Au vu de la feuille de route scolaire du gouvernement, Cette année encore, construire les mobilisations sur les questions scolaires sera indispensable. Cela doit être un des fils à plomb de notre travail syndical. Car si on ne parvient pas à l’enrayer, le caractère ségrégué de notre système scolaire en sera augmenté.
L’entêtement libéral à mettre en œuvre depuis plus de 20 ans des mesures dont les effets inégalitaires sont très explicitement pointés par la recherche montre bien que l’objectif est celui-ci : garantir une inégale distribution du capital scolaire au bénéfice des groupes sociaux dominants pour que face aux crises climatiques et sociales, le système des inégalités perdure le plus longtemps possible.
C’est ainsi qu’il faut entendre l’insistance sur les apprentissages dits fondamentaux, laissant aux familles culturellement favorisées le soin de distiller les savoirs de plus haut niveau indispensables à la réussite scolaire. Mais aussi le contrôle renforcé des pratiques enseignantes par la conjonction de différents dispositifs : les évaluations nationales, celles des écoles et des établissements, les mesures visant à la contractualisation des moyens (CLA, école du futur…) ou l’individualisation de la GRH. Le « plan maternelle » entend assujettir l’école première à cet objectif. La modification des programmes de la maternelle et particulièrement la substitution de la notion de « langage » par celle de « langue » prend en cette rentrée tout son sens. Par ailleurs le silence assourdissant du gouvernement sur les RASED, sur la prévention, sur l’adaptation, montre que de lutter contre la difficulté scolaire il n’est pas question.
C’est aussi ainsi qu’il faut entendre les mesures dans le secondaire : La nouvelle réforme de la voie professionnelle vise à l’assujettissement toujours plus grand aux besoins immédiats formulés par le monde économique, dont les métiers en tension, au détriment des disciplines scolaires participant de la formation de citoyens et citoyennes libres et éclairé.es, du bien commun et des enjeux climatiques et sociaux. Dans le même temps les parcours d’excellence sont vantés, avec la promotion des sections internationales, du CP à la seconde, où l’ambition culturelle est affirmée. Les mesures pour « l’égalité des chances » (implantation de filières d’excellence dans certaines rep, internat d’excellence…) ne visent que le renforcement de l’illusion méritocratique, en permettant l’accès d’une poignée d’élèves issu·es des classes populaires à l’élite.
Et s’Il y a perte du sens du métier c’est parce queles pratiques professionnelles, mais aussi les savoirs mis en jeu par l’école, sont l’objet d’un affrontement entre deux visions du système scolaire, l’une émancipatrice, l’autre, assujettie à l’entreprise, participant du système des inégalités. L’enjeu pédagogique est donc bien un enjeu politique, syndical. Plus que jamais le syndicalisme doit être l’outil d’organisation des résistances autour des questions vives du métier.
Nous avons là des pratiques syndicales à réinventer et à mettre à l’épreuve du terrain. Parce que si l’imposition des pratiques comme l’aliénation de l’inventivité professionnelle sont un assujettissement, la réappropriation collective des enjeux pédagogiques est un moyen de renforcer le métier et la capacité des personnels à résister et se mobiliser.
D’autant que les conditions de cette rentrée, l’état de l’école après deux ans d’une gestion erratique de la crise sanitaire, l’absence de moyens pour prendre en charge ses conséquences scolaires font qu’on n’est pas à l’abri du surgissement d’un nouveau 13 janvier.
Mais il faut en réunir les conditions. Cela implique d’articuler toutes nos propositions d’action autour d’une campagne pour un plan d’urgence pour l’école, de faire de la période budgétaire un moment de mobilisation pour l’École, mais aussi d’occuper le terrain sur le long cours afin de permettre que la profession trouve dans les ressorts pédagogiques et les cadres collectifs proposés par le syndicat les ressources pour entraver le désastre qui vient.
Adrien Martinez