Magda Alves, militante portugaise féministe à la Marche Mondiale des Femmes – Portugal,
dans plusieurs mouvements anti austérité au Portugal comme « Que la Troïka aille se faire voir ! » qui a été à l’origine des manifestations du 15 septembre 2012 et du 2 Mars 2013, les plus grandes depuis le 1er Mai 1974.
n Peux-tu nous dire en quelques mots quelle est la situation actuelle au Portugal comme tu as su le faire aux journées intersyndicales ?
Avant la crise, la dette publique portugaise était égale à 70 % du PIB (dans la moyenne de l’UE) pour monter à 123 % du PIB en janvier 2013. C’est pourtant au nom de cette « dette » que la Troika ( FMI, Banque Centrale Européenne et Commission Européenne présentes au Portugal depuis quasiment deux ans ) nous impose des mesures d’austérité qui détruisent littéralement le pays. Le montant des intérêts de la dette est supérieur au budget de la santé ! Le SMIC est à 485 euros brut, le premier ministre a encore proposé qu’il soit baissé. Le taux de chômage atteint 18 % (40 % pour les moins de 25 ans) alors qu’il était de 8% avant la crise. Plus de la moitié des chômeurs et des chômeuses ne touche rien et 54 % de la population active serait au chômage ou dans la précarité.
n Quelle place ont les revendications féministes dans les mobilisations sociales au Portugal ?
Les femmes participent et sont actives dans tous les mouvements sociaux, anti-austérité et les syndicats. Le mouvement féministe au Portugal est fragile, il existe des mouvements de femmes mais pas forcément féministes. Les revendications spécifiques restent assez à la marge des agendas des mouvements sociaux et des syndicats même si nous parvenons à faire comprendre que l’impact des politiques d’austérité est encore plus fort pour les femmes. Les portugaises sont présentes dans les réseaux féministes européens.
n Quel est l’impact des politiques d’austérité sur les femmes au Portugal ?
Le Portugal est un des seuls pays de l’UE ou l’inégalité salariale entre femmes et hommes a augmenté ces dernières années. Le taux de chômage des femmes est supérieur à celui des hommes, sans parler de la précarité et du travail non rémunéré des femmes. Les coupes budgétaires rendent l’accès à l’IVG plus difficile dans quelques zones du Portugal sud, les zones intérieures ou dans les îles des Açores et de Madère. Les femmes y ont de plus grandes difficultés à trouver des pilules gratuites. Les politiques d’austérité s’accompagnent également d’un discours conservateur. Des infirmières ont dénoncé le fait que de plus en plus de femmes enceintes manquent les consultations pré natales. L’augmentation des prix des transports fait que les déplacements sont difficiles. Le lait maternisé est cher donc parfois inaccessible et il y a de plus en plus de mères qui donnent directement du lait de vache aux nourrissons, ce qui les met en danger. Alors que ces dernières années, le taux de mortalité infantile était le plus bas du monde et qu’il ne cessait de continuer à baisser, on assiste maintenant à une remontée. L’ordre des médecins portugais a lui même alerté le gouvernement sur cette question. Il y a une volonté de fermer la Maternité Alfredo Da Costa qui est pourtant une référence nationale notamment sur les grossesses à risques. Les cas de décès dus aux violences domestiques envers les femmes ont augmenté : l’Observatoire des femmes assassinées a montré que la violence est de plus en plus forte et traumatisante. Avec les mesures d’austérité, les femmes sont plus vulnérables à la violence de genre. Une femme victime a plus de mal à partir quand elle n’a pas d’autonomie financière.
n Quel combat mener contre ces politiques ?
Même si les mobilisations n’ont pas encore la force qu’elles devraient avoir pour inverser le rapport de force, au Portugal, il se passe des choses. Un audit citoyen, deux grèves générales, deux énormes manifestations, une amplification des mobilisations. Il y a besoin d’élargir la base sociale de la contestation. Au niveau européen, les résistances doivent s’articuler et définir ensemble des revendications, des actions et des dates communes. J’ai beaucoup d’espoir en l’Alter Sommet qui va se dérouler à Athènes. Il nous faut d’urgence, entre autres choses, une manifestation européenne et une grève générale européenne. Il ne faut pas nous résigner et surtout ne pas nous laisser berner pas le discours dominant. Rien n’est inévitable, sauf la mort, tout est le fruit des actions et volontés humaines. ●
Propos recueillis par Ingrid Darroman