Intervention d’Antoine Vigot (CA inter)
L’actualité internationale depuis le CDFN de septembre dernier a été marquée par plusieurs questions qui interrogent la politique étrangère française et méritent une réflexion d’un point de vue syndical.
2 points seront développés dans cette intervention.
les enjeux liés à la paix
la question de la Françafrique
Mi septembre, la crise diplomatique qui a suivi l’annulation de la vente à l’Australie de 12 sous-marins par le groupe français Naval Groupe est venue rappeler s’il en était besoin la concurrence commerciale féroce que se livrent les puissances capitalistes entre-elles, fussent-elles alliées, mais aussi les risques stratégiques majeurs de la zone pacifique, où l’affrontement commercial croissant entre la Chine et les Etats-Unis peut prendre rapidement une tournure militaire.
De ce point de vue, la poursuite de la course globale aux armements, à laquelle la France , 3e exportateur mondial d’armes, participe activement, est porteuse de déstabilisations. Le choix stratégique , qui a fait consensus au sein des classes dirigeantes françaises, de faire du complexe militaro-industriel un moteur essentiel du capitalisme national s’avère risqué. Ce choix nous place face à un double danger militaire et climatique.
Danger militaire via les alliances liées aux ventes d’armes, et le risque d’être entraîné dans un conflit de grande ampleur. L’armée française s’y prépare activement : le nouveau chef d’état-major de l’armée de terre, Thierry Burckard, théorise le retour de la guerre de « haute intensité » et d’un affrontement direct entre Etats à l’horizon 2030. La guerre, question d’actualité pour de nombreux peuples confrontés aux interventions occidentales ces 20 dernières années, pourrait revenir au premier plan en Europe. Les conséquences d’un tel basculement seraient incalculables. Le mouvement social doit s’approprier ces enjeux. Le bilan des marches pour la paix en septembre est de ce point de vue symptomatique de la sous estimation de cet enjeu.
Danger climatique également : l’inflation des dépenses militaires et la production associée posent la question du coût environnemental, et de leur non soutenabilité au regard de la crise climatique. La FSU vient de signer de ce point de vue une pétition internationale en lien avec la COP 26, demandant que les activités militaires soient prises en compte dans les analyses du GIEC, notamment pour le calcul des émissions des GES. Pour l’instant elles ne sont pas prises en compte dans les calculs !
Sur ce point comme sur d’autres, la justice climatique rejoint la justice sociale : dans le champ syndical, cette question est lourde des enjeux liés à l’emploi industriel, aux reconversions sectorielles en lien avec la rupture vers un autre modèle, et s‘agissant d’un domaine du champ d’intervention de la FSU, elle interroge le rôle de la recherche publique et de ses partenariats avec les entreprises de la défense. Question dont il reste en partie à s’emparer syndicalement.
Du point de vue du terrain, l ’Afrique reste le domaine privilégié de l’impérialisme français, comme est venu le rappeler le récent sommet « Afrique-France » de Montpellier.
Cette vitrine officielle de la Françafrique avait pour ambition de montrer un changement dans la politique africaine de la France.
Le disque est bien rayé : E. Macron n’a pas remis en cause la place du Franc CFA et ses liens avec la banque de France. Il a annoncé un fonds innovation de 10 millions d’euros (à mettre au regard du milliard d’euros annuel que coûte l’opération Barkhane depuis août 2014. ).
Ce montant est par ailleurs bien faible au regard des sommes liées à l’accumulation par dépossession au bénéfice des groupes français, Bolloré ou Framatome ex Areva au premier chef.
La « coopération militaire » se poursuit avec les dictatures qui en bénéficient pour leur appareil répressif, comme au Tchad , au Cameroun ou au Congo Brazzaville, au mépris des aspirations de la jeunesse de ces pays.
Enfin les interventions militaires via la présence française au Sahel, le soutien à des coups d’État comme au Tchad ou le stationnement de troupes comme à Djibouti ne sont pas remis en cause.
La résistance à cette politique françafricaine existe, comme l’a montré le contre sommet organisé par un collectif d’organisations et qui a été l’occasion au passage de l’arrestation scandaleuse de militant·es sans papiers qui s’y rendaient. A l’avenir la FSU aurait toute sa place dans ce type d’initiative, y compris pour alimenter entre autres son travail internationaliste avec les syndicats africains, notamment au sein du CSFEF.