L’APED(1) organisait, le samedi 13 novembre à Bruxelles, un colloque international(2) sur les orientations européennes en matière de politique éducative et leur impact sur nos sociétés. L’EE y était représentée. Le sujet était déjà sans équivoque, les intervenants en ont fait la démonstration : L’Education européenne est bien sous la coupe des marchés !
Christian Laval, Nico hirtt, Ken Jones, entre autres, ont rigoureusement illustré ce que les courants progressistes dénoncent et combattent depuis le traité de Lisbonne : les politiques éducatives européennes piétinent les objectifs humanistes de solidarité et d’égalité au profit des exigences du marché. Ainsi, les objectifs assignés aux systèmes éducatifs instillent une nouvelle norme, celle de l’individu capable de vivre dans la concurrence et la compétitivité, avec les compétences pour s’y adapter. Nous sommes bien face à une véritable mutation anthropologique, celle de « l’homme économique », flexible, mobile, compétitif… en d’autres termes, capable de s’adapter aux exigences du système néolibéral.On retrouve dans tous les discours de ce colloque la même intention : dissiper la confusion entretenue par les gouvernements en détournant des formules en apparence généreuses (il ne faut pas confondre autonomie et dérégulation, efficacité et efficience, réussite de tous et socle minimal commun, égalité et méritocratie)… Cette rhétorique semble particulièrement afutée en France où, malgré les discours officiels sur l’égalité républicaine, le système scolaire s’avère l’un des plus inégalitaires [[Ce constat vient d’ailleurs d’être conforté par les résultats des dernières évaluations internationales PISA.]].
Une question cruciale
Quelles sont les forces de résistance, leurs faiblesses et leurs perspectives ? Pour Ken Jones, deux forces principales mènent, depuis les années 90, une guerre d’usure face à des gouvernements sociaux-démocrates et conservateurs. D’une part la jeunesse, d’autre part, les travailleurs du secteur public d’éducation. Leur lutte est souvent soutenue par l’opinion publique, surtout quand elle apparaît un symbole de la défense d’un modèle social contre les projets des élites transnationales et d’une classe dirigeante nationale consentante.Mais l’équilibre des forces s’est déplacé vers le néo-libéralisme. Non que les mobilisations se soient taries (au contraire), mais les gouvernements européens disposent aujourd’hui d’un puissant sens de l’objectif commun : instances de l’UE et OCDE, glissement des partis sociaux démocrates vers un consensus néolibéral (et incapacité de la gauche radicale à percer), stratégie rhétorique du « choc » de l’opinion publique… Et l’attaque est telle qu’il est difficile de se mobiliser suffisamment pour s’y opposer. Ainsi Blair, Sarkozy, Berlusconi ou Papandreou ont pu attendre la fin de la tempête des protestations pour poursuivre leur politique.
Pour que la lutte sociale reste un potentiel d’action, l’opposition doit s’organiser à une échelle de mobilisation, de coordination sans précédent. Pour Ken Jones, cela parait improbable à court terme.
Il nous appartient donc de construire des réponses ciblées aux programmes gouvernementaux d’austérité et de privatisations pour obtenir de véritables reculs qui servent d’exemple et d’encouragement à la résistance d’autres secteurs. Le développement d’une force politique alternative capable d’organiser des actions à une échelle nationale et internationale sera lui aussi incontournable.
L’enjeu des débats de ce colloque est crucial. Il ne nous suffira pas d’une page de revue pour rendre compte de tous les arguments qui ont retenu notre attention. Nous commençons par une interview de Nico Hirtt sur la question des « compétences », une des questions syndicales concrètes les plus urgentes. Nous reviendrons sur les autres questions prochainement. (1) L’Appel pour une école démocratique, se définit comme « mouvement belge de réflexion et d’action qui milite en faveur du droit de tous les jeunes d’accéder à des savoirs porteurs de compréhension du monde et à des compétences qui leur donnent force pour agir sur leur destin individuel et collectif ». http://www.skolo.org/
(2) Les actes de ce colloque viennent de paraître sur le site http://www.skolo.org/spip.php?article1288