Nous nous retrouvons en congrès peu de temps après une mobilisation réussie. Le 22 mars a rassemblé dans beaucoup de villes des cortèges plus nombreux que le 10 octobre dernier. Avec un arc syndical plus faibles mais des parties prenantes plus diverses, les manifestant-e-s ont tenu à montrer leur attachement à un service public 100 % public.
Nous pouvons bien sur nous féliciter de cette réussite dont nous sommes partie prenante et qui en appelle d’autres. Dans cette perspective il est nécessaire d’amplifier nos dynamiques de campagne pour profiter d’un climat favorable aux luttes.
Si je me réfère à l’intervention de Bernadette Groison au matin du 22 mars sur France Info qui semblait insister sur les perspectives divergentes de la fonction publique et des cheminot-e-s ; j’ai le sentiment qu’elle a joué ici plus la concurrence des luttes plutôt que de valoriser leur convergence. La convergence a joué à plein dans la réussite de cette date, avec une compréhension plus répandue de la nature de ce gouvernement. Aussi nos appels montrent toujours un peu d’impréparation. Prenons très sérieusement à cœur la question de l’amplification des luttes et de leur convergence. L’affirmation de nos revendications propres ne suffit pas. Vouloir à tout prix se distinguer des cheminot-es à l’heure où nos problématiques sont analogues (défense du Service Public, défense des statuts) est un très mauvais choix de communication. L’espacement des mobilisations pose un autre problème : le 10 octobre 2017 est resté bien isolé dans le calendrier avant que soit annoncé ses suites. Ainsi nous devons poser lors de ce congrès les jalons d’une mobilisation qui se construise, qui aille crescendo. Dès le 3 avril, les cheminot-e-s nous montrent la voie, la CGT nous propose le 19 avril, il nous faudra savoir saisir toutes les opportunités. Nous ne pouvons pas sortir du 22 mars avec la seule perspective de retourner s’asseoir à la table du gouvernement, pensant lui avoir fait entendre raison.
Face à un gouvernement d’affrontement, le dialogue social nous mine. Le dialogue social qui nous est proposé est un monologue gouvernemental face auquel nous sommes relégués au rang de plantes rouges & vertes dans une vitrine. Ainsi les discussions dans le cadre de CAP 22 sont une impasse. Les jalons actuellement posés sont (pour ce qu nous concerne directement) : la fin des CAPA de mutation, la fin des CHSCT, la survenue de plans sociaux dans la fonction publique… A-t-on vraiment envie de rester sur la photo dans les étapes d’un processus de mise à mort de la fonction publique telle que nous la concevons.
Sur bien des dossiers, il y a urgence : « Parcours-Sup » et la réforme du bac annoncent le pire à venir, pas seulement sur les scandaleuses violences dont le mouvement est victime mais aussi sur les futur-es laissé-es pour compte. Si au jeu de la concurrence, on est tou-tes le cheminot de quelqu’un, au jeu du mérite, on est tou-tes la-le recalé-e de quelqu’un-e, le recalé d’un système qui ne mesure les chances de réussites des unes et des autres qu’au regard de celles et ceux qui évaluent. Ainsi à l’heure où les dés sont jetés dans la première étape de ce processus, il ne faut pas baisser la garde et poursuivre la bataille pour l’inscription de toutes et tous.
Aussi mesurons bien les conséquences sur l’avenir des jeunes mais aussi sur l’avenir de notre syndicalisme, des mesures qui nous tombent dessus. Elles entravent plus qu nous n’en avons conscience les possibilités de l’expression d’une contestation. La possibilité de licenciement de Gaël Quirante, militant de SUD-PTT dans le 92, offerte par la Ministre Mme Pénicaud à La Poste en est un symbole. Le recommandé notifiant cette décision a été posté le 22 mars, c’est dire comme ce gouvernement entend piétiner toute velléité revendicatives. La répression, s’abat ainsi sur un militant dont l’inspection du travail a reconnu à de multiples reprises que son action ne relevait que du strict exercice de l’activité syndicale.
Collège : la réforme ne lasse pas de déverser ses dommages collatéraux, les « parcours » empoisonnent les services, les EPI restent imposés un peu partout, l’évaluation et le positionnement ne cessent de diviser les collectifs de travail. Cette division est accentuée par l’autonomie croissante des établissements. Elle soumet de plus en plus de collègues aux pressions managériales, surtout quand les nouvelles modalités d’évaluation liées à « PPCR » se mettent en place.
C’est bien une logique d’atomisation du collectif, d’individualisation et de casse des solidarités qui est portée par le pouvoir, que ce soit dans nos métiers ou dans le reste de la société. Ce gouvernement, à la suite de ceux qui l’ont précédé, poursuit une politique d’affrontement au mouvement social, y compris violemment comme l’ont montré les récentes répressions policières lors des tentatives de mobilisations de la jeunesse.
Une réponse syndicale est nécessaire, et cela passe par la recherche des voies vers une réponse déterminée, la plus unitaire possible avec nos partenaires qui visent la transformation sociale (CGT, Solidaires…).Nous devons travailler à y engager vigoureusement la profession, et nous en donner vraiment les moyens par de vraies campagnes qui construisent le cadre d’une mobilisation dure et durable.
Plus largement, quand l’atonie voire la démoralisation peuvent parfois dominer certaines salles des profs, la situation exige que nous réfléchissions au-delà de notre syndicalisme. Nous devons avoir à l’esprit la refondation de l’ensemble du mouvement ouvrier, en lien avec les structures politiques et associatives qui se réclament de notre combat commun : changer la société pour un mode de production plus solidaire, plus écologique, pour se débarrasser des oppressions et des discriminations, à l’heure où la parole des femmes se libère.
Face à la détermination du gouvernement, mettons en œuvre un syndicalisme porteur de propositions globales, capable de proposer une transformation d’ensemble de la société pour que l’espoir change de camp !