Marc Rollin (BN, Lyon)
Nous reprenons dans un contexte international peu réjouissant, entre guerres, famines, et atteintes des droits.
Mais c’est un événement, fort symbolique, qui semble résumer à lui seul les enjeux de la période, à savoir des questions majeures de climat et de justice sociale. Il s’agit du mondial de football qui va avoir lieu au Qatar en novembre. Stades flambant neufs, hôtels de luxe et personnel corvéable à merci, souvent des migrants et migrantes maltraité-es et exploité-es.
S’il faut évidemment éviter toute comparaison hasardeuse entre la situation française et celle du Qatar, ce qui est certain, c’est que les enjeux climatiques et sociaux, définitivement liés, surgissent de partout sur la planète, même si les réponses ne sont pas celles que nous espérons.
Il est donc de notre devoir d’organisation syndicale de prendre désormais à bras le corps ces questions qui ont l’avantage de rappeler qu’un syndicat est avant tout un contre-pouvoir et une force de propositions. Dans la perspective des élections professionnelles qui approchent, cela revêt aussi une importance stratégique pour se démarquer d’organisations qui peinent à concevoir l’urgence d’une alternative économique, sociale, climatique et politique. En sachant qu’il faudra convaincre que tout rationnement est forcément socialement déterminé et que c’est la précarité énergétique que l’État doit combattre.
Comme le SNES et la FSU sont déjà positionnés sur deux dates, le 28 septembre sur le droit à l’avortement et le 29 septembre avec l’appel à la grève, il reste la question centrale de la communication et la mobilisation, afin de rendre ces journées massives et réussies. Si le périmètre est réduit pour le 29, cette date nous ancre par contre dans le camp de la transformation sociale, une orientation à affirmer dans les mois qui viennent, dans le contexte de contestation de la politique macroniste, notamment le 16 octobre qui aurait intérêt à lier les questions climatiques aux conditions de vie décentes pour toutes et tous.
Dans cette communication, il faudra évidemment revenir sur les sujets qui ont fait l’actualité médiatique de la rentrée scolaire.
Tout d’abord, les salaires. Le report de la discussion sur les salaires dans la Fonction publique, annoncé par Borne, est révélateur que la question du temps est centrale dans la période. A nous donc, lors de ce CN, de trouver le bon tempo.
Ensuite, la contractualisation, à ne pas confondre avec les contractuel·les car le problème est le processus, pas les personnes. En effet, elle a des effets organisationnels, professionnels et politiques qui contribuent à transformer le métier, elle affecte la formation et le recrutement des enseignant·es, elle est l’un des instruments clés du Nouveau Management Public. Nous devons donc dire plus clairement ce qu’elle fait aux métiers et aux statuts. Si nous ne le faisons pas, la réalité nous rattrapera car qui va continuer longtemps à supporter des remontrances sur une trace écrite ou un aspect de son cours quand le Ministère recrute et forme en quelques jours des personnels ? Que dirons-nous aux candidat·es recalé·es aux concours quand, parallèlement, le Ministère recrute à tour de bras ?
La généralisation de l’expérimentation marseillaise, avec un recrutement local des enseignant-es, la mise en place des cités éducatives, des contrats locaux d’accompagnement et des évaluations d’établissement ont pour objectif de subordonner les moyens aux résultats à des évaluations pourtant très contestables. Ce pilotage par les résultats s’appuie évidemment sur des personnels de direction ou d’inspection ou des fonctionnements hiérarchiques qui sont insupportables et qui doivent aussi être mieux combattus et dénoncés. La mise en concurrence que tout cela génère a également un impact sur la liberté pédagogique.
Le métier n’est donc pas qu’attaqué, il est menacé si nous ne parvenons pas à stopper une dérive qui a été clairement orchestrée car, s’il fallait le rappeler, nous sommes sous un second gouvernement macroniste. Et, les fausses déclarations de compréhension du nouveau ministre de l’Éducation ne doivent pas faire oublier que c’est son prédécesseur, du même bord, qui a mis en œuvre la destruction de l’École. Nous ne vivons pas les conséquences de quelque chose de flou. Nous vivons les conséquences d’une politique libérale délibérée, celle qui doit désormais devenir claire aux yeux de toute la profession qui, ici ou là, peut continuer d’être séduite par des réponses démagogiques.
Les annonces sur le collège, qui seront probablement faites dans la logique des réformes Blanquer du primaire et du lycée général, technologique et professionnel, nous poussent également à être force de propositions. Les colloques à venir, sur le collège et le lycée, sont, de ce point de vue très importants, mais suffiront-ils à emmener la profession avec nous, ainsi que d’autres organisations syndicales ou associatives ? Des liens doivent d’ores-et-déjà être tissés pour essayer d’arriver à une expression la plus collective possible sur un collège et un lycée démocratiques et rénovés car plus personne ne peut croire que nous sommes au service de l’ensemble des élèves quand ce sont celles et ceux des milieux populaires qui sont toujours et encore les perdant-es du système et qu’on peine à travailler avec les élèves en situation de handicap, par manque de formation, de moyens et de temps.
Ainsi, concernant les consultations diverses et variées, le SNES et la FSU doivent appeler à les boycotter ou à les refuser puisqu’elles ne sont qu’un outil au service du pouvoir en place. A nous de l’expliquer si nécessaire. Du matériel doit également être préparé pour outiller les collègues qui se retrouveraient au milieu de cette fausse concertation.
Dans la perspective des mobilisations qui nous attendent, il serait également fort utile de rappeler les discours de Macron – et de tant d’autres – sur l’absolue nécessité de services publics de qualité. La question de la santé et de l’éducation reste vive dans l’opinion publique. Nous devons donc aussi exiger qu’elles redeviennent une priorité, au-delà des questions de pouvoir d’achat et de salaires qui sont fondamentales mais qui ne doivent pas occulter la nécessité absolue d’améliorer les conditions de travail. Car il ne peut pas y avoir de meilleur service rendu à l’usager si les conditions sont dégradées.
Cela signifie donc qu’il faut aussi que nous nous dotions de revendications claires sur les AED et les AESH, grands précaires de l’Éducation nationale et obtenions des avancées sur leur statut et leur salaire. La question des effectifs et celle du bâti scolaire sont également centrales, cette dernière étant accrue par le réchauffement climatique. C’est pourquoi le SNES-FSU pourrait interpeller les élu·es, à tous les niveaux, pour qu’ils/elles s’engagent dans des plans de rénovation ambitieux.
Dans la perspective des mobilisations à venir et de notre campagne des élections professionnelles, nous devons donc nous démarquer, en trouvant les images, les mots et les symboles qui nous renforcent, ce qui implique de bien cibler les enjeux de la période et les centres d’intérêt des collègues.