Texte d’orientation de l’École Émancipée
La pandémie de COVID 19 a fait irruption en 2020 dans un monde sous domination néo-libérale, plongeant le capitalisme dans la stupeur de sa propre faiblesse face à cette maladie inconnue. Tout en mentant sur leur impréparation, cela a amené la plupart des gouvernements à prendre des mesures archaïques de confinement pour limiter les contaminations, et paralysé de nombreux circuits économiques. La pandémie a avant tout frappé les plus pauvres, fortement renforcé les inégalités sur toute la planète, y compris en France, et provoqué des ravages psychologiques et sociaux dont l’étendue est encore mal cernée à ce jour.
Les désastres écologiques se multiplient, le réchauffement climatique toujours incontrôlé met l’avenir de l’humanité en danger, à un horizon de plus en plus proche : le dernier rapport du GIEC alerte sur la fréquence de phénomènes climatiques extrêmes, susceptibles de multiplier famines et déplacements massifs de populations fuyant les catastrophes.
La recherche du profit maximal à court terme est la principale source de ces catastrophes « non naturelles » en cours ou imminentes. Combattre l’avidité sans limite du capital afin d’imposer le souci de la préservation de l’environnement et le partage des richesses est la tâche fondamentale des mouvements sociaux progressistes à travers le monde. Le syndicalisme a un rôle essentiel dans ce combat, par ses possibilités de toucher largement les salarié·es, en partant de leurs préoccupations professionnelles, pour mettre en évidence les politiques en œuvre comme les alternatives possibles, et participer à la construction du rapport de force global.
C’est ce que l’École Émancipée porte comme orientation au sein de la FSU, où les questions propres à chaque secteur, importantes pour le quotidien des salarié·es, ne doivent pas être détachées du contexte politique et social vécu par l’ensemble des citoyen·nes.
Haro sur les pauvres et toujours plus pour les riches !
Le gouvernement ne change pas d’orientation et fait toujours la guerre aux pauvres. Le puissant mouvement social de décembre 2019 à mars 2020 a fragilisé le projet de réforme des retraites et, avec la pandémie, en a eu, momentanément, raison. Malgré deux rejets par le Conseil d’État et l’opposition de tous les syndicats, le gouvernement est parvenu à imposer une réforme de l’assurance chômage visant à réduire massivement les prestations versées. Elle va avoir des effets délétères (im)prévisibles pour de nombreux·ses chômeur·euses.
Les grandes déclarations « Quoi qu’il en coûte » de mars 2020 et les promesses de changement de politique ont fait long feu. Si les mesures adoptées par le gouvernement ont pu constituer quelques aides, insuffisantes et inégales d’un secteur à l’autre, elles se sont surtout traduites dans les faits par des milliards d’argent public pour la relance économique, distribués sans conditions sociales ou écologiques, permettant aux grandes entreprises de préserver leur versement de dividendes… Mais rien pour les services publics, pourtant créateurs d’emplois et de lien social ! Et des pans entiers de la population, notamment parmi les jeunes et les précaires, plongés dans une grande pauvreté !
Le gouvernement et plus largement la droite se livrent à une écœurante chasse à l’électeur·rice d’extrême-droite, aux relents islamophobes, contribuant ainsi à banaliser le discours de stigmatisation et de haine, xénophobe, sécuritaire et liberticide. Celle-ci se double d’une répression souvent violente des manifestations et de la jeunesse, avec, parallèlement, des privilèges croissants octroyés aux forces de sécurité. Il s’agit de faire oublier en vue des prochaines élections que le vrai problème est celui des politiques anti-sociales menées, multipliant injustices et frustrations. Dans cette veine, le gouvernement a fait adopter les lois sur la sécurité globale et sur le « séparatisme ». Il a abrogé l’ordonnance de 1945 en la remplaçant par un code plus répressif envers les jeunes en difficulté. Les conclusions de la Convention citoyenne pour le climat ont été bafouées et travesties, contrairement aux promesses de Macron.
Blanquer et Vidal ont poursuivi leurs réformes sans tenir compte de la pandémie, y voyant même parfois un effet d’aubaine. En niant les difficultés, en ignorant les inégalités induites par les mesures prises, en mentant sur les chiffres et les risques de contamination, les ministres ont montré leur incompétence, accumulé les signes de mépris et conforté leur illégitimité.
