Elles-ils sont plus de 840 000 dans les trois fonctions publiques, de 15 à 20 % des effectifs… Ce sont les ANT, les agents non titulaires ! En augmentation constante, la précarité est devenue une arme contre le service public et le statut général. Une donnée fondamentale de la gestion de l’emploi public depuis quelques années.
De droit public ou de droit privé, les statuts des personnels concernés offrent peu ou pas de garanties en termes d’avenir professionnel et des conditions d’emploi très dégradées, avec une rémunération bien souvent inférieure au seuil de pauvreté. Elles-ils occupent pourtant des fonctions permanentes de service public… Nous portons depuis de longues années l’exigence de titularisation des précaires et d’arrêt de tout recours à la précarité !Devant une situation difficile à gérer dans de nombreuses administrations, avec une pression maintenue des organisations syndicales, le gouvernement a ouvert des négociations sur la précarité. Après 3 mois de discussions, il soumet à la signature des syndicats un « Protocole d’accord portant sécurisation des parcours professionnels des agents contractuels dans les trois versants de la fonction publique : accès à l’emploi titulaire et amélioration des conditions d’emploi ». Ce protocole doit servir de base à un projet de loi qui serait soumis au vote des parlementaires en automne. Son « suivi » sera réservé aux seuls signataires…
Avec les nouvelles règles de négociation, le protocole ne sera valide que s’il est signé par des syndicats représentants au moins 50 % des votes des personnels (lors des dernières CAP) ou bien seulement 20 % si dans le même temps, il ne rencontre pas l’opposition d’organisations représentants une majorité de voix…
Ce texte a connu des évolutions importantes lors des différentes étapes de la négociation. L’unité des organisations syndicales, les interventions de la FSU ont permis des avancées par rapport au projet initial du gouvernement : abandon de l’extension du contrat de mission et son abrogation à l’INRAP (recherche archéologique), élargissement des ayants droits, insertion de la notion d’examen professionnel, pas de contrat « pour besoins de service » pourvoyant des emplois permanents dans les catégories B et C, meilleur encadrement des recours au contrat, amélioration des droits sociaux…
Le protocole devrait stabiliser et/ou améliorer à court terme la situation de nombreux précaires (notamment dans la FPT où les non titulaires connaissent des conditions très dégradées).
Question de point de vue
Toutefois, deux questions majeures se posent sans véritables réponses dans le protocole lui-même :✓ La question du volume des titularisations à prévoir. Georges Tron parle de 50 000, un chiffre non négligeable pour celles et ceux concernés mais en même temps très éloigné des centaines de milliers de précaires qui devraient l’être aussi… Le seul engagement tient dans la transformation des crédits de rémunération pour assurer que les reçus « puissent se voir proposer un poste » et dans la recommandation que la « prévision du nombre d’emploi tienne compte du nombre d’agents susceptibles de se présenter au dispositif ». Dans le même temps, chacun connait la politique de réduction de l’emploi public et de non remplacement… Avec le risque que chaque administration publique « choisisse » entre titularisations et recrutements….
✓ L’autre question porte sur la place du contrat (le CDI notamment) et du statut dans une période de casse du service public… On sent une constante « autour du protocole » sur le recours aux contractuels, voire à l’intérim avec la loi de mobilité de 2010… Certes, il n’aggrave pas la loi de 2005 instaurant déjà les CDI. Mais plutôt que d’envisager une titularisation massive d’agents publics, le gouvernement préfère miser sur une amélioration de la situation des contractuels (CDD et CDI). Il y a là un risque énorme de pérennisation de deux voies de gestion des personnels comme cela a pu être le cas à France Télécom ou à La Poste. Impossible de ne pas s’interroger sur le risque qu’il y aurait à apparaître, avec une signature syndicale, comme prêtant la main à la relativisation du statut, objectif présent dans tous les discours et rapport que produisent le gouvernement et ses proches…
Avec un accord sur l’analyse du fond du protocole, sur ce qu’il représente comme acquis pour certains précaires, sur ses manques et sur ses risques, l’Ecole émancipée mène le débat sur la meilleure (ou la moins mauvaise…) attitude syndicale à avoir sur la question de la signature. Comment à la fois répondre aux attentes des non titulaires et ne pas donner de blanc-seing au gouvernement pour ses attaques contre le service public, ses personnels et leur statut ? Si nous sommes partagés entre trois positions, renvoyant notamment aux situations différenciées de nos interventions syndicales (pour la signature, contre la signature sans exercer de droit d’opposition, contre la signature en exerçant ce droit d’opposition), nous savons qu’il faudra poursuivre les batailles syndicales et les mobilisations pour l’arrêt de la précarité, la titularisation des précaires et la défense du statut…