Le mouvement de l’automne 2010 contre la réforme des retraites a été marqué dans la Fonction publique territoriale par une forte mobilisation des agents. La parole à la CGT…
Jusqu’au 12 octobre, les taux officiels de grévistes communiqués par le ministère à l’occasion des journées d’action ont été en constante augmentation, témoignant d’un élargissement de la mobilisation. Avec celle du 29 janvier 2009, les grèves du 24 juin 2010, des 7 et 23 septembre, du 12 octobre 2010 ont été les plus suivies depuis l’arrivée de Sarkozy à la présidence. Si l’on s’en tient aux seuls chiffres gouvernementaux, que l’on sait tronqués, ce sont au minimum de 270 000 à 290 000 territoriaux qui ont fait grève les 7, 23 septembre et 12 octobre.Au-delà des temps forts, de nombreux territoriaux se sont inscrits dans la reconduction de l’action. Sur la période du 13 octobre au 5 novembre, la CGT a recensé 1151 actions de reconduction menées dans 270 grandes et moyennes collectivités, réparties sur 82 départements. Ce processus a donc largement irrigué le territoire. Il a pris des formes très diversifiées : grèves reconductibles ; débrayages quotidiens ; participation aux actions interprofessionnelles de blocage ; actions symboliques diverses… Diversité des modalités découlant de la conscience qu’il fallait inscrire le mouvement dans la durée pour gagner et donc adapter les formes d’action à cette nécessité.
C’est donc bien un mouvement profond qu’a connu la FPT. Cette réalité s’explique au premier chef par la sociologie de la profession. Avec plus de 75 % d’agents en catégorie C, une forte proportion de précaires, de nombreux agents ayant connu des interruptions de carrières, l’impact de la réforme sur le niveau des pensions a particulièrement sensibilisé les personnels.
Le mouvement s’est caractérisé par une forte implication des secteurs les plus féminisés (écoles maternelles, cantines scolaires, crèches, secteur culturel, etc.). Les femmes, nettement majoritaires dans la FPT, ont bien compris qu’elles étaient tout particulièrement menacées par le projet et se sont mobilisées en conséquence.
L’ancrage du mouvement…
On a par ailleurs relevé une intensité particulière de l’action dans les secteurs impactés par la dangerosité et la pénibilité des missions, notamment dans les services techniques et plus particulièrement dans le ramassage des ordures ménagères. Des mouvements reconductibles ont été menés par les éboueurs dans plusieurs dizaines de collectivités, certains dépassant dix jours de grève voire plus, à l‘image de celui des éboueurs parisiens (trois semaines de grève et d’occupation du plus grand centre européen de traitement de déchets). Un nombre significatif de services départementaux d’incendie et de secours s’est de même impliqué dans l’action.Une autre dimension a favorisé le développement de la mobilisation : l’ancrage local de l’unité syndicale. Près de 20 % des appels locaux recensés par notre fédération ont été à caractère unitaire, niveau inédit ces dernières années. Quoique l’on pense du travail unitaire, de ses limites et des contradictions qu’il génère, l’unité d’action se confirme comme un puissant vecteur de mobilisation, nécessaire pour amener de nombreux agents à entrer dans la lutte.
Au fil du mouvement, a en outre grandi l’idée que la victoire passait par la mise sous pression des intérêts économiques du patronat, véritable commanditaire de la réforme. De nombreux territoriaux ont donc participé aux actions de blocage de voies de communications, plateformes logistiques, dépôts d’essence, entreprises, grandes surfaces, etc. Celles-ci ont permis d’affermir et développer de précieux liens unitaires et interprofessionnels.
Au global, on a donc constaté une réelle prise de conscience des enjeux de la part des territoriaux et en conséquence l’implication dans la lutte d’une fraction importante des agents. La FPT a d’ailleurs gagné en visibilité médiatique durant le mouvement.
… et ses limites
Pour autant, force est de constater que nous avons aussi butté sur des freins. Un nombre important d’agents n’a pas même participé ne serait-ce qu’à une assemblée générale. Ont certainement joué des phénomènes de résignation face au pouvoir le plus réactionnaire depuis Vichy, de difficulté sur le pouvoir d’achat, de développement de l’individualisme… Mais cela n’explique pas tout.Comme dans l’ensemble des secteurs professionnels, nous avons mesuré une nouvelle fois les conséquences du faible niveau d’organisation du salariat : la faiblesse de la syndicalisation et la division du mouvement syndical, réalités qui se nourrissent, handicapent fortement tout processus de mobilisation.
Le mouvement de l’automne 2010 est riche d’enseignements. Une des principales leçons que nous pouvons en tirer est qu’alors même que la disponibilité des salariés pour la mobilisation sociale s’est confirmée, le mouvement syndical doit évoluer profondément pour (re)devenir un outil de masse au service des salariés et de l’efficacité de leurs luttes.