Equateur. Yasuní : nourriture contre pétrole…

Renoncer à l’utilisation de réserves pétrolières et ainsi interpeller le monde sur un autre modèle de développement, vous y rêviez… L’Equateur le fait !

Depuis 10 ans en Amérique Latine, la résistance au néolibéralisme et la recherche d’alternatives sont des réalités. Au Venezuela, en Bolivie, en Equateur, on parle de « socialisme du 21ème siècle », de baisse des indices de pauvreté, d’accès à la santé, à l’éducation, à la culture, au logement, projets sociaux financés par les nationalisations.
Dans la recherche de solutions à la crise climatique également, les seules propositions qui remettent en cause le modèle capitaliste viennent de ces pays, particulièrement des populations indigènes. Après l’échec de Copenhague, le 1er sommet des peuples sur le climat réuni par Evo Morales à Cochabamba a débouché sur un accord qui dénonce la logique de croissance illimitée, engage les pays développés à diminuer de 50 % leur émission de gaz à effet de serre, propose la création d’un tribunal mondial pour juger les responsables des désastres écologiques et établit les droits de la « Terre Mère ».
Cependant, des contradictions demeurent et l’une des plus criantes est le maintien, par des gouvernements pourtant progressistes, du modèle productiviste et d’une économie basée sur l’extraction des ressources naturelles : pétrole en Equateur et au Venezuela, gaz naturel, minerais et lithium en Bolivie. Alberto Acosta, ex-ministre de l’énergie en Equateur, explique que « croire que via l’extraction des ressources naturelles, nous allons prendre le chemin du développement » est un leurre. « Il ne s’agit pas seulement d’utiliser de manière adéquate les ressources, mais de changer ce modèle d’exportation primaire qui nous a subordonnés au contexte international. »
Ce choix économique ne permet pas la réduction de la dépendance aux exportations ni l’émergence d’industries et d’agricultures diversifiées. Il est aussi en désaccord avec la volonté de préserver la nature et de lutter contre le réchauffement climatique dû en grande partie à l’utilisation des énergies fossiles.

**Sur l’écologie l’Amérique Latine commence à bouger !

L’Equateur, dont l’économie repose surtout sur la rente du pétrole (63,1 % des exportations en 2008), lance un appel au monde afin d’entamer la transition vers un modèle de développement plus soutenable. Le gouvernement de Rafael Correa, poussé par les communautés indigènes et les mouvements sociaux, a décidé de laisser dans le sous-sol amazonien 850 millions de barils de pétrole, situés dans le Parc Yasuní, une réserve naturelle peuplée de communautés indigènes en isolement volontaire et dotée d’une très riche biodiversité. Le but est de lutter contre la déforestation, la pollution des sols, la détérioration des conditions de vie des habitants et le réchauffement climatique en évitant l’émission de 410 millions de tonnes de CO2 (ce qu’émet la France en un an).
L’exploitation de ce pétrole pourrait rapporter au pays entre 5 et 6 milliards de dollars, les réserves de Yasuni représentant 20 % de ses réserves totales. Y renoncer entraîne un manque à gagner très important. L’Equateur demande donc à la communauté internationale de contribuer à hauteur de 50 % du budget dont il disposerait s’il exploitait ce pétrole. « Pour la première fois, un pays pétrolier renonce à ses richesses pour le bien-être de l’humanité et invite le monde à se joindre à cet effort », déclarait Rafael Correa en 2007. « Nous faisons appel à la coresponsabilité des pays riches, qui ont pu se développer en détruisant une grande partie des ressources naturelles. Nous leur demandons de participer à la préservation de la planète », commente Tarcisio Granizo, sous-secrétaire d’Etat au ministère du Patrimoine. Les fonds seront investis dans les énergies renouvelables, la conservation de la zone et des territoires indigènes, la reforestation, l’éducation, la santé, l’habitat et la création d’emplois en accord avec les besoins des populations locales.
L’Equateur montre ainsi qu’il ne s’agit plus de faire des discours sur les impacts du réchauffement mais d’aller vers un modèle alternatif d’économie post-pétrolière.
Ce projet a reçu le soutien d’organisations internationales, de mouvements sociaux, et de nombreuses personnalités. La Norvège et la Suisse ont aidé aux études. Mais seule l’Allemagne s’est engagée à le financer. La Belgique, l’Espagne, la Turquie devraient y participer. La France semble lui accorder de l’intérêt, sans plus pour le moment… Il ne sera pas facile pour ce petit pays de résister seul aux pressions des multinationales pétrolières. Nous pouvons l’aider en pesant pour que le gouvernement français s’implique.
C’est seulement si plusieurs Yasuní se développent dans d’autres zones d’Equateur mais aussi dans d’autres pays d’Amérique Latine et du monde que nous pourrons nous diriger vers « l’éco-socialisme ». ( Pour en savoir plus et signer l’appel pour que le gouvernement français finance le projet : [http://projetitt.vacau.com:80/wordpress/?page_id=22 en espagnol et en anglais :
http://projetitt.vacau.com:80/wordpress/?page_id=22)]

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