Contribution de l’École Émancipée aux débats de la CAN du SNES-FSU du 22 novembre 2022

Situations politique et internationale : « Le droit du plus fort », toujours d’actualité.

Les droits humains ont subi une nouvelle entaille dans la période que nous venons de traverser. La surdité du gouvernement face à la détresse des personnes sauvées par l’Ocean Viking, les propos scandaleux du RN à l’assemblée nationale, la future loi sur l’immigration qui s’annonce : les politiques réactionnaires s’enchaînent, pendant que la santé démocratique de notre pays s’est encore dégradée avec l’usage du 49.3 dans le cadre du vote sur le budget.

C’est notamment le volet de la future loi du ministre de l’intérieur qui concerne le droit d’asile, et l’accélération des expulsions récente qui doivent dès à présent nous alerter : Darmanin, en héritier assumé de Sarkozy, ne recule pas devant l’idée d’inscrire dans la loi une justice s’appliquant différemment selon qu’on est d’origine étrangère ou non. Et surtout, il va être difficile de nous relever de l’association que fait Darmanin entre immigration et « insécurité » dans les médias. Plaire aux électeur·rices du RN ne lui pose aucun problème, électeur·rices déjà bien galvanisé·es par les propos racistes proférés sur les bancs de l’assemblée. C’est cela qui occupe une nouvelle fois l’espace médiatique et pas ce que le camp progressiste porte, ce que nous devons porter pour nos élèves étranger·es et leurs familles.

Et si l’extrême droite est à l’assemblée nationale en France, n’oublions pas qu’elle gangrène aussi bien d’autres pays : l’extrême droite israélienne accède au gouvernement. Il faut rappeler ici l’important de faire signer à nos adhérent·es et dans les établissements, avant le 20 février, l’initiative citoyenne européenne pour que l’UE fasse respecter l’interdiction d’exportation des produits des colonies israéliennes en territoire palestinien.

Nous savons que la situation politique et économique instable dans plusieurs pays et la crise climatique vont continuer d’alimenter le nombre de réfugié·es et de demandeur·euses d’asiles. La guerre en Ukraine, la révolte des femmes et des jeunes en Iran n’en sont que quelques exemples récents, mais ils démontrent une fois de plus que les principes humanistes et l’Égalité républicaine sont à géométrie variable en fonction des origines, que le gouvernement continue de considérer qu’il est pertinent de trier entre les « bon·nes » et les « mauvais·es » migrant·es. L’emploi du terme « méchants » par le ministre de l’intérieur dénote bien l’ignorance dans laquelle il se trouve à propos de la loi et de la Justice. Les inégalités se creusent encore à l’échelle de la planète, comme dans notre pays : ce sont toujours les mêmes qui se taillent la part du lion.

Pour mener à bien ces projets délétères, l’exécutif a dû user du 49.3 pour faire adopter le budget, qui prévoit d’ailleurs une augmentation des effectifs policiers, quand il grève encore un peu plus les effectifs de l’éducation nationale.

La question sociale et les problématiques liées au pouvoir d’achat des salarié·es demeurent pourtant bien des priorités depuis la rentrée, au cœur des débats parlementaires et des mobilisations sociales sectorielles, comme chez Total ou à la RATP. Bien que l’augmentation des salaires soit une revendication largement partagée, elle ne rencontre pas vraiment d’écho majoritaire dans les grèves construites par l’intersyndicale interprofessionnelle nationale. Dans la Fonction publique, les négociations sont encore en cours, mais il est à craindre qu’elles n’accordent que des augmentations limitées si les revendications ne sont pas soutenues par des mobilisations plus larges. Pour cela, le combat qui s’annonce pour les retraites doit être anticipé, construit et guidé par des modes d’actions divers s’appuyant sur des appels francs et préparés en amont dans l’unité la plus large possible, par une campagne d’opinion et d’information (meetings, conférence de presse, HIS…). Le gouvernement entretien à dessein un certain flou sur son projet précis, mais sa philosophie générale est déjà connue. Elle touche, comme la question des salaires, à la question de la juste répartition des richesses. Les collègues attendent une réaction du mouvement syndical. Sa responsabilité est grande, comme celle du SNES-FSU dans son champ : faisons les liens entre ces deux combats et mobilisons !

