Figaro et Blanquer : face à la logorrhée réactionnaire, réaffirmer l’ambition d’une école émancipatrice – Antoine Chauvel

Jean-Michel Blanquer déclarait il y a peu que les enseignants, au masculin et sans point médian, devaient « adhérer au valeurs de la République et les transmettre » ou sinon « sortir de ce métier ».

Quelles sont ces valeurs ? La fraternité et donc la lutte contre les discriminations racistes ? L’égalité et donc la lutte contre le sexisme ? La liberté et donc la formation à l’esprit critique ?

Non. Tout au contraire, dans un climat saturé par l’extrême-droite et ses idées, notre Ministre avance son idéologie et sa conception de l’école et de la société.

Du discours sur l’égalité qui n’a pas à être enseignée, à celui sur le voile qui n’est pas souhaitable dans la société en passant par la prétendue tenue républicaine des filles ou le danger que représenterait l’écriture inclusive ou les questions de genre, le constat est implacable : Blanquer est un réactionnaire.

C’est dans ce contexte que paraît le dossier du Figaro Magazine. Logiquement sa Une associant l’antiracisme , la lutte pour l’égalité des LGBT et la critique du colonialisme à un endoctrinement implicitement criminel des élèves, fait réagir vivement la profession. A l’intérieur l’interview de la présidente du conseil supérieur des programmes parle forcément sous contrôle blanquérien.

Et, en contestant les apprentissages permettant aux élèves de construire de la pensée et des opinions, dans la complexité du monde qui les entoure, elle ne prône pas autre chose qu’une école de la reproduction de tous les schémas dominants. Une attaque en règle des valeurs cardinales de l’école. Et de celles et ceux qui les incarnent.

Après un mandat à tenter d’assujettir les pratiques, c’est une mise au pas idéologique qui est annoncée. Le recentrage sur les fondamentaux avait été le signe avant coureur d’une volonté pour Blanquer d’en finir avec une école de la culture commune et de la construction d’esprits libres et éclairés.

Après les attaques sur les prétendu·es « islamogauchistes » à l’Université, et celle plus récente sur un prétendu « wokisme », que personne ne connaissait il y a 2 mois, voilà deux leçons de communication : dans une période propice à tous les mensonges et excès, jeter, à des fins idéologiques, des professions à la vindicte d’un public qui méconnaît la réalité du terrain. Ainsi briser la confiance qu’iels tentent de construire quotidiennement avec les familles. Et les délégitimer pour pouvoir, à terme, écarter celles et ceux qui sortiront du rang de l’institution.

Ce qui se joue n’est pas une simple passe d’arme. A la veille d’élections qui risquent se jouer à droite toute et d’une potentielle reconduction de ce pouvoir pour 5 ans, la menace est réelle.

Le SNUipp et la FSU doivent bien mesurer ce qui s’articule. En attaquant si violemment les valeurs de l’école et ses personnels, c’est au syndicat majoritaire qu’il échoit de répondre à la hauteur. Car ces valeurs nous les portons. Et c’est aussi un élément majeur d’appartenance professionnelle dans lequel nos collègues se retrouvent.

Avoir un discours clair et intangible sur une école qui doit permettre de faire société et transmette des valeurs d’égalité et de solidarité pour former des élèves conscient·es des enjeux actuels et futurs.

Nous aurions pu en d’autres périodes considérer que c’eut été faire de la pub à un torchon, mais aujourd’hui il s’agit d’ engager une bataille contre un ennemi qui progresse.

Dans la continuité de la très bonne tribune contre l’extrême-droite et du courrier au Président de ce jour, réaffirmer l’ambition d’une école émancipatrice le plus fortement possible voilà ce que nous devons impulser immédiatement au sein de la fédération.