Évaluer : un peu, beaucoup, à la folie… pas du tout ?

École, entreprise, politiques publiques, recherche, santé… L’évaluation est une priorité affichée et omniprésente.
Depuis les années 80, elle a gagné tous les champs : il n’y a plus rien qui ne doive être évalué.

On parle d’ailleurs de « culture de l’évaluation, de « fièvre de l’évaluation »… N’évalue-t-on pas à longueur d’émissions recettes, maisons, mariages, chanteurs ?
Pourquoi le travail ne serait-il pas un loisir à évaluer comme les autres où on éliminerait les agents les plus fragiles ?

Qu’est-ce qu’évaluer ?

Évaluer, c’est « estimer la valeur », mesurer des résultats en vue de formuler une appréciation.
Observer ce que l’on fait, ce que l’on crée, établir une distance critique et chercher à progresser, cela semble faire partie de la formation du jugement. En cela, l’évaluation apparaît comme un outil évident pour la construction d’esprits critiques. Qu’elle passe pour cela par la confrontation de regards, par un dialogue avec soi ou les autres. Les questions essentielles qui se po-sent alors sont : qui évalue, qu’est-ce qui est évalué, en fonction de quelle norme décidée par qui, et bien entendu à quelle fin ? Le problème n’est donc pas l’acte d’évaluer en soi, mais bien l’évaluation dans le cadre de la société capitaliste : ses finalités (pousser plus loin l’ordre du monde existant en en accentuant les inégalités en vue de profits toujours plus grands) et ses modalités.
Aujourd’hui, quand on évalue, on observe ce qui a été produit, le processus de production et on mesure la différence avec ce que l’on en attend en fonction de la norme prescrite. On contrôle, on vérifie, on compare, on hiérarchise, on sanctionne. Encore et toujours plus.

Quelles finalités ? (1) Trier

D’emblée, on associe l’évaluation à l’école ; les élèves y sont classés en fonction de leurs résultats scolaires, et ainsi triés, orientés pour être répartis à terme sur le marché du travail. Pour classer, on évalue donc le travail : contrôlé, il est sanctionné par une note depuis la fin du dix-neuvième siècle, et aujourd’hui passé au tamis des grilles de compétences. L’évaluation, dans le milieu scolaire, a avant tout pour finalité d’organiser la sélection voulue par les dominants. Cela n’a rien de nouveau, l’école s’est adaptée au contexte économique et social à mesure de son évolution. Si l’école a été rendue obligatoire sous Jules Ferry, ce n’est pas par humanisme, mais pour former des travailleurs et travailleuses discipliné/es utilisables par les entreprises.
S’il s’agissait auparavant de ne former qu’une élite, il a fallu dans les années 60 de plus en plus de travailleurs et travailleuses qualifié/es. De nos jours, il s’agit de les former à la polyvalence (aux compétences transférables) et, toujours, de les discipliner (d’où les éléments-clés du socle : compter, lire, utiliser l’ordinateur… Et obéir.) L’évaluation est aussi un mode de gestion caractéristique de l’entreprise : dans celle-ci, il faut être performant, compétitif. Si on fait partie des happy few, on sera récompensé·e (primes, stock options…).
Cela est sensé avoir une valeur exemplaire, d’émulation, basée sur l’idée que chacun/e chercherait à être plus méritant·e, récompensé·e, à se distinguer. Il faut bien là aussi effectuer un tri, choisir qui mérite le plus et le moins pour justifier la hiérarchisation, qui repose sur des inégalités de rémunérations, par exemple selon sa fonction, ou des inégalités quant aux conditions de travail.
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