« Il n’y a pas de climat anti-Blanquer dans l’Education Nationale », le ministre a t-il déclaré ce dimanche sur France Inter.
Concédons qu’il n’est pas le seul membre du gouvernement à susciter critiques et rejet : citons Agnès Buzyn à la Santé, Franck Riester à la culture, Frédérique Vidal à l’Enseignement supérieur et la recherche ; il y a aussi le fédérateur Edouard Philippe, avec sa réforme des retraites. L’éducation a d’ailleurs été l’un des secteurs les plus en pointe en décembre, et si la mobilisation se cherche dans de nouveaux moyens d’action et s’articule à d’autres sujets, elle ne faiblit pas.
Blanquer a beau dire (« 99,9 % des enseignants sont d’accord avec ce que je dis »), sa politique cristallise la contestation tant elle parachève la lame de fond néo-libérale qui détruit l’école depuis 15 ans :
Personne ou presque n’est dupe de sa prétendue « revalo » : il ne s’agit pas d’augmentations mais de compensations des pertes induites par la réforme des retraites, qui ne concerneront pas tout le monde, prendront la forme de primes et s’accompagneront de dégradations des conditions de travail.
Dans le 1er degré, sa seule réponse au suicide de Christine Renon a été de ressortir du placard le statut de directeur d’école – chef d’établissement, pourtant retiré du compromis final de sa loi sous la pression des personnels mobilisés l’an passé.
Dans le supérieur, Blanquer partage la vedette avec Frédérique Vidal, mais même là, il a dû reporter d’un an la mise en œuvre des nouvelles maquettes dans les Inspé face à la multiplication des motions et positions hostiles.
Dans le 2nd degré ces derniers jours, les E3C concentrent la contestation, qui entre cette semaine dans une phase décisive avec le début des épreuves. La mobilisation est remarquable par son ampleur, bien que les épreuves soient désormais locales et pas toutes au même moment :
– tous les territoires sont touchés. Les remontées de nombreuses académies (Bordeaux, Lyon, La Martinique, Nantes, Orléans-Tours, Poitiers, Rennes, Rouen, Toulouse, pour n’en citer que quelques unes) montrent que la mobilisation dépasse largement la petite quarantaine d’établissements, selon le ministère, dans lesquels les épreuves ont été perturbées.
– le front de la contestation est inédit : tous les syndicats y compris le SGEN et l’UNSA en font partie, mais aussi la FCPE, elle qui était plutôt favorable au contrôle continu, ainsi que le SNPDEN, qui mesure l’usine à gaz que cela représente et dont les alertes publiques au ministère sont suffisamment rares pour indiquer un état du système proche de la rupture ; les élèves ne sont pas les moins inquiet-es et commencent à bouger, comme à Montauban.
– enfin, la mobilisation s’appuie sur les collectifs militants engagés contre la réforme des retraites, il n’y pas de désarticulation de ce point de vue entre les luttes en cours.
Alors que les DHG commencent à tomber dans les établissements et que l’impact de la réforme sur les postes et la carte des formations s’annonce catastrophique, faire reculer Blanquer sur les E3C serait un encouragement pour la suite, pas seulement dans les lycées, mais dans toute l’éducation.
Il faut donc une action syndicale résolue pour impulser, coordonner et faire connaître les actions de terrain sur les E3C, et défendre le cas échéant les collègues menacé-es de sanctions dans le cadre de leur action revendicative.
Il faut continuer à faire le lien entre les combats : pour une fois que l’offensive ultra libérale contre l’école apparaît aussi clairement dans sa cohérence, pour une fois que celui qui la porte est aussi largement contesté et fragilisé, il ne faut pas rater l’occasion de mobiliser dans toute l’éducation, et au-delà, sur des questions spécifiques mais fédératrices, pour une autre école. Elles doivent servir de carburant à la lutte contre le projet de réforme des retraites et une autre société.