Les fins de mois et la « fin du monde » sont des préoccupations qui apparaissent de plus en plus liées au fur et à mesure que les crises politiques et environnementales percutent le fonctionnement de nos économies capitalistes. Nous pouvons craindre que la COP 27 du Caire n’accouche que d’une souris, quand bien même le GIEC et l’ONU alertent les États sur les trajectoires pessimistes du réchauffement climatique. Les responsables en sont surtout les plus gros pollueurs, dont les scénarios de transition restent trop timorés. Les pays en développement profitent de cette tribune médiatique pour souligner les responsabilités des puissances capitalistes et (néo)coloniales dans le naufrage que nous vivons ; ces pays rappellent aussi qu’ils comptent parmi ceux qui seront les plus touchés par les risques climatiques.

Éducation : « La méfiance est mère de la sûreté ».

Pap Ndiaye agit comme son prédécesseur et s’inscrit dans les lignes dessinées par Macron, et notamment sur la question du temps de travail ou de la main mise du privé sur l’école. Pap Ndiaye en a fait la preuve par des annonces polémiques à demi réfutées ensuite, mais le mal est fait, cela discrédite encore les enseignant·es et c’est à dessein. On pense par exemple au fait qu’il a évoqué l’idée que les enseignant·es pourraient effectuer « la surveillance des récréations pour endiguer les violences qui peuvent s’y produire ». Quand on connaît les difficultés rencontrées dans les vies scolaires, notamment par manque de moyens et de recrutement, cette annonce sonne comme une véritable provocation à la sauce Blanquer.

Le « pacte » annoncé par Macron, ne semble bien s’apparenter qu’à une nouvelle version du « travailler plus pour gagner plus » et un moyen de gérer la pénurie de recrutements. Nous devons clairement refuser toute proposition qui alourdirait notre charge de travail en contrepartie des augmentations et du rattrapage de salaire que nous revendiquons. Les collègues réclament d’être traité·es dignement, dans le respect de leurs missions existantes. Comme le fait la FSU-Snuipp dans sa pétition (qui a atteint 45 000 signatures), exigeons 300 € minimum immédiatement pour toutes et tous. Seul un mot d’ordre qui peut être appréhendé par les collègues sera mobilisateur. A rebours du « pacte » Macron-Ndiaye, revendiquons une baisse de notre temps de travail s’appuyant sur nos mandats incluant du temps de concertation dans nos services : une revendication mobilisatrice, qui distinguera le SNES-FSU dans le cadre des élections professionnelles. Associons les parents d’élèves et l’opinion en faisant le lien entre nos conditions de travail et les conditions d’études de leurs enfants.

En ou​​​​​​​tre, la prolongation de la période d’inscription aux concours est un véritable aveu d’échec pour le « choc d’attractivité » du métier imaginé par le gouvernement. Le concours spécial proposé aux non-titulaires, aux conditions trop restrictives, ne sera pas non plus de nature à réduire la précarité ni à renforcer le service public dans les établissements scolaires.

Au-delà des effets d’annonce, la réalité nous montre chaque jour que les collèges et lycées doivent arbitrer dans leurs dépenses et mettre en question des projets pédagogiques face à l’inflation. Si nous voulons continuer à faire fonctionner dignement nos établissements et nos projets pédagogiques, il est nécessaire que le gouvernement abonde le budget de l’éducation nationale et des collectivités territoriales compétentes. Des sources de financement existent, qu’elles soit prises sur les super-profits ou sur les dotations aux écoles privées sous contrat. Les dernières publications officielles soulignent combien les inégalités sociales se creusent entre le public et le privé. Près de 40 ans après les manifestations de défense de l’enseignement privé, la question du dualisme scolaire se pose avec de plus en plus d’importance. Au-delà, la question de la mixité sociale dans nos collèges pose celle de la société dans laquelle nous voulons vivre.

La réforme du lycée professionnel est à l’image des choix inégalitaires opérés par le gouvernement. Elle révèle l’optique libérale d’une école de plus en plus ouverte à l’emprise du privé sur la formation des jeunes, bientôt anticipée dès le collège. Elle signe le renoncement à l’ambition scolaire et à l’élévation du niveau de qualification de toute la jeunesse. Le SNES, au côté du SNUEP, doit dénoncer cette dérive et réaffirmer ses mandats d’une école pour toutes et tous jusqu’à 18 ans. 

Action : « Rien ne sert de courir, il faut partir à point ».

