Dans ce dossier :
– Résister à la banalisation du RN dans les syndicats
– Médias : lutter contre le financement de l’extrême droite
– Ecologie et extrême droite
– Argentine «La résistance s’organise dans tous les secteurs»
La présence de Marine Le Pen à la cérémonie d’entrée au Panthéon de Mélinée et Missak Manouchian, quelques mois après sa participation à la manifestation contre l’antisémitisme du 11 novembre, illustre la volonté du rassemblement national (RN) de se normaliser. Ce n’est pas nouveau, c’est la continuation de l’orientation de Marine Le Pen visant à « dédiaboliser » le RN. Aujourd’hui, cela prend réellement corps, avec le jeu dangereux du pouvoir macroniste qui tente de se servir du RN pour diviser et celui de la droite qui court désespérément derrière ses thèses les plus nauséabondes. Si le poids du RN à l’Assemblée nationale joue un rôle non négligeable dans sa représentation officielle, c’est surtout le signe de l’impuissance des autres forces politiques à représenter une alternative suffisamment crédible à la progression de l’extrême droite.
La perspective de prise de pouvoir de l’extrême droite en France, longtemps agitée comme un épouvantail, peut se réaliser.
Cela s’inscrit dans une tendance lourde au niveau mondial avec l’Italie, les Pays-Bas ou l’Argentine pour se limiter à des pays comparables à la France. Les ralliements de personnalités comme l’ancien directeur de Frontex, Fabrice Leggeri, montrent qu’une partie de la bourgeoisie est prête à privilégier le RN aux Républicains ou au macronisme.
Cette situation transforme-t-elle réellement le RN en un parti classique de droite teinté de trumpisme ?
Le RN n’est pas un parti fasciste classique. Il est principalement implanté dans la classe moyenne déclassée et dans les zones périphériques des villes ou rurales. Son programme économique et social semble compatible avec la droite classique et même avec l’Union européenne.
Pourtant les thèses fondatrices du RN, le racisme, la préférence nationale, le grand remplacement trouvent aujourd’hui une place centrale dans les médias, et aussi dans l’ensemble du débat politique. Mais le parti de Bardella avance également sur d’autres sujets comme l’éducation, l’agriculture et l’écologie.
La progression du vote RN parmi les salarié·es syndiqué·es ou sympathisant·es est notable, toutes les organisations syndicales sont touchées, à des échelles diverses. Pour cette seconde partie de notre dossier initié dans notre dernier numéro, nous avons demandé à la CGT, Solidaires et la FSU leur vision de la montée du RN, leur perception de sa progression et la manière de s’y opposer dans le monde du travail. La formule d’un syndicalisme « indépendant mais pas neutre », reprise à la fois par la CGT, Solidaires et la FSU, exprime la volonté de ne renoncer ni à l’indépendance syndicale ni à la lutte contre la menace de l’extrême droite.
Alors que nous sommes confronté·es à un pouvoir macroniste autoritaire, raciste, flirtant régulièrement avec des thèses empruntées à l’extrême droite, il est tentant de penser que le principal danger serait Macron, que sa politique n’est pas très éloignée de ce que Le Pen ferait si elle était au pouvoir (cf. l’Italie de Georgia Meloni).
Poser la question ainsi est mortifère, car cela minimise le danger de la prise du pouvoir par le RN sans armer davantage contre Macron et sa politique.
Il faut se convaincre que le RN au pouvoir serait une défaite majeure du mouvement social. Que ses mesures islamophobes et contre les droits des travailleur·ses, des immigré·es, des femmes, des minorités de genre seraient rapides et violentes. Que la police, gangrenée par l’extrême droite, n’aurait plus aucune retenue, que les groupes néonazis et identitaires divers auraient encore plus les mains libres.
Nous en avons déjà un aperçu avec le gouvernement actuel.
Il faut mener la lutte contre la politique de Macron et celle de Le Pen, tout en refusant la fausse alternative qu’on nous présente entre macronisme et lepénisme.
La lutte contre la réforme des retraites et les mobilisations actuelles montrent qu’il y a encore un potentiel de résistance. Il faut résister mais, au-delà, la gauche sociale et politique doit proposer une orientation, une alternative en rupture avec plusieurs décennies de politiques néolibérales, racistes, productivistes. Une alternative capable de concurrencer les scores de Macron et Le Pen pour matérialiser qu’une victoire est possible et que le choix n’est pas irrémédiablement entre la peste et le choléra.
Il faut aussi qu’elle soit force de proposition pour revivifier la démocratie sociale et politique mise à mal par des décennies de pouvoir présidentiel et la marginalisation des acteur·rices de la démocratie, partis, Parlement, syndicats et associations.
Les organisations syndicales ont un rôle important à jouer dans l’émergence de propositions à même de mobiliser et de changer la donne sociale. Le regain de confiance, acquis lors des luttes, donne aux syndicats cette responsabilité.
À son niveau, la FSU doit élaborer des revendications et des plans d’action en défense des droits et des libertés, dans l’unité, en mettant ses propositions en débat, y compris avec les organisations politiques. Il faut continuer à œuvrer pour renforcer l’unité des forces syndicales de lutte et de transformation sociale autour de la construction d’un nouvel outil syndical, tout en recherchant l’unité d’action la plus large. ■
Bernard DESWARTE et Sophie ZAFARI
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