Le lycée structuré en trois voies cristallise-t-il les inégalités sociales ou est-il encore un levier de la démocratisation scolaire ? Voilà les termes du débat que nous avons eu en commission.
Les élèves les plus en difficulté, s’ils étaient autorisés à intervenir à cette tribune, nous diraient leur appréhension à voir se rapprocher d’eux chaque année, et ce, dès l’école primaire, le souffle chaud de la mécanique à évaluer-orienter-sélectionner. Ils se savent assis sur un siège éjectable, et l’histoire scolaire leur mord la nuque. La fatalité des cursus scolaires leur apparaît, comme à nous tous avouons-le, d’une cruelle évidence et elle conduit à une série de renoncements en amont :
- Renoncement des élèves eux-mêmes qui nourrissent une forme de désespérance face au caractère apparemment impénétrable des apprentissages. « pas bien motivés ces élèves-là ! », entend-on dire d’eux.
- renoncement des collègues dont le Ministère charge les bras d’armes de sélection massive en leur intimant l’ordre de les utiliser sans sommation : instruments d’évaluation par les notes et par les compétences qui construisent les palmarès et scellent les destins scolaires, traçabilité numérique pour limiter les risques de tentative d’échapper aux assignations à résidence sociale, outillage prétendument pédagogique comme la différenciation, ressortie des oubliettes de l’histoire pour emballer la réforme du collège, et qui cantonne certains élèves dans des tâches de basse intensité intellectuelle au sein même de la classe.
- Renoncement de l’institution enfin qui fait tout ce qui est en son pouvoir pour accréditer l’idée que que les difficultés de ces enfants-là leur appartiennent par nature, et qu’il est urgent qu’ils se choisissent un métier ; qui se refuse à développer la formation professionnelle ou à construire les cadres où les enseignants pourraient collectivement et sans chef, travailler la difficulté des apprentissages pour les rendre accessibles à tous les élèves ; qui préfère fluidifier les parcours à coup de Destop anti-redoublement pour liquéfier les encombrements dans les siphons des carrières scolaires.
Tous ces renoncements indiquent que la structuration du lycée en trois voies socialement hiérarchisées travaille tout le système à rebours, qu’elle commande l’école tout entière par l’aval.
La voie professionnelle et parfois aussi la voie technologique récupèrent une partie des perdants de la compétition scolaire. On a beau dire que c’est le lycée quand même, combien d’élèves y voient un lycée de seconde catégorie, un lycée en carton, dans lequel on trouve parfois des classes homogènes de garçons, de filles, d’enfants de pauvres, d’enfants d’immigrés…
Le SNES veut casser ce programme de tri social et mettre au rebut le principe de concurrence de tous contre tous. Cela passera nécessairement par l’unification des parcours et des voies au sein d’un tronc commun pour tous les élèves jusqu’au bac. Un lycée commun qui par un haut niveau de culture générale, dotera la jeunesse de capacités instruites de réflexion et d’analyse lui permettant de peser démocratiquement sur l’avenir, et d’inventer un monde différent du monde de violence généralisée que nous promettent les politiques actuelles.