Il ne faut plus plus réagir, il faut agir…

– Nous devons être à l’offensive sur les questions de droits des étrangèr·es et sur le droit des femmes, sur l’écologie. Cela doit être le cas dans la rue et dans les réflexions que nous menons sur nos métiers. ​​Les modifications des programmes qui arrivent nous y obligent de fait. Nous devons continuer à soutenir les collectifs PJC, Visa et collectifs droits des femmes.  Nous devons travailler à investir localement les luttes féministes pour des 25 novembre et 8 mars réussis partout.

– Il nous faut anticiper l’attaque sur les retraites, sans oublier que la Sécu est en ligne de mire du marché, qui lorgne sur les richesses que constituent ce bien commun.

– Les services publics doivent être sanctuarisés et protégés de la soif de profit, cela passe par une neutralité absolue quant au prosélytisme du néo-libéralisme dans l’école, par le biais de la formation (des enseignant·es et élèves), de l’orientation, de certaines activités pédagogiques, etc. Nous devons ainsi appeler à refuser ces entailles qui se font localement et à bas bruit.

– Il nous faut réamorcer une campagne choc concernant le temps de travail. Nous devons être mieux rémunéré·es sans augmentation de notre temps de travail, sans mission supplémentaire, rendre visibles (par une enquêtes adressée aux collègues, des témoignages…) les missions qui se sont déjà accumulées : inclusion, différenciation, lutte contre le décrochage scolaire, contre le harcèlement, travail sur l’orientation, la santé, … Il nous faut interroger le ministre sur les nouvelles missions qu’il croit encore possible de nous infliger et imposer l’idée que nous avons au contraire besoin de plus de temps d’élaboration et de concertation.

– Il nous faut remettre à l’ordre du jour la question du paritarisme et des pertes déjà enregistrées et qui vont se poursuivre. Il faut convaincre toujours mieux les collègues de l’importance du syndicalisme avec des campagnes fortes pendant les élections pro sur la nécessité d’une démocratie véritable à toute les échelles, et nous engager notamment à renverser ce qui nous a été imposé depuis longtemps : rentrer dans une enveloppe étriquée, alors que l’enveloppe devrait être définie par les besoins.

– Il faut remettre en avant la pétition contre les épreuves de Spécialité en mars. Certaines associations de spécialistes envoient des courriers aux élu·es. Associons-nous y et proposons des motions de C.A aux collègues.

– Nous devons parler aux collègues de ce qui les taraude en 1er : l’inclusion en collège, l’avenir de certains postes et les conditions d’examen au lycée, relancer une lutte offensive sur ces questions et arrêter de se laisser imposer l’agenda politique.

Il nous faut prendre contact avec les associations de spécialistes et organisations syndicales, dans le cadre éducatif et intersyndical, pour mener des campagnes d’opinion qui remettent à l’avant l’utilité des services publics. Les élections professionnelles ne doivent pas être un frein à un travail avec les autres. Les enjeux de la période l’exigent. Les libéraux ne nous attendront pas pour finaliser leur destruction de l’École et des services publics.

La FSU s’est mandatée pour proposer la construction, impliquant les personnels, d’une journée de grève dans l’éducation en janvier sur les salaires, les moyens, les conditions et le temps de travail. Que cette grève ait lieu le 16 ou le 23 janvier, elle devra s’articuler, en terme de calendrier comme en terme de campagnes, avec la mobilisation contre la réforme des retraites.

La FSU s’est également mandatée pour que l’interpro puisse annoncer rapidement une première date d’action de grève unitaire sur les retraites en janvier, et, à défaut, pour construire la mobilisation avec les organisations qui seront mandatées en ce sens. Le SNES-FSU doit prendre toute sa part dans la campagne de mobilisation dans son champ, contre tout recul de l’âge de départ et tout allongement de la durée de cotisation.

Mais le gouvernement semble déterminé à imposer sa réforme au pas de charge, possiblement avant Noël, conscient qu’une grève longue et dure serait compliquée à assumer dans cette période, et que les élections professionnelles sont peu propices à l’action commune. Pour autant, dans un tel cas, ne pas mobiliser, de la manière la plus unitaire possible (avec les organisations mandatées en ce sens même si toutes ne le sont pas), desservirait notre syndicalisme. Le mouvement syndical doit se tenir prêt à réagir immédiatement : si le gouvernement décidait de passer en force en éliminant tout débat parlementaire en usant une fois de plus le 49-3 lors de l’examen du PLFSS, il doit proposer une date de grève unitaire au plus vite, et le SNES-FSU doit peser en ce sens.