, pour produire de la chair à exploitation ou à canon. L’ approche militariste des sujets sous l’angle du réarmement aura des conséquences sur nos métiers, elle doit être comprise doublement : comme un retour à l’ordre mais il faut aussi la lire à l’aune des conflits majeurs en cours. Il nous revient de conscientiser et d’organiser le salariat, nos collègues pour que les mobilisations populaires pour la paix et la solidarité internationale pèsent sur les politiques menées.  Très rapidement, je voudrais revenir sur trois enjeux pour lesquels la mobilisation du SNES, avec la FSU est importante et nécessaire. Deux n’ont pas été traités : 

 – La solidarité avec la population ukrainienne victime de l’agression du gouvernement russe de Poutine. Alors que les difficultés sont réelles que la campagne électorale américaine montre à quel point la solidarité avec Kiev est fragile, il faut inlassablement, rappeler notre soutien aux organisations progressistes et syndicales ukrainienne, notamment à l’occasion des mobilisations qui auront lieu en Février autour de l’anniversaire des trois ans du conflit. Cette perspective doit figurer dans nos mandatements.

– En Argentine, c’est une autre guerre sociale qui a lieu contre la population depuis l’arrivée du néofasciste Milei au pouvoir, qui a restreint les libertés d’expression, de manifestation et de revendication, ainsi que l’a dénoncé justement l’Internationale de l’Éducation. Il s’apprête à des coupes sombres dans les services publics avec des licenciements massifs. Le 24 janvier , les syndicats argentins, et notamment la CGT appelle à une journée de mobilisation d’ampleur. L’Argentine est un laboratoire scruté par toutes les forces fascisantes et conservatrices. Il y a un fort enjeu à se mobiliser. En France , une intersyndicale avec la FSU, la CGT, Solidaires, l’UNSA, la CFDT, FO appelle à se mobiliser ce jour là, notamment devant l’ambassade argentine à Paris. Le SNES-FSU doit diffuser et mobiliser sur cette date. 

– La Palestine enfin. La guerre touche tout le Proche-Orient et menace l’économie mondiale.  Sur ce point nous partageons donc les objectifs de mobilisation pour un cessez-le-feu urgent et permanent. Pour nous, il s’agit bien de choisir un camp : celui du droit international qui, de façon inlassable rappelle que le peuple palestinien est spolié de ses terres depuis des décennies. Pour autant, les formulations proposées ne nous satisfont pas pleinement. Nous pensons que alors que l’Afrique du Sud avec 30 pays attaque Israël pour violation de la convention sur la prévention et la répression du génocide devant la cour de justice internationale, le terme de « massacres » ne suffit plus. Si le mot effraie, une formule de synthèse pourrait sans doute être celle plus englobante de « crimes contre l’humanité », car ceux-ci sont largement documentés, notamment celui d‘apartheid. C’est aussi pourquoi, il faut préciser : ce n’est pas d’« actions » à notre sens qu’il faut parler mais de sanctions.

Il y a enfin deux maladresses dans la rédaction : mettre en premier lieu, comme une priorité, la question de la libération des otages à part de celle des prisonniers,  pourrait laisser penser que c’est ce que le SNES hiérarchise. L’arrêt des bombardements vient avant.

Autre chose, écrire aujourd’hui sur la garantie du droit à la sécurité d’Israël dans le contexte actuel, où cet État ouvertement gagné par le fascisme ne respecte pas le droit à l’existence des Palestinien ne s, met dans sa loi fondamentale des dispositions qui discriminent les arabes et avantagent les seuls Juifs et juives est surprenant. Nous sommes bien sûrs attachés au droit à la sécurité de toutes les populations vivant dans la région, mais nous voulons rappeler qu’en droit international, on parle d’un droit à la « sécurité collective ». Israël est reconnu internationalement, pas de débat entre nous, mais son gouvernement et sa politique de colonisation et d’apartheid, ses crimes militaires sapent le droit international qu’il bafoue depuis au moins 1967 alors que cet État ironiquement ne tient que de l’ONU sa légitimité. Nous proposons de supprimer cette expression ou de parler du droit à la sécurité de toutes les populations. 

Dernière chose, dans un texte action, convient-il de prendre ouvertement partie sur la solution à deux États, sans préciser ce qu’on entend par là ? C’est une question complexe et les lignes bougent : l’historien israélien Schlomo Sand, longtemps partisan des deux État vient d’argumenter dans un livre stimulant sur un État binational démocratique comme solution politique pour une paix durable. Reconnaissons que cette question appartient aux acteurs sur le terrain. Nous proposons d’en rester à une formulation sur l’attachement au droit international (qui comprend celui au retour des Palestinien·nes) et à l’autodétermination des populations, qui ne ferme pas nos mandatements et permet de conserver une certaine souplesse de mandatement par rapport aux cadres unitaires.