Par ailleurs, le gouvernement poursuit son œuvre de destruction de la Fonction publique. L’ordonnance sur la négociation est un nouvel outil dans l’arsenal contre le statut des fonctionnaires. Le financement de la protection sociale complémentaire des agents publics par l’employeur est une nouvelle porte d’entrée pour le marché de l’assurance santé, au détriment des solidarités.
Outre les lois évoquées ci-dessus, des mesures de restriction liées à l’état d’urgence sanitaire, dont certaines dispositions inscrites dans le droit commun, ont un impact durable sur les libertés. Alors qu’il faudrait permettre une vaccination la plus massive pour faire vraiment reculer l’épidémie en levant les brevets et en usant de conviction en direction des plus éloigné-es du système de santé, le passe sanitaire est conçu comme un nouvel outil de contrôle et de répression. Les libertés démocratiques sont mises à mal par ce gouvernement et il faut les reconquérir !
Un autre monde est possible
Sur le plan social et écologique, des mesures urgentes sont indispensables : renforcement, et non nouvelle mise à mal, de notre système de retraites ; diminution des inégalités par une réforme fiscale et l’augmentation des bas salaires, des minima sociaux et des retraites ; accès de tous et toutes aux droits élémentaires (logement, santé, école, transport) au travers, notamment, de la réhabilitation et du développement des services publics ; répartition des richesses au service d’une société solidaire et d’une transition écologique urgente ; lutte contre la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales, taxation des revenus du capital… Il faut en finir avec la chasse aux migrant·es et imposer une politique d’accueil pour tous et toutes les réfugié·es. Il faut réorienter profondément la politique éducative menée par Blanquer et Vidal (et exiger leur démission) pour permettre la mise en place d’une école et d’une université également accessibles à tous et toutes, laïques et publiques, non sélectives et sans management hiérarchique. Leurs contenus de formation, exigeants et émancipateurs, formeront des jeunes à même de trouver une place de citoyen·ne acteur·trice dans la société, afin de faire face aux défis auxquels nos sociétés sont confrontées.
Peser pour imposer les alternatives
Notre syndicalisme doit contribuer à élever le niveau du rapport de forces : rassembler les colères sociales, faire converger les luttes pour un projet de société féministe, solidaire et écologique, agréger les forces associatives, syndicales, politiques progressistes pour construire un front d’opposition pérenne aux politiques ultra-libérales, et leur faire ainsi échec.
Il y a urgence à rassembler et à agir en mettant avant tout nos forces sur le terrain des mobilisations sociales. Cela nécessite de chercher l’unité d’action pour gagner en efficacité, tout en sachant prendre ses responsabilités. Le rassemblement du syndicalisme de transformation sociale doit enfin franchir des étapes décisives. Le collectif « Plus jamais ça » engage des combats qui articulent les questions sociales et l’urgence écologique : il faut s’employer à développer ce cadre unitaire sur le terrain.
Une FSU combative
La légitimité, le poids et la portée de nos actions syndicales se jouent au plus près des salarié·es et des personnels, titulaires comme précaires. Les coups portés à la Fonction publique et au paritarisme bouleversent le rôle et l’action de notre syndicalisme et l’obligent à se réinventer.
Parce qu’elle n’est pas qu’une addition de syndicats nationaux, et qu’elle ne peut se limiter aux champs de l’éducation, notre fédération doit être un outil efficace pour rassembler les combats et leur donner un cadre collectif. Cela passe par son aptitude à fédérer les personnels dans les différentes actions (AG, grèves…). Elle doit aussi, de façon volontariste, poursuivre un travail résolu et permanent avec la CGT et Solidaires pour avancer dans l’unification des forces syndicales de lutte et de transformation sociale, qui doit se discuter et se mettre en œuvre au niveau local et national. Elle doit intervenir au quotidien pour défendre les grands enjeux de notre société (retraites, climat, égalité des droits, égalité femmes/hommes…) et s’engager sans hésitation dans les mobilisations interprofessionnelles, dans la défense des droits et des libertés publiques, dans la dénonciation des violences d’État, dans la lutte contre toutes les discriminations.
L’École Émancipée prend toute sa part dans la construction de la fédération : elle appelle toutes celles et ceux qui partagent ces convictions et ces orientations à travailler et à agir ensemble dans la FSU.